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01/10/2002 | FRANCE | N°02-80683

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 2002, 02-80683


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2001, qui,

pour homicides et blessures involontaires et défaut de maîtrise, l'a condamné à 3 mois d'empr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 14 décembre 2001, qui, pour homicides et blessures involontaires et défaut de maîtrise, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 12 000 francs d'amende pour les délits et 1 000 francs d'amende pour la contravention et un an de suspension du permis de conduire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8, 222-19 et 222-20 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable des délits d'homicide involontaire, de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois, puis l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et 12 000 francs d'amende, ainsi qu'à la suspension du permis de conduire pendant une durée d'un an ;

"aux motifs que l'automobiliste qui suivait le véhicule Espace a déclaré qu'il avait vu ce conducteur déboîter brusquement assez franchement, partir complètement à gauche et y rester avec une trajectoire rectiligne, comme s'il voulait doubler ; qu'il a précisé qu'il ne se souvenait pas si le clignotant fonctionnait ; que Thierry Y... a déclaré qu'il pensait que le conducteur du véhicule Espace avait décidé d'effectuer un dépassement, car il ne s'était pas déporté complètement et avait suivi une trajectoire de dépassement, qu'il avait maintenu une ligne rectiligne ; que ces deux témoignages laissent supposer que Jacques X... s'est déporté sur la gauche pour entreprendre une manoeuvre de dépassement ; que, cependant, Jacques X..., s'il reconnaît sa responsabilité dans la survenance de l'accident, conteste formellement toute volonté de dépassement, manoeuvre qui selon lui aurait été "un geste fou et suicidaire en raison des conditions de circulation ; qu'il affirme s'être assoupi un court instant, avoir perdu le contrôle de son véhicule et s'être "réveillé" lors du choc ; qu'il précise qu'il circulait à environ 80 km / heure ; qu'il indique qu'au cours des deux journées précédentes, il avait participé à une course de voiliers qui représentait 8 heures de mer, le vendredi, 3 heures le samedi ; que le matin de l'accident, il

avait encore effectué 3 heures de bateau, lui-même étant à la barre et l'ensemble de la famille avait déjeuné après avoir mouillé à l'île de Tatihou, d'un repas léger et raisonnablement alcoolisé ; qu'ils avaient quitté Saint-Vaast-La-Hougue vers 15 heures ; que, lors de l'accident, l'ensemble de ses passagers dormaient, que les enfants ne portaient pas leur ceinture de sécurité ; que le véhicule était dépourvu de climatisation et les vitres étaient fermées ; que la simple constatation d'un déport du véhicule automobile Espace, même brutal, sur la voie de gauche, et d'une trajectoire rectiligne, sont des éléments insuffisants pour établir que Jacques X... a entrepris une manoeuvre de dépassement alors qu'aucun témoin n'a vu de clignotant ; que les faits par eux constatés ne sont pas exclusifs d'une perte de contrôle due à un assoupissement très passager ; que la possibilité d'une telle manoeuvre résulte de leur seule déduction ; que Jacques X... conteste formellement avoir eu cette intention, que malgré la médiatisation de l'accident, il n'a été signalé aucune manoeuvre dangereuse par lui commise sur l'itinéraire emprunté entre Saint-Vaast-La-Hougue et Moles, et qu'un dépassement entrepris dans ces conditions serait l'oeuvre d'un chauffard criminel de la route, ce qui est incompatible avec la personnalité de Jacques X..., telle qu'elle résulte tant de l'expertise psychologique diligentée que des attestations unanimes par lui produites ; qu'il y a donc lieu de considérer que l'accident est dû à un endormissement momentané de Jacques X..., qui a provoqué un défaut de contrôle de son véhicule ; que, cependant, en entreprenant un long trajet aux heures les plus chaudes d'une journée particulièrement ensoleillée, alors que son véhicule, aux larges surfaces vitrées, était dépourvu de climatisation et que les glaces étaient remontées, privant le conducteur de toute aération rafraîchissante, après deux jours et demi de navigation fatigante, et alors que sa consommation de boissons alcoolisées - certes inférieure au taux pénalement punissable - était cependant de nature à atténuer sa vigilance et ses réflexes, Jacques X... a accumulé les facteurs susceptibles de provoquer un assoupissement passager, alors que ceux-ci sont notoirement connus de tous les conducteurs, et que les difficiles conditions de circulation, également connues de lui un jour de très grande circulation sur un axe fréquenté - requéraient une attention particulièrement sans faille ; que les infractions, objet de la poursuite, étant établies, le jugement sera confirmé sur les déclarations de culpabilité ;

"alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibéré une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'il n'existe pas de lien de causalité direct entre la faute ayant consisté à conduire un véhicule en étant fatigué, ce qui a provoqué un assoupissement momentané puis une trajectoire anormale de véhicule, et le décès ou les blessures pouvant survenir à la suite d'un accident consécutif à cette trajectoire anormale ; que l'auteur d'une telle faute n'est donc pénalement responsable que s'il est établi qu'il a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'en s'abstenant néanmoins de caractériser un telle faute à l'encontre de Jacques X..., et en se bornant à lui reprocher d'avoir commis une imprudence en conduisant le véhicule par temps chaud et alors qu'il était fatigué, sans caractériser à son encontre une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Jacques X..., au volant d'un véhicule non aéré, entreprenant un trajet aux heures chaudes de la journée et dans des conditions de circulation difficiles, après deux jours et demi de navigation fatigante et une consommation de boissons alcoolisée, s'est assoupi momentanément, et, se déportant sur la partie gauche de la chaussée, a heurté le véhicule venant en sens inverse provoquant également des collisions entre les véhicules et motocyclettes qui suivaient ce dernier ;

que, dans l'accident, deux personnes sont décédées et dix autres ont été blessées ; qu'il est poursuivi pour homicides et blessures involontaires et défaut de maîtrise de son véhicule ;

Attendu que la cour d'appel a déclaré Jacques X... coupable de ces infractions, constatant qu'il s'était montré imprudent en conduisant son véhicule dans des conditions susceptibles de provoquer l'assoupissement à l'origine de l'accident ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a, par manquement à son obligation de prudence et de sécurité, causé directement les dommages subis par les victimes, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments les délits et la contravention prévus par les articles 221-6, 222-19 et R. 625-2 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen, inopérant, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-80683
Date de la décision : 01/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Manquement à une obligation de prudence et de sécurité - Usager de la route - Portée.


Références :

Code pénal 221-6, 222-19 et R625-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 14 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 2002, pourvoi n°02-80683


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.80683
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