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25/09/2002 | FRANCE | N°02-81598

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 septembre 2002, 02-81598


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2001, qui, po

ur agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et à 10...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2001, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et à 10 ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-27, 222-28, 222-44 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe X... coupable du délit d'agression sexuelle par personne ayant autorité et l'a condamné à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à l'interdiction d'exercer pendant dix ans une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

"aux motifs que le prévenu fait l'objet de poursuites pour des faits commis à Saint Pierre d'Albigny, entre 1991 et août 1994, d'agressions sexuelles commis avec violence, menace, contrainte ou surprise sur la personne de Jean-Michel Y...
Z... en procédant sur lui à des attouchements de nature sexuelle, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur l'enfant en sa qualité d'éducateur spécialisé dans l'institution où l'enfant a été placé ; que le prévenu conteste les faits reprochés ; que, sur la qualité de personne ayant autorité du prévenu, il est constant que le prévenu était employé en qualité d'éducateur le week-end à l'Institut Médico-Pédagogique Saint-Réal, situé à Saint Pierre d'Albigny, entre le 15 janvier 1988 et le 31 juillet 1994 et s'est trouvé ainsi chargé d'assurer le suivi de quelques enfants, dont la victime Jean-Michel Y...
Z..., durant sa période de travail salarié, période au cours de laquelle il se trouvait seul avec les enfants qui lui étaient confiés par manque de poste budgétaire suffisant au sein de l'établissement ; que, sur les faits d'agression sexuelle, ceux-là résultent tout d'abord des déclarations constantes effectuées par la victime à son entourage ;

qu'en effet, la victime s'est confiée au début de l'année 2000 d'abord à sa soeur, puis à sa mère et à son beau-père, en indiquant, avec ses difficultés personnelles à s'exprimer, que l'éducateur Philippe qui était à Saint Réal, lui avait mis le "mm", c'est-à-dire son sexe, dans les fesses, et cela à cinq reprises ; que chaque récipiendaire de ses déclarations a à chaque fois attiré son attention sur la gravité de ses propos, et obtenu l'assentiment du jeune comme quoi il était sûr de son fait, ce dernier allant même jusqu'à pleurer devant son "beau-père" ; qu'ensuite, les faits en question pouvaient parfaitement se dérouler au cours de la période de travail du prévenu dans l'établissement ; qu'en effet, s'il est constant que la victime avait été entendue par les Services de Gendarmerie de la Brigade des Recherches de Chambéry en 1994, et n'avait alors rien dit sur de tels faits, il convient de constater que l'audition a eu lieu le 8 avril 1994, que lors de la sortie effectuée au domicile du prévenu et à A...
B..., la victime ne se trouvait pas alors seule avec le prévenu, compte tenu de la présence de plusieurs autres enfants, et qu'elle avait lors déclaré n'avoir jamais couché chez le prévenu, ce qui était la vérité puisque les faits se passaient soit dans la chambre du prévenu, soit dans la chambre du mineur ; que les éléments du premier dossier établi en 1993-1994 par les Services de Gendarmerie permettent de constater l'intérêt certain déjà présenté à l'époque par le prévenu à l'encontre du jeune Jean-Michel, puisqu'il n'avait pas hésité à se rendre dans la famille pour faire changer d'avis la mère qui voulait retirer son enfant de l'établissement Saint Réal, sans avoir été mandaté par le Directeur pour cette démarche ; qu'en outre, il convient de replacer les faits dénoncés dans le cadre chronologique, à savoir que le prévenu était au courant depuis les mois de septembre, octobre 1993 de l'existence d'une enquête menée sur ses activités troublantes dans lesquelles il manifestait un peu beaucoup trop d'empressement à venir en aide à des mineurs issus de milieux défavorisés, déficients intellectuellement, ce que, comme par hasard, il continue à faire à l'heure actuelle ; qu'au cours du dernier trimestre 1993, il était tellement bouleversé par cette enquête qu'il a inondé tant les Services de Gendarmerie que le substitut du procureur de la République du tribunal de grande instance de Chambéry de nombreux courriers, au contenu pour le moins trouble, pour tenter de justifier son comportement et la manifestation de tels attachements à des jeunes ; qu'il convient de ne pas oublier que le prévenu était informé par un courrier en date du 24 juin 1994 de l'intervention d'un classement sans suite par le substitut du procureur de la République de toute son affaire, et qu'il est resté dans l'établissement jusqu'à la fin du mois de juillet 1994, soit bien après l'audition de la victime par les Services de Gendarmerie ; qu'à ce moment là, le prévenu, qui se trouvait sur la sellette depuis plus de huit mois, pouvait se sentir à la fois rassuré sur la fin de ses ennuis et à la fois pouvait avoir envie de décompenser la pression très grande qui résultait de l'enquête en cours, compte tenu de son état psychologique alors particulièrement fragile du fait de sa maladie et aggravé par

l'issue alors inconnue de l'enquête ; que dans le cadre de ce danger permanent venant de s'éloigner de lui, le prévenu a très bien pu commettre ces faits sur la personne de la victime, au cours de cette période restante du 25 juin au 31 juillet 1994, à moins que ce ne soit antérieurement au cours de sa période de travail dans l'établissement ; que, de plus le prévenu avait déjà été remarqué pour ses prédispositions à ce genre de contacts suspects avec des jeunes lors de son passage en milieu scolaire, puisqu'il s'était fait rappeler à l'ordre par la Directrice du collège suite à la présence de jeunes dans sa chambre d'internat ; que, toujours sur les faits, le prévenu est connu pour avoir antérieurement et postérieurement aux faits reprochés commis des faits similaires ; qu'en effet, en matière de délits sexuels, il est constant qu'une personne qui a commis de tels actes dans le passé ne peut s'empêcher de récidiver dans le temps ; que cela est largement confirmé d'une part par les faits commis par le prévenu lors de son service militaire, où se retrouvent des constantes avec la présente affaire, à savoir la prise en charge par l'intéressé de garçons âgés de 10 à 12 ans, des caresses de plus en plus précises sur le sexe et les fesses des enfants et, surtout, la constatation de la présence du prévenu contre le lit de certains enfants à leur réveil avec une sensation de mouillé sur les fesses ;

que, d'autre part, cela est également vérifié par les faits commis en 1998 à Saint Pierre de Curtille en Savoie à l'encontre toujours d'un mineur de quinze ans, faits ayant entraîné sa condamnation par le tribunal correctionnel de Chambéry ; que, par ailleurs sur les faits, le comportement de la victime Jean-Michel Y...
Z... au cours de son audition effectuée par les services de Gendarmerie dans le cadre des dispositions de la loi du 18 juin 1998 ne laissent aucun doute planer sur la réalité d'atteintes faites au jeune par le prévenu ;

qu'en effet, celui-ci a manifesté un très vif ressentiment à l'encontre de l'éducateur Philippe, indiquant que celui-ci lui "avait fait mal", qu'il ne "l'aime pas", et allant même jusqu'à menacer de "lui transpercer la peau" s'il le voyait dans les locaux de la Gendarmerie ; que si celui-ci n'a pas pu exprimer davantage les actes dont il avait été victime, la haine manifestée à l'égard du prévenu suffit à rendre compte de la souffrance énorme ressentie par la victime à l'encontre du prévenu pour les actes commis à son encontre ; qu'à cet effet, il convient également de ne pas oublier la commission de faits à connotation sexuelle par la victime elle-même dans l'établissement où elle se trouvait, manifestation évidente d'une souffrance résultant de la commission d'actes malsains et pervers sur sa propre personne par le prévenu, ces faits ne pouvant, bien sûr, en aucun cas, être excusés ; qu'enfin sur les faits, les motifs évoqués par le prévenu dans ses courriers sur son dévouement excessif au service de la cause des enfants victimes de sévices de toutes sortes traduisent bien l'existence de problèmes psychiques personnels de ce dernier très forts, avec existence d'une personnalité déséquilibrée, cherchant alors son réconfort auprès d'enfants, toujours de la même catégorie d'âge, garçons de 10 à 12

ans, présentant des déficiences certaines, avec des gestes à portée sexuelle incontestable particulièrement traumatisants pour eux ; que sur les circonstances tenant à surprendre la victime pour commettre les faits, il résulte du dossier de la victime que celle-ci souffrait de déficiences intellectuelles légères avec troubles de la personnalité, avec suivi psychiatrique, alors même qu'elle se trouvait interne un week-end sur deux au sein de l'établissement où travaillait le prévenu ; que sur l'élément intentionnel, il résulte suffisamment du contenu des divers courriers adressés par le prévenu cherchant à justifier son comportement un peu trop proche des mineurs, des précédents constatés à son encontre et de sa contestation des faits ; que l'expertise versée par le prévenu au dossier ne saurait être retenue en raison du fait qu'elle n'a pas de caractère contradictoire et de ce qu'elle n'a pas été ordonnée par une juridiction ou une autorité judiciaire, l'expert officiel désigné en 1998 ayant fait état d'une description faite par l'intéressé beaucoup trop elliptique pour pouvoir être interprétée ; qu'en conséquence, les faits d'agressions sexuelles étant parfaitement établis à l'encontre du prévenu, il y a lieu de rentrer en voie de condamnation à son encontre et, partant, de le condamner à une peine de deux ans d'emprisonnement assortis du sursis simple, ainsi qu'à la peine complémentaire prévue par l'article 222-45 du Code pénal de dix ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

"1 ) alors que, tenue de motiver sa décision, la cour d'appel ne peut infirmer le jugement qui lui est déféré, sans réfuter les motifs des premiers juges ; que le tribunal avait constaté, pour relaxer Philippe X..., que les faits allégués résultaient exclusivement de propos qui auraient été tenus par Jean-Michel Y...
Z... à des membres de sa famille, mais que l'intéressé n'avait jamais confirmés, n'étant pas "en mesure d'expliquer ce qui s'est passé et quels sont les faits dont il a été victime" ; que le tribunal avait alors encore relevé l'absence de tout témoignage ou de constatations médicales pouvant corroborer ces faits ; qu'en infirmant néanmoins le jugement de relaxe entrepris, sans réfuter en aucune manière ces motifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2 ) alors que, tenue de motiver sa décision en constatant avec certitude la réalité des faits fondant les poursuites, le juge ne peut se prononcer au moyen de motifs hypothétiques ;

qu'en affirmant néanmoins que "le prévenu a très bien pu commettre ces faits sur la personne de la victime" (arrêt page 9 5), qu'il est "connu pour avoir antérieurement et postérieurement aux faits reprochés commis des faits similaires" (arrêt page 9 7) et, "qu'en matière de délit sexuel, il est constant qu'une personne qui a commis de tels actes dans le passé ne peut s'empêcher de récidiver dans le temps", la cour d'appel, qui n'a constaté à aucun moment la réalité des faits qui ont motivé les poursuites, s'est prononcée au moyen de motifs purement hypothétiques, privant par la même sa décision de motifs" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81598
Date de la décision : 25/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 19 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 sep. 2002, pourvoi n°02-81598


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.81598
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