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01/10/2002 | FRANCE | N°01-88708

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 2002, 01-88708


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA NIEVRE,

- L'ASSOCIATION DES CHASSEURS DE GRANDS ANIMAUX DU DEPARTEMENT DE

LA NIEVRE, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correct...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA NIEVRE,

- L'ASSOCIATION DES CHASSEURS DE GRANDS ANIMAUX DU DEPARTEMENT DE LA NIEVRE, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 29 novembre 2001, qui, dans la procédure suivie contre René X..., Pascal X... et Thierry Y..., a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-5 du Code pénal, R. 225-1 et suivants, R. 225-4 et suivants, R. 225-8, R. 225-10, R. 225-12, L. 225-1, L. 225-2, L. 225-4, R. 228-9, R. 228-15, R. 228-16 du Code rural, de l'article 1 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, accueillant l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral ayant fixé le plan de chasse individuel des prévenus, les a relaxés des poursuites engagées sur ce fondement, et a rejeté par voie de conséquence les prétentions des parties civiles ;

"aux motifs que, "à l'exception de la contravention d'agrainage de sangliers à poste fixe, les infractions ne sont constituées que pour autant que sur le plan de chasse visé dans la prévention n'est pas illégal ; qu'en vertu de l'article 111-5 du Code pénal, les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier la légalité des actes administratifs réglementaires ou individuels lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ; que les articles L. 225-1, L. 225-4, R. 225-2 et R. 225-9 du Code rural prévoient que chaque détenteur d'un droit de chasse peut obtenir un plan de chasse individuel sur un territoire à condition d'en faire la demande auprès de la Fédération départementale des Chasseurs (...) ; que, dans le cas de l'espèce, René X... avait sollicité l'attribution, pour la campagne 1999/2000, de trois chevreuils ; qu'il ne lui en a été accordé qu'un seul par l'arrêté préfectoral susmentionné, ce qui constitue une décision manifestement défavorable ; que celle-ci n'est motivée ni en fait, ni en droit, l'acte administratif en question se contentant de faire référence à l'avis émis par la Commission départementale (...) ; que, nonobstant l'absence de recours contre la décision administrative, les prévenus conservent en toute hypothèse la possibilité de soulever l'illégalité de l'arrêté préfectoral par voie d'exception devant le

juge pénal ; que, faisant droit à leur exception, le premier juge a pu, dès lors, valablement énoncer que l'arrêté litigieux était entaché d'illégalité et que les infractions reprochées sur ce fondement ne pouvaient donc être retenues" ;

"alors, d'une part, que les juridictions pénales, n'étant compétentes pour apprécier la légalité d'un acte administratif réglementaire ou individuel que lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis, ne pouvaient, en l'espèce, accueillir l'exception d'illégalité du plan de chasse individuel, soulevé par les prévenus, pour les relaxer de toute infraction en lien avec ce plan de chasse, dans la mesure où le droit de chasser le chevreuil est en tout état de cause subordonné à une autorisation préalable et où l'espèce est, ainsi protégée ; que, à supposer même que le plan individuel soit entaché d'illégalité, les prévenus n'en étaient pas moins en infraction eu égard aux textes généraux relatifs au plan de chasse, pour avoir chassé le chevreuil sans l'autorisation requise ; qu'ainsi l'appréciation de la légalité du plan individuel de chasse était sans effet sur la solution du procès-verbal, et les juridictions pénales ont, par conséquent, excédé leurs pouvoirs en procédant à cet examen ;

"alors, d'autre part, que le plan de chasse au chevreuil étant obligatoire, la constatation de l'illégalité du plan individuel de chasse ne pouvait, en toute hypothèse, placer les prévenus dans une situation de totale liberté quant à l'exercice de la chasse aux grands gibiers et au nombre d'animaux à tirer sur le territoire de chasse ; qu'en se soustrayant, ainsi, à toute obligation à cet égard, les prévenus ont nécessairement chassé en contravention avec les prescriptions générales relatives à la protection des gros gibiers et à l'obtention préalable d'un plan de chasse les autorisant à tirer le chevreuil, au sens de l'article R. 228-15 du Code rural ;

"alors, enfin, que la cour d'appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée par les demanderesses, si la contravention d'absence de marquage de l'animal tué, préalablement à son déplacement, ne se trouvait pas constituée, quelle que soit la régularité du plan de chasse individuel ; que la cour d'appel, en ne s'expliquant pas sur ce point, n'a pu donner une base légale à sa décision" ;

Vu l'article 111-5 du Code pénal, ensemble les articles L. 425-2 du Code de l'environnement, R. 225-1, R. 225-2, R. 228-15 et R. 228-16 du Code rural ;

Attendu que les juridictions pénales ne sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité que lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ;

Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué que le 2 janvier 2000, dans le département de la Nièvre, en période d'ouverture de la chasse, à l'occasion d'une battue organisée par René X..., bénéficiaire d'un plan individuel de chasse portant attribution d'un seul chevreuil, Thierry Y... a tué un brocard ; qu'avec l'accord de René X..., l'animal, sur lequel aucun dispositif de marquage n'a été apposé, a été déplacé, avec l'aide de Thierry Y..., par son fils Pascal X... jusqu'au véhicule de ce dernier, dans lequel il a été transporté ; qu'à la suite de la réutilisation du bracelet, la Fédération départementale des chasseurs de la Nièvre et l'Association des chasseurs de grands animaux de ce département, qui se sont constitués parties civiles, ont fait citer directement devant le tribunal de police René X..., notamment, pour contravention aux prescriptions du plan de chasse et les deux autres pour défaut de marquage d'un animal tué en application dudit plan ;

Attendu que, pour les renvoyer, de ce chef, des fins de la poursuite et débouter, à ce titre, les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir constaté l'illégalité de l'arrêté fixant le plan individuel de chasse attribué à René X... et portant refus d'une partie des attributions sollicitées, énonce que les infractions reprochées ne peuvent être retenues ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le plan de chasse au chevreuil, de droit sur tout le territoire national, est obligatoirement mis en oeuvre chaque année, au niveau du département, par un arrêté préfectoral fixant le nombre minimum et le nombre maximum d'animaux à prélever et qu'en période d'ouverture de la chasse, la circonstance qu'un plan de chasse individuel, pris au visa de cet arrêté, et portant refus de certaines attributions serait entaché d'illégalité ne saurait autoriser le détenteur du droit de chasse qui s'en prévaut ou ses ayants droit à chasser cet animal sur son territoire de chasse sans autorisation ou au-delà de l'autorisation obtenue et sans se conformer à la réglementation relative au marquage et au transport de ce gibier, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 29 novembre 2001, mais en ses seules dispositions ayant débouté les parties civiles de leurs demandes présentées au titre des infractions aux articles R. 228-15 et R. 228-16 du Code rural, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-88708
Date de la décision : 01/10/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Acte administratif, réglementaire ou individuel - Appréciation de la légalité - Juridictions pénales - Conditions.


Références :

Code pénal 111-5

Décision attaquée : Cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, 29 novembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 2002, pourvoi n°01-88708


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.88708
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