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09/10/2002 | FRANCE | N°02-80901

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 octobre 2002, 02-80901


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la REUNION, chambre correctionnelle, en date du 27 décembre

2001, qui, pour atteintes sexuelles aggravées, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS de la REUNION, chambre correctionnelle, en date du 27 décembre 2001, qui, pour atteintes sexuelles aggravées, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction définitive d'exercer une activité ou une fonction lui permettant d'être en contact habituel avec les enfants, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 227-25 et 227-26 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'atteintes sexuelles sur mineures de 15 ans par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

"aux motifs qu'usant d'un mode quasi rituel, Pierre X... aimait à s'entourer des petites filles de sa classe (à l'exclusion des garçons), les invitant à le rejoindre à son bureau ou à rester en sa compagnie durant la récréation ; qu'au prétexte de contrôler leurs travaux scolaires, il les faisait asseoir sur ses genoux et profitait de cet instant pour glisser sa main sous les jupes des petites filles qu'il caressait furtivement et parfois de manière insistante sur les fesses, les cuisses, le ventre, le dos ou les hanches ;

que devant le magistrat instructeur, Pierre X... confirmait en cela les explications fournies aux enquêteurs, reconnaissant avoir uniquement caressé ses élèves sur les cuisses, ne voyant aucune connotation sexuelle à de telles pratiques destinées selon lui à briser les distances, à instaurer un plus grand climat d'affection entre l'enseignant et ses élèves et favoriser une meilleure réussite scolaire ; qu'il se hasardait à admettre qu'en prodiguant ses "gestes d'affection", sa main ait pu malencontreusement déraper en direction des fesses des jeunes élèves ; que, sans doute conscient de la gravité des conséquences de ce début d'aveu, Pierre X... se reprenait très vite, expliquant s'être laissé aller à cette précision sous le coup de la fatigue ; qu'il ne devait plus varier dans ses déclarations, estimant que ses jeunes élèves avaient pu se méprendre sur ses intentions ou la portée exacte de ses gestes ;

que les investigations entreprises sur commission rogatoire confirmaient les soupçons initiaux ; que les auditions des élèves masculins de la classe de CE1 de l'école de Bagatelle révélaient que le maître avait une préférence marquée pour les petites filles auxquelles il réservait "l'exclusivité" d'une méthode pédagogique qui n'avait d'ailleurs pas manqué de surprendre bon nombre de ses collègues ;

qu'en outre, les dénégations du mis en examen étaient contredites par les conclusions de l'expertise psychologique pratiquée sur quatre jeunes élèves (Y..., Z..., A... et B...) dont les éléments du discours étaient jugés crédibles, aucun d'eux ne présentant de tendance à la fabulation ;

que les premiers juges ont, par des motifs pertinents, tirés des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient en retenant la culpabilité du prévenu pour les délits qui lui sont reprochés, dont il reconnaît la matérialité, et dont le caractère intentionnel est établi, malgré les troubles névrotiques de type obsessionnel et phobique dont souffre l'intéressé, relevés par l'expert M. C... ;

"et aux motifs adoptés que Pierre X... a reconnu pour l'essentiel la matérialité des caresses et attouchements dénoncés par au moins quatorze de ses élèves féminines, âgées de 7 et 8 ans auxquelles il réservait l'exclusivité de ses méthodes pédagogiques particulières ;

que l'absence de connotation sexuelle des actes reprochés à Pierre X..., dont la vie sexuelle est d'une pauvreté affligeante, n'enlève pas pour autant leur caractère intentionnel, alors que tout suivi psycho-thérapeutique est délibérément rejeté par le sujet ;

"alors que, d'une part, les atteintes sexuelles sont constituées par des actes à connotation sexuelle ; que, par conséquent, en considérant, par motifs adoptés, que malgré l'absence de connotation sexuelle des actes reprochés à Pierre X... à l'encontre de ses élèves, ces actes étaient intentionnels, ce qui permettait de le déclarer coupable de l'infraction d'atteintes sexuelles, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction ;

"alors que, d'autre part, les atteintes sexuelles impliquent l'intention d'accomplir des actes dont l'auteur sait qu'ils ont une nature sexuelle et non seulement l'intention d'accomplir des actes de nature sexuelle ; que par conséquent, la cour d'appel qui considère, par motifs adoptés, que Pierre X... a commis intentionnellement les faits qui lui étaient reprochés tout en constatant l'absence de connotation sexuelle de ses actes n'a pas suffisamment caractérisé l'infraction ;

"alors que, de troisième part, en considérant que Pierre X... passait sa main sous la jupe des petites filles et parfois leur caressait le dos, le ventre, les cuisses ou les fesses, sans préciser lequel de ces comportements elle considérait comme constitutif d'atteintes sexuelles et quelles filles visées dans l'acte de prévention avaient été soumises à ce comportement, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'atteintes sexuelles aggravées dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 227-29 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'atteintes sexuelles sans violences, contrainte ou surprise, par abus d'autorité et l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à la peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une activité ou une fonction lui permettant d'être en contact habituel avec des enfants ;

"alors qu'en application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis, dès lors que cette peine est moins sévère que celle prévue par une loi postérieure aux faits ;

que par conséquent, en condamnant Pierre X... à la peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une activité ou une fonction lui permettant d'être en contact habituel avec des enfants, alors que cette peine complémentaire qui a été introduite dans l'article 227-29 du Code pénal par l'article 21 de la loi du 17 juin 1998 n'était pas prévue au moment à la date de commission des faits en 1997, la cour d'appel a violé l'article 112-1 du Code pénal" ;

Vu l'article 112-1 du Code pénal ;

Attendu que, selon ce texte, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'atteintes sexuelles commises "courant 1997 et depuis temps non prescrit" sur des mineures de quinze ans par une personne abusant de l'autorité que lui conféraient ses fonctions, l'arrêt attaqué le condamne, notamment, à l'interdiction définitive d'exercer une activité ou une fonction lui permettant d'être en contact habituel avec les enfants ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que cette peine complémentaire, introduite dans l'article 227-29 du Code pénal par l'article 21 de la loi du 17 juin 1998, n'était pas prévue par la loi à la date de commission des faits, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions condamnant Pierre X... à l'interdiction définitive d'exercer une activité ou une fonction lui permettant d'être en contact habituel avec les enfants, l'arrêt précité de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 27 décembre 2001 ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-80901
Date de la décision : 09/10/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen) LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Loi plus sévère - Non rétroactivité - Loi prévoyant une peine complémentaire non encourue à la date de la commission des faits - Atteintes sexuelles aggravées - Interdiction d'exercer une activité ou une fonction permettant d'être en contact habituel avec les enfants.


Références :

Code pénal 112-1 et 227-9
Loi 98-468 du 17 juin 1998 art. 21

Décision attaquée : Cour d'appel de SAINT-deNIS de la REUNION, chambre correctionnelle, 27 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 oct. 2002, pourvoi n°02-80901


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.80901
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