AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société La Mutuelle du Mans assurances et la société Sotrafret que sur le pourvoi incident relevé par la société Groupama Loire-Bourgogne et la société des Transports Deniau :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sotrafret qui avait été chargée par la société Agrekko France (société Agrekko) de l'acheminement d'un groupe électrogène de Carquefou à Brétigny-sur-Orge, s'est substitué la société des Transports Deniau (le transporteur) qui a effectué cette opération par route ; qu'au cours du transport, le conteneur, renfermant le groupe électrogène, est tombé sur la chaussée et que celui-ci a été endommagé ; que la compagnie Albingia qui est subrogée dans les droits de son assuré, la société Agrekko, pour l'avoir en partie indemnisée de son préjudice, a assigné la société Sotrafret et le transporteur ainsi que leurs assureurs respectifs, la société La Mutuelle du Mans assurances et la société Groupama Loire-Bourgogne, en paiement de l'indemnité versée ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident :
Attendu que le transporteur et son assureur reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Allingia, alors, selon le moyen, que la faute lourde, exclusive de limitation de responsabilité, est celle qui, procédant d'une négligence extrêmement grave et confinant au dol, dénote l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le choix d'un système d'arrimage inadapté a été le fait de la société Sotrafret, commissionnaire de transport ; qu'en retenant dès lors qu'une faute lourde à la charge du transporteur, dont elle constatait qu'il n'était intervenu qu'après que le choix d'un arrimage par sangles eût été fait par une personne censée connaître le transport des groupes électrogènes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 133-1 du Code de commerce ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas relevé que le choix d'un système d'arrimage inadapté avait été le fait de la société Sotrafret, commissionnaire de transport ; que le moyen manque en fait ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, réunis, qui sont rédigés en termes identiques :
Attendu que la société Sotrafret, le transporteur et leurs assureurs respectifs reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Albingia, formée contre eux, alors, selon le moyen, que ne peut constituer une faute lourde à la charge du transporteur que l'insuffisance flagrante d'arrimage ou l'utilisation d'un véhicule notoirement inadapté ;
que la cour d'appel n'a pas relevé que le transporteur avait choisi un arrimage manifestement inadapté et a expressément constaté que l'expéditeur était d'accord avec ce système puisqu'il a chargé le conteneur sur le véhicule ; qu'en retenant dès lors une faute lourde à la charge du transporteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1150 du Code civil et L. 133-1 du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le conteneur est tombé sur la chaussée, au cours du transport, en raison d'un arrimage par sangles inadapté, au moins dans sa mise en oeuvre et que le préposé du transporteur n'a pas fait compléter ou modifier cet arrimage ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu estimer qu'en acceptant de réaliser un transport dans de telles conditions, le transporteur avait commis une négligence extrêment grave, confinant au dol et dénotant son inaptitude à la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du premier moyen du pourvoi principal, contestée par la défense :
Attendu que la compagnie Albingia prétend que le moyen par lequel la société Sotrafret et son assureur soutiennent que la cour d'appel aurait dû procéder à un partage de responsabilité entre le transporteur et l'expéditeur qui a effectué le chargement, est irrecevable comme nouveau ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions de la société Sotrafret et de son assureur que ceux-ci ont fait valoir que la responsabilité de la société Sotrafret ne saurait excéder 25 % en raison du fait que le chauffeur n'avait pas émis de réserve sur le défaut d'arrimage et de calage qui incombait à l'expéditeur ; que, dès lors, le moyen qui n'est pas nouveau, est recevable ;
Mais sur le moyen ainsi que sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis :
Vu l'article 103, devenu l'article L 133-1 du Code de commerce ;
Attendu que pour condamner solidairement la société Sotrafret et le transporteur ainsi que leurs assureurs à payer à la compagnie Albingia la somme de 362 597 francs en principal, l'arrêt retient que le conteneur est tombé sur la chaussée, au cours du transport, en raison d'un arrimage par sangles inadapté, au moins dans sa mise en oeuvre, et que la société Sotrafret, garant du transporteur, son substitué, est comme lui, totalement responsable du préjudice causé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'entreprise où le conteneur avait été pris en charge, l'avait mis sur le véhicule du transporteur et que le préposé de celui-ci qui devait vérifier que le sanglage présentait toute sécurité, n'avait pas fait compléter ou modifier l'arrimage du conteneur ce dont il résultait que cette opération avait été effectuée par le représentant de l'expéditeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société des Transports Deniau, de la société Groupama Loire-Bourgogne et de la compagnie Albingia ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du premier octobre deux mille deux.