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01/10/2002 | FRANCE | N°00-21037

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 octobre 2002, 00-21037


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Orléans, 29 août 2000), que par contrat soumis au droit allemand du 20 mai 1987, la société Tabbert caravan GmbH (société Tabbert) a confié à M. X... la distribution exclusive sur le territoire français des caravanes qu'elle fabrique, de marque Tabbert ; que le 24 juin 1997, elle a mis fin à ce contrat ; que par acte du 13 novembre 1997, M. X... a signé un contrat d'agence commerciale à durée déterminée de troi

s ans avec la société Tiag France, société de droit français faisant partie du ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Orléans, 29 août 2000), que par contrat soumis au droit allemand du 20 mai 1987, la société Tabbert caravan GmbH (société Tabbert) a confié à M. X... la distribution exclusive sur le territoire français des caravanes qu'elle fabrique, de marque Tabbert ; que le 24 juin 1997, elle a mis fin à ce contrat ; que par acte du 13 novembre 1997, M. X... a signé un contrat d'agence commerciale à durée déterminée de trois ans avec la société Tiag France, société de droit français faisant partie du groupe Tabbert ; que le même jour, la société Tiag France, cessionnaire des créances de la société Tabbert, a réaménagé la dette de M. X... par un prêt à long terme ;

que la société Tiag France ayant résilié le contrat le 4 février 1998, M. X... l'a assignée en paiement de diverses sommes ; que M. X... ayant été mis en liquidation judiciaire, M. Y..., désigné en qualité de liquidateur, a repris l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité pour rupture abusive du contrat d'agent commercial du 13 novembre 1997, alors, selon le moyen :

1 ) que selon les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, celui-ci n'a pas droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi ; qu'après une collaboration de dix ans en qualité d'importateur et de distributeur exclusif de caravanes sur le territoire français puis d'agent commercial, le fait non invoqué dans la lettre notifiant la rupture pour faute grave et sans préavis ni indemnité, d'avoir accepté en méconnaissance de la politique tarifaire du mandant mais sous son contrôle de reprendre deux caravanes d'occasion à des prix trop élevés ne constituait pas à lui seul la faute grave propre à priver l'agent commercial de toute

indemnité compensatrice du préjudice subi ; qu'en décidant du contraire pour rejeter la demande de M. Y... ès qualités de sa demande en paiement de la dite indemnité, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ;

2 ) qu'après avoir constaté que le groupe Tabbert pour lequel M. X..., après avoir été durant une dizaine d'années l'importateur et le distributeur exclusif sur le territoire français, assurait désormais la distribution de ses caravanes par sa filiale la société Tiag France qui avait conclu avec M. X... un contrat d'agent commercial et le caractère non fondé des motifs invoqués dans la lettre notifiant la rupture de ce contrat, la cour d'appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si les reproches fallacieux adressés à M. X... dans le lettre de rupture étaient destinés à le priver de l'indemnité de rupture ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134- 12 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que pendant toute la durée du mandat, M. X... a méprisé volontairement les instructions de la mandante, malgré maints rappels des instructions de celle-ci et de multiples lettres, dont celles des 30 décembre 1997 et 12 janvier 1998 particulièrement circonstanciées l'invitant à changer d'attitude et à respecter ses directives pour ne pas nuire à son image ; qu'il retient que ces faits constituent une faute grave, même s'ils ne sont pas visés dans la lettre de rupture qui n'est que l'ultime courrier adressé à l'agent ; qu'il retient par ailleurs que la rupture du contrat est exclusivement imputable à M. X... ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a exclu que cette rupture trouve son origine dans une autre cause, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le liquidateur reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour soutien abusif de M. X..., pour appropriation du fonds de commerce et pour détournement d'actifs, alors, selon le moyen, que la lettre du 24 juin 1997 de nature à prouver le soutien abusif manifesté par la société Tiag France à M. X... ainsi que les autres reproches articulés par le liquidateur, qui émanait du conseil de la société Tabbert et de sa filiale la société Tiag France, formulait clairement des exigences pour "ses deux clientes : la société Tabbert ... et la société Tiag France S.A.R.L." ; qu'en considérant, au contraire, pour rejeter les demandes en paiement de dommages-intérêts, que les exigences que contenait cette lettre du 24 juin 1997 ne pouvaient être opposées à la société Tiag France "dès lors que cette lettre n'émane pas de la société Tiag France", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que le liquidateur ayant soutenu que la lettre du 24 juin 1997 était une lettre d'intention dont le contenu a été concrétisé par le protocole d'accord du 13 novembre 1997, la cour d'appel a analysé ce protocole et, par des motifs non critiqués, a retenu qu'il n'établissait pas la réalité des faits reprochés à la société Tiag France elle-même ;

que, dès lors, le moyen est inopérant ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour soutien abusif de M. X..., alors, selon le moyen :

1 ) qu'après avoir constaté que M. X... se trouvait en cessation des paiements dès le 29 janvier 1997, que la lettre du 24 juin 1997 formulait des exigences propres à apporter la preuve du soutien abusif allégué et que trois conventions avaient été conclues le 13 novembre 1997, la première sur des ventes d'actifs immobiliers, la deuxième opérant une compensation prohibée en période suspecte et la troisième portant conclusion du contrat d'agence commerciale, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les exigences formulées par la société Tiag France le 24 juin 1997, laissaient apparaître qu'elle connaissait la situation de cessation des paiements de M. X... ou à tout le moins le caractère irrémédiablement compromis de sa situation, de sorte qu'elle s'était livrée, dans son intérêt exclusif , à un soutien abusif pendant les pourparlers ayant abouti aux contrats du 13 novembre 1997 ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, avant de rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que constituait un soutien abusif dans son intérêt propre, le fait pour la société Tiag France, après s'être fait consentir des ventes d'actifs immobiliers, de conclure un contrat d'agence commerciale le 13 novembre 1997 avec M. X... dont elle ne pouvait ignorer la situation de trésorerie gravement obérée pour s'être fait céder le 23 juin 1997 la créance de sa société mère sur celui-ci au titre d'un crédit-fournisseur de 3 000 000 DM et d'un prêt de 2 789 362 DM accordés le 16 décembre 1996, tout en consentant le même jour un réaménagement de la dette inhérente à la créance cédée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen ne peut, sans se contredire, soutenir à la fois, dans sa première branche, que la société Tiag France a engagé sa responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle et, dans sa seconde branche, qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle ; qu'il est donc irrecevable ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'arriérés de commissions, alors, selon le moyen :

1 ) que dans ses conclusions d'appel, il avait fait valoir que l'article 7-5 du contrat d'agent commercial imposait, à compter du 13 novembre 1997, à la société Tiag France de payer la commission dès que la commande est acceptée ; que si les conditions auxquelles les quarante commandes avaient été passées n'avaient pas été conformes aux exigences de la société Tiag France, il lui aurait appartenu de les refuser, de sorte que l'acceptation des commandes, suivie de l'encaissement du prix de vente, obligeait la société Tiag France à verser au débiteur les commissions qui lui étaient dues ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, considérer à la fois, par adoption des motifs des premiers juges, que la modification des prix des caravanes par minoration des commissions dues à M. X... avait fait l'objet d'un accord des parties, et que M. X... avait commis une faute grave en acceptant, en méconnaissance de la politique tarifaire de la société Tiag France de reprendre deux caravanes d'occasion à des prix trop élevés afin de majorer ses commissions ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, répondant aux conclusions prétendument délaissées, et sans contredire les premiers juges, l'arrêt retient que la somme réclamée est calculée sur quarante ventes de caravanes neuves en fonction d'un prix de vente déterminé arbitrairement par M. X... lui-même sans respecter les tarifs qu'il devait appliquer, aboutissant, dans son intérêt, à des majorations de prix entraînant l'augmentation de ses commissions tandis que la société Tiag France a dû modifier le prix de vente de ces caravanes au moment de l'acceptation des commandes correspondantes et donc minorer le montant des commissions de M. X... ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour frais de stationnement sur un terrain de M. X... de soixante-dix à cent caravanes du groupe Tabbert entre le 1er juillet 1997 et le 31 janvier 1998, alors, selon le moyen :

1 ) que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels ou de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Tiag France avait laissé des caravanes en stationnement sur un terrain qui appartenait à M. X... devenu agent commercial après la résiliation du contrat d'importateur et de distributeur exclusif ; que la cour d'appel devait déduire de la modification des rapports contractuels l'existence d'un contrat de dépôt accessoire au contrat d'agence relatif au stationnement des caravanes ; qu'en rejetant la demande en paiement, sans déduire les conséquences légales de ses propres constations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1915 du Code civil ;

2 ) que dans ses conclusions d'appel, M. Y... avait soutenu que la proposition de la société Tiag France de paiement à titre transactionnel d'une redevance pour le dépôt des caravanes, prouvait qu'elle reconnaissait devoir une redevance au titre des frais de stationnement ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le stationnement des caravanes a été fait au vu et au su de M. X... qui n'a jamais demandé, avant la rupture des relations contractuelles, la moindre somme à quelque titre que ce soit ; qu'il en déduit qu'il a toléré ce stationnement à titre gratuit ; qu'ainsi, la cour d'appel, devant laquelle le moyen invoqué par la seconde branche n'était pas soulevé, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Tiag France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du premier octobre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-21037
Date de la décision : 01/10/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale économique et financière), 29 août 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 oct. 2002, pourvoi n°00-21037


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.21037
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