AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les associations cultuelles d'Opoa, Tevaitoa et Vaiaau (les associations cultuelles) ne produisaient ni leurs statuts ni la liste de leurs membres et qu'elles ne rapportaient pas la preuve qu'elles regroupaient l'ensemble des paroissiens de l'époque et même l'ensemble des paroissiens actuels, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que les associations ne pouvaient être regardées comme les acquéreurs des biens en litige ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a fait une exacte application de l'article 211 du Code de procédure civile de Polynésie française en retenant que la demande d'expulsion formée pour la première fois devant elle par le conseil d'administration des biens de l'Eglise évangélique de Polynésie française (CABEEPF) était recevable, dès lors qu'elle présentait un lien de connexité indiscutable avec l'objet principal du litige ;
Et attendu qu'ayant relevé, sans se contredire, que les immeubles en litige avaient été acquis à l'origine par les paroissiens pour être consacrés au culte protestant tel qu'enseigné et pratiqué par l'église évangélique et que les lieux avaient été utilisés jusqu'à ce jour à cette destination, que celle-ci impliquait une stipulation tacite des paroissiens au profit de l'église évangélique selon laquelle le culte protestant serait exercé dans les lieux librement de manière continue et conformément à la règle au sens religieux du terme de l'église évangélique, et qu'en raison de cette stipulation faite à son profit, l'église était en droit de demander en justice la cessation des troubles causés par les tiers à la destination des lieux, la cour d'appel a pu en déduire que le CABEEPF, investi d'une mission de représentation de l'église évangélique, était fondé à solliciter l'expulsion des association cultuelles ainsi que de leurs dirigeants et membres qui s'opposaient à l'exercice normal du culte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 815 du Code civil ;
Attendu que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut être toujours provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 9 septembre 1999) que les associations cultuelles d'Opoa, de Tevaitoa et Vaiaau (les associations cultuelles) ont saisi le tribunal de première instance d'une demande tendant à se voir reconnaître la propriété des immeubles fonciers inscrits aux noms respectifs de ces paroisses à la conservation des hypothèques de Papeete, que le conseil d'administration des biens de l'église évangélique de Polynésie française (CABEEPF) a sollicité le rejet de cette requête et a demandé reconventionnellement que, par l'effet du jugement à intervenir, les biens acquis au nom des paroisses soient désormais immatriculés en son nom à la conservation des hypothèques ;
Attendu que, pour débouter le CABEEPF de son action en revendication, l'arrêt retient que les biens qui, par nature ou destination ne peuvent être partagés, relèvent du régime de l'indivision forcée et perpétuelle, qu'il ressort des actes produits que diverses acquisitions immobilières ont été effectuées par des pasteurs en exercice "pour le compte de leurs paroisses" et que ces acquisitions ont été par la suite transcrites aux noms desdites paroisses, que, faute d'avoir reçu du législateur la personnalité morale et d'avoir pris une des formes prévues par la loi, les "paroisses" n'ont pas de représentation collective et d'autonomie patrimoniale, qu'il n'en demeure pas moins que, sous le couvert de ces "paroisses" les membres de celle-ci ont pu légalement acquérir des biens, ces biens étant alors propriété indivise des membres desdites paroisses sous forme d'une indivision forcée et perpétuelle excluant tout partage tant qu'ils restent affectés à leur destination initiale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun texte ne fait échapper les biens d'utilité religieuse, du seul fait de leur nature ou de leur destination, à la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de rester en indivision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le CABEEPF de son action en revendication des biens acquis au nom des paroisses d'Opoa, Tevaitoa et Vaiaau, l'arrêt rendu le 9 septembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne, ensemble, les Associations cultuelles d'Opoa, de Tevaitoa, de Vaiaau et M. X... aux dépens des pourvois ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille deux.