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25/09/2002 | FRANCE | N°01-11141

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 septembre 2002, 01-11141


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2001 rectifié par l'arrêt du 26 mars 2001) que la Fédération départementale des chasseurs du Bas-Rhin a assigné la commune de Strasbourg afin qu'il lui soit ordonné de procéder à la mise en location de la chasse sur terrains concernés de son ban communal ;

Attendu que la commune de Strasbourg fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, que la juridiction j

udiciaire n'est compétente pour connaître des décisions prises par les communes de dép...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2001 rectifié par l'arrêt du 26 mars 2001) que la Fédération départementale des chasseurs du Bas-Rhin a assigné la commune de Strasbourg afin qu'il lui soit ordonné de procéder à la mise en location de la chasse sur terrains concernés de son ban communal ;

Attendu que la commune de Strasbourg fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, que la juridiction judiciaire n'est compétente pour connaître des décisions prises par les communes de départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et relatives à l'adjudication des droits de chasse sur le ban communal, qu'en tant que celles-ci agissent comme mandataires des personnes privées propriétaires de ces terrains ; que la juridiction administrative est en revanche seule compétente pour connaître du contentieux né du refus d'une commune de procéder à l'adjudication du droit de chasse sur les terrains dont elle est propriétaire dans sa propre circonscription, quel que soit le caractère administratif ou privé du bail dont ces terrains pourraient faire l'objet ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le juge judiciaire ayant compétence pour connaître de l'ensemble des litiges relatifs à la location de la chasse en Alsace-Moselle, sa compétence s'étendant nécessairement aux décisions relatives à l'exercice de la chasse sur des parcelles, propriété d'une commune, lesquelles font partie de la chasse communale, et partant aux décisions d'une commune refusant de louer la chasse sur des parcelles communales ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune de Strasbourg fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :

1 / que les dispositions des articles L. 229-1 et suivants du Code rural régissant l'exercice du droit de chasse dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle, méconnaissent l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, considérés tant en eux-mêmes qu'en combinaison avec l'article 14 de la même convention, en ce qu'elles tendent à contraindre, sous les distinctions que ne justifie aucune considération d'intérêt général, les propriétaires des terrains à supporter l'exercice du droit de chasse sur ceux-ci ; que la cour d'appel ne pouvait faire application de ces dispositions, contraires aux engagements internationaux de la France, sans violer les dispositions précitées ;

2 / que le principe de libre administration des collectivités locales proclamé par l'article 72 de la constitution et réaffirmé par l'article L. 1111-1 du Code général des collectivités territoriales fait obstacle à l'application de ces dispositions aux communes de ces départements dans la mesure où elles contreviendraient à l'affectation que celles-ci ont donné à leurs terrains ; qu'en enjoignant néanmoins à la commune de Strasbourg de procéder à l'adjudication du droit de chasse sur les terrains lui appartenant sans tenir compte de l'affectation de ceux-ci à l'usage du public, la cour d'appel a méconnu les dispositions précitées ;

3 / qu'en toute hypothèse l'aménagement de ces terrains en vue de l'usage du public en fait des dépendances du domaine public, dont l'inaliénabilité fait obstacle à ce que des personnes privées puissent prétendre exercer quelque droit sur ces terrains ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle y ait été invitée par les écritures d'appel de la commune de Strasbourg, ne s'explique pas sur la nature privée ou publique des dépendances domaniales litigieuses, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1311-1 du Code général des collectivité territoriales et des articles L. 229-2 et L. 229-3 du Code rural ;

4 / que l'article L. 229-4 du Code rural permet à tout propriétaire d'un terrain de 25 hectares d'un seul tenant de se réserver l'exercice des droits de chasse sur celui-ci sans excepter du champ d'application de cette règle les communes elles-mêmes ; que la cour d'appel ne pouvait refuser à la commune de Strasbourg le droit de se prévaloir de cette disposition sans violer celle-ci ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement relevé que le droit local sur la chasse ne contrevenait pas aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que les loyers acquittés par les locataires de chasse sont réservés au propriétaires fonciers, de telle sorte qu'il existe une contrepartie au mandat légal conféré aux communes et que les loyers ne peuvent être conservés par les communes sans décision adoptée à la majorité qualifiée par les propriétaires, lesquels peuvent par ailleurs échapper à la location de la chasse en clôturant leur propriété, que la commune de Strasbourg, comme tout propriétaire foncier, ne saurait soustraire ses propriétés à l'exercice de la chasse et que le juge judiciaire était habilité à délivrer des injonctions aux communes dans les matières où il était compétent pour juger leur activité ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les terrains n'étaient pas concernés par les exclusions de l'article L. 229-3 du Code rural et qu'il n'était pas établi qu'ils seraient compris "dans les forêts domaniales visées par l'article L. 229-3 du Code rural" ce qui ne saurait résulter de la seule référence faite aux dispositions des articles L. 111-1 et L. 141-1 du Code forestier, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 29 janvier 2001 étant rejeté, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif de la même cour en date du 26 mars 2001 est sans portée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Strasbourg aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune de Strasbourg à payer à la Fédération départementale des chasseurs du Bas Rhin la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Strasbourg ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 01-11141
Date de la décision : 25/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Premier protocole additionnel - Article 1er - Réglementation de l'usage des biens - Droit de chasse - Alsace-Lorraine - Adjudication du droit de chasse - Compatibilité.

CHASSE - Alsace-Lorraine - Adjudication du droit de chasse - Convention européenne des droits de l'homme - Compatibilité

ALSACE-LORRAINE - Chasse - Adjudication du droit de chasse - Convention européenne des droits de l'homme - Compatibilité

Une cour d'appel relève exactement que le droit local d'Alsace-Moselle sur la chasse ne contrevient pas aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les loyers de chasse acquittés par les locataires de la chasse sont reversés aux propriétaires fonciers, de telle sorte qu'il existe une contrepartie au mandat légal conféré aux communes et que les loyers ne peuvent être conservés par celles-ci sans décision adoptée à la majorité qualifiée des propriétaires, lesquels peuvent par ailleurs échapper à la location de la chasse en clôturant leur propriété.


Références :

Code rural L229-3
Code forestier L111-1, L141-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 29 janvier 2001

A RAPPROCHER : Chambre civile 3, 1994-03-16, Bulletin 1994, III, n° 55 (1), p. 32 (rejet) ; Chambre civile 3, 1997-03-19, Bulletin 1997, III, n° 65 (2), p. 41 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 sep. 2002, pourvoi n°01-11141, Bull. civ. 2002 III N° 178 p. 150
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 III N° 178 p. 150

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Weber.
Avocat général : Avocat général : M. Cédras.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Peyrat.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Roger et Sevaux, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.11141
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