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25/09/2002 | FRANCE | N°01-02257

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 septembre 2002, 01-02257


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 janvier 2001), que la société civile immobilière Bernard Palissy (SCI), maître de l'ouvrage, a chargé notamment la société 3 D Manager de la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble, la société CEP, aux droits de laquelle vient la société Bureau de contrôle Véritas (société Véritas), étant chargée d'une mission de contrôle technique, la société Solétan

che Bachy France (société Solétanche) devant réaliser les parois moulées, et la société SM ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 janvier 2001), que la société civile immobilière Bernard Palissy (SCI), maître de l'ouvrage, a chargé notamment la société 3 D Manager de la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble, la société CEP, aux droits de laquelle vient la société Bureau de contrôle Véritas (société Véritas), étant chargée d'une mission de contrôle technique, la société Solétanche Bachy France (société Solétanche) devant réaliser les parois moulées, et la société SM Entreprise l'ascenseur "monte voitures" ;

qu'estimant que les parois moulées exécutées par la société Solétanche, n'étaient pas suffisamment ancrées au sol pour lui permettre de creuser la fosse de l'ascenseur, la société SM Entreprise a décidé d'interrompre les travaux ; que la SCI a assigné en réparation du préjudice causé par cette interruption les divers intervenants, qui ont procédé entre eux à des actions récursoires ;

Attendu que la société Solétanche fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'expertise judiciaire, alors, selon le moyen :

1 ) que les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs écritures ; qu'en considérant que, pour obtenir l'annulation de l'expertise, la société Solétanche Bachy France "ne mettait pas en cause l'impartialité de l'expert", quand la société Solétanche soutenait expressément que M. X..., expert, avait été "partial", la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que l'on ne pouvait utilement reprocher à M. X..., expert, de n'avoir pas convoqué les parties pour l'assister lors de différentes visites sur le chantier, dès lors que ces visites, "inopinées", étaient justifiées par l'existence de travaux en cours d'exécution et qu'il convenait de terminer le chantier et ainsi prévenir un "surcroît de préjudice", la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3 ) qu'en jugeant en outre, qu'il était indifférent que M. X... n'ait pas fait de comptes rendus de ces visites, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4 ) qu'en considérant par ailleurs, que l'on ne pouvait faire grief à M. X... de ne s'être pas assuré que certaines pièces qui lui avaient été transmises par les différentes parties avaient été communiquées à la société Solétanche, dès lors qu'il n'avait pas fondé son rapport sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5 ) qu'en déduisant que M. X... n'avait pas fondé son rapport sur ces pièces de ce qu'il les "avait analysées de façon critique", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6 ) qu'en décidant qu'il y avait lieu d'écarter des débats la pièce figurant à l'annexe 57 du rapport d'expertise, dont la société Solétanche n'avait jamais eu communication et sur laquelle M. X..., expert, s'était fondé pour retenir la responsabilité de cette dernière, sans pour autant prononcer l'annulation du rapport d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7 ) qu'en retenant qu'il convenait d'examiner les conclusions de l'expert au regard des autres pièces fondant le rapport, pour finalement faire état de la pièce litigieuse au titre de la responsabilité prétendue de la société Solétanche, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Solétanche s'était bornée à dénoncer le climat de "complicité sereine" qui s'était instauré entre certaines parties et l'expert, tout en soulignant que ce dernier était "certainement de bonne foi", exactement relevé qu'il ne pouvait être fait grief à l'expert de s'être rendu sur les lieux de façon inopinée en dehors de réunions contradictoires, dans la mesure où des travaux étaient en cours et qu'il convenait de terminer le chantier, et souverainement retenu que les dires à l'expert non communiqués par ce dernier à la société Solétanche avaient fait l'objet d'une analyse critique de la part du technicien, qui n'avait pas fondé son rapport sur ces documents, la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, et sans violer le principe de la contradiction, que le rapport d'expertise ne devait pas être annulé, et que le retrait des débats de la pièce 57 n'était pas de nature à empêcher la retenue de la responsabilité de l'entrepreneur, dès lors que d'autres éléments établissaient que celui-ci connaissait l'existence des ascenseurs, dont il aurait dû tenir compte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Solétanche fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la SCI, à la suite de l'interruption du chantier, alors, selon le moyen :

1 ) que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;

qu'en retenant que la société Solétanche "connaissait l'existence des ascenseurs", pour en déduire que cette société aurait dû en tenir compte, sans préciser sur quel élément de preuve elle fondait cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que les constructeurs ne sont tenus que dans les limites de leurs contrats ; qu'en retenant, en outre, que la société Solétanche ne pouvait "s'éxonérer" en soutenant que les travaux auraient pu être poursuivis si le blindage de la paroi moulée avait été réalisé, dès lors que ces travaux n'étaient pas "économiquement réalistes et auraient été rendus nécessaires par sa propre abstention", sans rechercher, comme elle y était invitée, si lesdits travaux n'entraient pas dans la sphère d'intervention de la société SM Entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Solétanche, qui connaissait l'existence des ascenseurs mentionnés sur les plans et décrits dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) avait manqué tant à son obligation de résultat, en livrant un ouvrage non conforme à sa destination, qu'à son obligation de conseil, en n'attirant pas l'attention des autres parties sur les difficultés provenant de la nécessité d'approfondir les fouilles, et que la société SM Entreprise, qui devait intervenir en bonne coordination avec le lot "parois moulées", avait manqué à son devoir de conseil et contribué à la réalisation du préjudice, la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité in solidum des deux entrepreneurs et procédé à un partage dans leurs rapports internes dans des proportions qu'elle a souverainement déterminées, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident de la société SM Entreprise, pris en sa seconde branche, réunis :

Attendu que la société Solétanche et la société SM Entreprise font grief à l'arrêt de mettre à leur charge le paiement d'une pénalité de retard de 4 371 595 francs, alors, selon le moyen :

1 ) que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre, sauf au juge, même d'office, de modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; qu'en considérant que la société Solétanche n'apportait aucun élément aux débats de nature à établir le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale, au regard du préjudice effectivement subi par la SCI, du fait du retard consécutif à l'interruption momentanée du chantier, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce caractère manifestement excessif ne résultait pas de ce que cette société, qui réclamait une somme de 4 371 595,80 francs, en application de cette clause pénale, chiffrait son préjudice né de ce retard à la somme de 402 000 francs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1152 du Code civil ;

2 ) qu'en refusant de réduire le montant de la clause pénale au motif qu'aucun élément ne permettrait de déterminer l'écart entre la somme de 4 371 595,80 francs, résultant de l'application de cette clause et le préjudice réellement subi, alors qu'elle avait rejeté les demandes du maître de l'ouvrage à hauteur de 432 575,08 francs, en réparation du dommage résultant effectivement du retard dans la réalisation des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1152 du Code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu, effectuant la recherche prétendument omise, que les pénalités contractuelles ayant été librement convenues entre professionnels avertis et pouvant excéder le préjudice réel, le caractère excessif de la clause pénale n'apparaissait pas, l'appelant n'apportant aucun élément de nature à établir l'écart entre la somme déterminée par le contrat et le préjudice réellement subi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Véritas :

Attendu que la société Véritas fait grief à l'arrêt, de retenir sa responsabilité partielle dans le dommage subi par la SCI, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, ainsi totalement délaissées par l'arrêt attaqué, le Bureau de contrôle avait invoqué, d'une part, les limites de sa mission au stade de la conception et de l'exécution du projet, laquelle ne comprenait ni la coordination du chantier, ni la direction, ni la surveillance des travaux, mais seulement la conformité de l'opération aux textes en vigueur et le contrôle de la solidité de l'ouvrage, et d'autre part, que l'interruption du chantier a eu pour cause l'absence d'accord entre les entreprises pour définir et mettre en oeuvre une solution technique ;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134, 1146, 1792-1 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les travaux réalisés par la société Solétanche et la société SM relevaient du contrôle du bureau Véritas, que si la durée de l'interruption du chantier résultait de l'absence d'accord entre les entreprises, le fait ayant provoqué cette interruption provenait d'une insuffisance de précision dans l'étendue des travaux à accomplir, et qu'il appartenait au bureau de contrôle de faire les observations qui s'imposaient en considérant que, telles que définies, les opérations prévues ne garantissaient pas la solidité de l'ouvrage, au regard des travaux nécessaires, la cour d'appel en a exactement déduit que la responsabilité de ce bureau était engagée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société SM Entreprise, pris en sa première branche :

Attendu que la société SM Entreprise fait grief à l'arrêt de mettre à sa charge le paiement d'une indemnité de retard, alors, selon le moyen, que la mise en cause de la responsabilité suppose la constatation d'un lien de causalité entre la faute et le dommage ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'entrepreneur chargé du lot "parois moulées" était seul responsable du retard intervenu dans la réalisation des travaux, indépendamment du retard causé par la durée des travaux complémentaires, a cependant condamné l'entrepreneur de gros-oeuvre au paiement de la clause pénale pour l'intégralité des jours de retard comptabilisés, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations et a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu que la société SM Entreprise, qui devait intervenir en bonne coordination avec la société Solétanche, les travaux dont elle avait la charge ne pouvant être effectués que si la stabilité de l'ouvrage était assurée, avait manqué à son devoir de conseil en n'intervenant pas, et contribué à la réalisation du préjudice, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Solétanche Bachy France à payer à la société 3 D Manager la somme de 1 900 euros et rejette toutes les autres demandes de ce chef ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 01-02257
Date de la décision : 25/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (1re chambre civile - 1re section), 22 janvier 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 sep. 2002, pourvoi n°01-02257


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.02257
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