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24/09/2002 | FRANCE | N°01-86344

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 septembre 2002, 01-86344


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats

en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuan...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Philippe,

- La Y... DU MANS, partie intervenante,

- Z... Hélène, épouse A...,

- B... Aude, épouse A...,

- A... Franck, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur Thomas,

- A... François,

- A... Gaëtan,

- A... Joël, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de sa fille mineure Mathilde,

- A... Maria, épouse C...,

- A... Monique, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur Jérôme,

- A... Gaëtan,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 3 juillet 2001, qui, pour homicide involontaire, blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, a condamné Philippe X... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, et a prononcé sur les actions civiles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur les pourvois formés par les consorts A... ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les autres pourvois ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Peignot et Garreau pour Philippe X..., pris de la violation des articles 513, 591 du Code de procédure pénale, 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation de la loi ;

"en ce que Philippe X... prévenu déclaré coupable des faits reprochés n'a pas eu la parole en dernier ;

"alors que, conformément aux dispositions de l'article 513 du Code de procédure pénale, le prévenu ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier, de sorte que n'a pas respecté ces prescriptions l'arrêt d'appel qui se borne à énoncer que les prévenus ont eu la parole en dernier alors qu'il résulte des notes d'audience que l'avocat de Philippe X... avait demandé à ce qu'il soit acté le fait que Me D... et Me E... avocats de parties civiles appelantes et non appelantes avaient eu la parole après Philippe X..., que partant la cour d'appel a violé l'article 513 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que le demandeur fait vainement état des notes d'audience pour contester les mentions de l'arrêt attaqué qui font foi jusqu'à inscription de faux ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation présenté par la société civile professionnelle Peignot et Garreau pour Philippe X..., pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 222-19, R.622-1, R.625-2 du Code pénal, L. 231-2 2 , L. 263-2, R. 237-7 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Philippe X... coupable d'avoir le 19 juin 1997, par maladresse, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, involontairement causé la mort d'Emmanuel A..., par maladresse, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements involontairement, causé une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, en l'espèce au minimum quatre mois sur la personne de Christian F..., par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, involontairement atteint l'intégrité physique de Patrick G..., causant pour lui une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, involontairement atteint l'intégrité physique de Christophe H..., sans qu'il ne résulte d'incapacité totale de travail, omis de respecter les dispositions des articles R. 237-7 du Code du travail, notamment en établissant un plan de prévention sans la participation du sous-traitant Dunkerque Manutention, sans définir les risques d'interférences existants, les phases d'activité dangereuses, les moyens de prévention spécifiques correspondants, les instructions et directives à donner aux salariés, les mesures de coordination à prendre dans le cadre de la participation des salariés d'Aluminium Dunkerque et de Mecanhydro et en particulier en n'ayant pas prévu d'essai préalable des vérins de manoeuvre de la flèche en n'ayant pas donné de directives techniques adaptées et en n'ayant pas affecté à cette opération un personnel suffisamment compétent et qualifié ;

"aux motif propres que le 19 juin 1997, un accident mortel du travail se produisait à Loon Plage sur le quai minéralier de la SA Aluminium Dunkerque ; que la partie supérieure d'une déchargeuse pneumatique ayant la configuration d'un portique grue composé d'une tourelle de rotation, d'un support de contre poids et d'une flèche porteuse d'un tube d'aspiration était tombée sur le quai ; qu'un ouvrier, Emmanuel A... était décédé après s'être trouvé coincé à 20 mètres du sol sur une structure métallique dans le portique ; que d'autres ouvriers étaient blessés Frédéric I... subissait une incapacité totale de travail de 55 jours, Christian F... une incapacité totale de travail de 4 mois au minimum et Patrick G... une incapacité totale de travail de 45 jours ; que l'information établissait que la SA Aluminium Dunkerque dont le directeur était Dominique J..., avait commandé à la SARL Mecanhydro, en raison de sa compétence hydraulique, une opération de maintenance pour changer les tiges des vérins du portique qui servaient à relever la flèche mobile de celui-ci qui étaient vieux et corrodés par l'eau de mer ; que le portique-grue était conçu pour décharger de l'alumine calcinée et du coke de pétrole à partir de navires ; que le transport du produit commençait à la buse d'aspiration et se terminait au transporteur à bande situé sur le quai ;

que le responsable de la SARL Mecanhydro sur le site lors de l'accident était Frédéric I..., engagé par la société peu de temps auparavant en qualité de responsable de travaux ; qu'il était assisté par un mécanicien hydraulicien de la SARL Mecanhydro Christian F... pour le changement de vérins, ce dernier effectuant pour cette société la maintenance des installations hydrauliques depuis 4 ans pour la SA Aluminium Dunkerque ; que, pour cette opération de maintenance, la SA Aluminium Dunkerque avait affecté deux de ses salariés, Patrick G... et Christophe H... qui se trouvaient dans la cabine du transbordeur pour exécuter les instructions de Frédéric I... et Christian F... qu'ils recevaient par talkie-walkie ; que Dominique J..., en sa qualité de directeur de la SA Aluminium Dunkerque, possédait les pouvoirs de chef d'entreprise en matière d'hygiène et de sécurité du travail sans subdélégation ; que Philippe X..., gérant de la SARL Mecanhydro était pour sa part titulaire des pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité du travail en qualité de chef d'entreprise, que K...
L... était chef de secteur maintenance-ingénierie à la SA Aluminium-Dunkerque et avait pour mission de superviser, diriger et gérer la maintenance au sein de l'usine, quel qu'en soit le secteur en tant que représentant de la direction ; qu'Emmanuel A..., l'ouvrier décédé, était le troisième salarié que la SA Aluminium Dunkerque avait affecté à l'opération de maintenance ;

que, dans le but d'effectuer cette opération, les ouvriers de la SA Mecanhydro avaient procédé au démontage des vérins puis changé les tiges avant de procéder à leur remontage ; que les vérins avaient été vidangés d'huile avant d'être remontés sur le portique ; que dans le cadre de l'instruction, une expertise était ordonnée ; M. M..., expert, concluait que l'accident, dû à un défaut de remplissage du vérin qui était le fait des techniciens de la SARL Mecanhydro, donc de Frédéric I... et Christian F..., le premier n'ayant pas la compétence indispensable pour diriger un tel chantier et le second n'ayant ni la compétence, ni la qualification pour remplacer les vérins ; que Philippe X..., gérant de la SARL Mecanhydro, allait être mis en examen en sa qualité de responsable du recrutement de Frédéric I... pour ne pas s'être assuré des compétences que celui-ci devait nécessairement avoir pour diriger un tel chantier ; que l'expert M... soulignait que le mode opératoire du donneur d'ordre et celui de son sous-traitant n'étaient pas conformes aux règles de l'art pour ce type d'intervention puisqu'ils avaient donné des informations erronées et insuffisantes pour obtenir une purge complète des vérins ; que ce mode opératoire de la SA AD, incomplet et erroné, n'avait pas été fourni ou n'avait pas été retiré par la SARL Mécanhydro ; que, postérieurement à l'accident, la Direction Départementale du Travail établissait un procès-verbal le 20 juin 1997 au terme duquel elle relevait que l'opération de maintenance en question avait donné lieu à l'élaboration d'un plan de prévention le 06/06/97 par M. N..., conseiller technique de la SA AD qui l'avait soumis à Frédéric I... le 10 juin ; qu'il apparaissait que le mode opératoire

établi le 09 juin 1997 par Frédéric I... et mis en application pour effectuer le remplacement des deux vérins n'avait pas été communiqué avant l'accident à M. N... ; que le plan de prévention ne faisait pas état des risques d'interférence dans le cadre des activités réalisées simultanément par les deux entreprises ; que l'inspection du travail estimait donc que les articles 18 et 30 du décret du 23/8/47 relatifs aux mesures de sécurité applicables aux appareils de levage n'avaient pas été respectés ;

que Dominique J... directeur de la SA AD, mis en examen pour homicide et blessures involontaires et infractions au décret du 23/8/47 et aux articles R. 233-5 et 237-7 du Code du travail, déclarait s'être adressé à la SARL Mécanhydro sans imposer un mode opératoire en ne fournissant qu'à titre indicatif un mode opératoire se référant à une intervention du même type mais différente puisqu'elle n'avait porté que sur un seul vérin ; qu'il contestait tout comme K...
L... l'application du décret du 23/8/47 au cas d'espèce, l'appareil en question n'étant pas selon lui un appareil de levage car il s'agissait d'un appareil de manutention continue en vrac ; qu'il n'y avait en effet selon lui pas de soulèvement de charge et notamment pas de treuil de levage mais "aspiration" de l'aluminium ; que Philippe X... déclarait, au vu des conclusions d'expertise de M. M..., qu'il n'était pas sur place pour voir si Christian F... avait effectivement purgé les vérins et que Frédéric I... avait la compétence technique requise puisqu'il venait d'une entreprise Fives Cails à Grande-Synthe spécialisée en pont roulant ; qu'il ajoutait qu'il n'avait pas trouvé de spécialiste en hydraulique mais que Frédéric I... avait des compétences en mécanique et Christian F... des compétences en hydraulique que Frédéric I... se déclarait surpris des conclusions de l'expert, estimant que les vérins avaient bien été purgés ; qu'il précisait ne pas être hydraulicien de métier et ne pas savoir comment il fallait effectuer une telle opération ; qu'il indiquait enfin ne jamais avoir vu de mode opératoire remis par Aluminium Dunkerque lors de la commande des travaux et que son patron, Philippe X..., ne l'avait pas informé d'un mode opératoire à suivre ;

qu'au contraire K...
L..., qui supervisait la maintenance de la société AD, affirmait que le mode opératoire d'AD avait été envoyé à la SARL Mecanhydro et que cette dernière l'avait refusé, préférant travailler en fonction de ses coutumes ; qu'il reconnaissait toutefois qu'il n'existait aucune trace écrite de cette démarche ; que, pour entrer en voie de relaxe à l'égard de trois des prévenus et pour ne condamner que le seul Philippe X..., le tribunal s'est fondé sur le rapport d'expertise de M. M..., relevant qu'aucune infraction à l'article R. 233-5 du Code du travail - aux termes duquel les équipements de travail et leurs éléments doivent être installés et pouvoir être utilisés de telle manière que leur stabilité soit assurée - ne pouvait être reprochée à Dominique J... et que quand bien même elle aurait été constituée, il n'était pas établi qu'elle aurait dû être reprochée au directeur de l'usine ou à celui qui l'avait construit ;

que le tribunal a déduit de cette analyse concernant Dominique J... une relaxe nécessaire à l'égard de K...
L... ; que, s'agissant de Philippe X..., le tribunal a retenu les fautes successives qu'il avait commises telles que soulignées par l'expert M... pour entrer en voie de condamnation à son égard ; que, sur la culpabilité de Philippe X..., au regard de la loi du 10 juillet 2000 il apparaît que Philippe X... a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'en effet, comme l'a souligné l'expert M..., Philippe X... en sa qualité de gérant de la société Mecanhydro, responsable du recrutement de Frédéric I... ne s'est pas assuré si celui-ci réunissait les compétences nécessaires pour lui confier un tel chantier ; que Philippe X... a lui-même reconnu qu'il n'était pas parvenu à trouver un technicien compétent en hydraulique mais a malgré tout laissé le chantier sous l'autorité de Frédéric I... manifestement incompétent pour ce faire ; que Christian F... n'étant lui-même que mécanicien et ne pouvant suppléer à lui seul les carences de Frédéric I... ; qu'en confiant à des personnes incompétentes la responsabilité d'un chantier important, Philippe X... ne pouvait ignorer qu'il faisait courir des risques graves aux ouvriers amenés à travailler sur le site dans le cadre du changement de vérins ; que sa culpabilité sera confirmée ; que les pénalités infligées par le tribunal paraissent parfaitement adaptées aux infractions commises et à la personnalité de Philippe X... ;

"et aux motifs adoptés que Philippe X..., en sa qualité de responsable de Mecanhydro, a procédé au changement de vérins sans avoir défini un mode opératoire préalable et a laissé le chantier sous l'autorité d'un responsable, Frédéric I..., qui ne maîtrisait pas la technique hydraulique ; que le fait de prétendre que Christian F... la maîtrisait est insuffisant pour l'exonérer de sa responsabilité ; que Frédéric I... qui, en tant que préposé, a eu le tort d'obéir à son nouvel employeur et de diriger une manoeuvre sans avoir la compétence nécessaire, ne peut être retenu dans les liens de la prévention de ce seul chef d'autant que Philippe X... était parfaitement informé de ses compétences professionnelles ;

que Philippe X... est donc retenu dans les liens de la prévention pour l'ensemble des infractions reprochées à l'exception de l'article R. 237-6 du Code du travail ;

"alors, d'une part, que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elle ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer, de sorte qu'en déclarant Philippe X... coupable d'avoir commis une telle faute pour ne s'être pas assuré si Frédéric I... réunissait les compétences nécessaires pour lui confier le chantier relatif à un changement de vérins et sans rechercher, comme l'exposait Philippe X..., si le fait que lors de l'accident deux équipes l'une de la société Mecanhydro et l'autre de la société Aluminium Dunkerque intervenaient de manière simultanée sur le site alors qu'une telle coordination n'avait nullement été prévue et que l'opération litigieuse se situait sur le site de la société Aluminium Dunkerque ne démontraient justement pas l'absence de faute caractérisée de la part de Philippe X..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi quelles ont commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer, si bien qu'en déclarant Philippe X... coupable d'homicide involontaire et de blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité, ou de prudence sans rechercher comme elle y était invitée par Philippe X... si le fait, que, comme l'avait relevé l'expert judiciaire M. M..., de l'air était présent dans les vérins et que ces derniers avaient été livrés en l'état alors que les deux tiges des vérins n'étaient pas complément rentrées, n'était pas à l'origine de l'accident et expliquait ainsi que la question de la compétence de Frédéric I... en questions hydrauliques, ne pouvait être la cause même indirecte de l'accident, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, en outre, que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants, si bien qu'en confirmant le jugement entrepris ayant déclaré Philippe X... coupable de ne pas avoir respecté les mesures de sécurité prescrites par l'article R. 237-7 du Code du travail notamment en n'établissant pas un plan prévention, en se bornant à statuer au regard du seul délit d'imprudence et sans exposer aucun motif de nature à lui permettre de confirmer cette violation des prescriptions du Code du travail, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Sur le premier moyen de cassation présenté par la société civile professionnelle Bore et Xavier pour la Y... du Mans, pris de la violation des articles 221-6 et 222-19 du Code pénal, de l'article préliminaire et de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt a dit que Philippe X..., ès qualité de gérant de la SARL Mecanhydro, avait commis une faute engageant sa responsabilité civile et celle de la société Mecanhydro, civilement responsable ;

"aux motifs que le 19 juin 1997, un accident mortel du travail se produisait à Loon Plage sur le quai minéralier de la SA Aluminium Dunkerque ; que la partie supérieure d'une déchargeuse pneumatique est tombée sur le quai ; qu'Emmanuel A... est décédé ; que Frédéric Grenelle, Christian F... et Patrick G... ont été blessés ; que l'information a établi que la SA Aluminium Dunkerque avait commandé à la SARL Mecanhydro, en raison de sa compétence hydraulique, une opération de maintenance pour changer les tiges des vérins, vieux et corrodés par l'eau de mer, du portique qui servaient à relever sa flèche mobile ; que le responsable de la SARL Mecanhydro sur le site lors de l'accident était Frédéric Grenelle, engagé par la société peu de temps auparavant en qualité de responsable des travaux ; qu'il était assisté par un autre salarié de la SARL Mecanhydro mécanicien hydraulicien, Christian F..., qui effectuait depuis quatre ans la maintenance des installations hydrauliques de la SA Aluminium Dunkerque ; que, pour cette opération de maintenance, la SA Aluminium Dunkerque avait affecté deux de ses salariés, Patrick G... et Christophe H... qui se trouvaient dans la cabine du transbordeur pour exécuter les instructions de Frédéric Grenelle et de Christian F... qu'ils recevaient par talkie-walkie ;

que Philippe X..., gérant de la SARL Mecanhydro était titulaire des pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité du travail en qualité de chef d'entreprise ; que K...
L... était chef du secteur maintenance-ingénierie de la SA Aluminium Dunkerque et avait pour mission de superviser, diriger et gérer la maintenance au sein de l'usine, quel qu'en soit le secteur en tant que représentant de la direction ; qu'Emmanuel A..., l'ouvrier décédé était le troisième salarié que la SA Aluminium Dunkerque avait affecté à l'opération de maintenance ; que, dans le but d'effectuer cette opération, les ouvriers de la SARL Mecanhydro avaient procédé au démontage des vérins puis changé les tiges avant de procéder à leur remontage ;

que les vérins avaient été vidangés d'huile avant d'être remontés sur le portique ; que dans le cadre de l'instruction une expertise était ordonnée ;

"1 ) alors que, dans ses conclusions d'appel, la demanderesse avait fait valoir, sur la base du rapport établi contradictoirement par M. O..., que l'accident était dû à une erreur de manipulation imputable aux préposés de la société Aluminium Dunkerque qui avaient positionné la flèche, pendant les opérations d'enlèvement des poutres, de telle manière que l'ensemble se trouve en déséquilibre ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen pourtant déterminant des conclusions de l'assureur de la société Mecanhydro, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes visés au pourvoi ;

"2 ) alors qu'il appartient au juge de faire respecter et de respecter lui-même le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a statué sur la base d'un rapport d'expertise établi non contradictoirement tandis qu'elle laisse sans examen un rapport contradictoire et comportant des conclusions favorables au prévenu ; qu'en procédant ainsi la cour d'appel a violé les textes visés au pourvoi" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 19 juin 1997, au cours d'une opération de maintenance confiée par la société Aluminium Dunkerque à la société Mecanhydro, la partie supérieure d'une déchargeuse pneumatique s'est effondrée sur le quai minéralier, provoquant la mort d'un salarié de la société Aluminium Dunkerque et des blessures à trois préposés de la société Mecanhydro ;

Attendu que, pour déclarer Philippe X..., gérant de la société Mecanhydro, coupable d' infraction aux dispositions de l'article R.237-7 du Code du travail, la juridiction du second degré relève que le mode opératoire mis en application par les employés de cette société n'avait pas été préalablement communiqué et que le plan de prévention ne faisait pas état des risques d'interférences des activités réalisées simultanément par les deux entreprises ; que, pour déclarer le prévenu coupable d'homicide involontaire et de blessures involontaires, la cour d'appel retient en se fondant sur les conclusions de l'expert désigné par le juge d'instruction que l'accident, dû à un défaut de remplissage du vérin, était le fait des techniciens de la société Mecanhydro dont l'un, responsable de l'opération, n'avait pas la compétence indispensable pour diriger le chantier, et l'autre, n'avait ni la compétence, ni la qualification pour remplacer les vérins ; qu'elle constate que Philippe X... a d'ailleurs reconnu qu'il n'avait pu trouver un technicien compétent en hydraulique ;

que la juridiction du second degré énonce qu'en confiant un tel chantier à des préposés incompétents, le prévenu ne pouvait ignorer les risques graves qu'il faisait courir aux personnes travaillant au changement des vérins sur le site ;

Que, pour répondre au moyen opposé par la Y... du Mans, assureur de la société Mecanhydro, qui, se fondant sur le rapport d'un expert désigné dans une instance civile, soutenait que l'accident trouvait sa cause dans des erreurs de manipulation de la flèche imputables aux préposés de la société Aluminium Dunkerque, les juges d'appel retiennent que la société Mecanhydro, entreprise spécialisée en hydraulique, avait la complète maîtrise du chantier pour cette opération de maintenance, et que le rôle du personnel de la société Aluminium Dunkerque était très limité puisqu'il se bornait à exécuter les manoeuvres dirigées par le responsable de la société Mecanhydro ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte que le prévenu a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le second moyen de cassation, présenté par la société civile professionnelle Bore et Xavier pour la Y... du Mans, pris de la violation des articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Philippe X..., la société Mecanhydro à payer diverses sommes aux ayants-droit de Emmanuel A... ne bénéficiant pas d'une indemnisation au titre de la législation sur les accidents du travail ;

"aux motifs adoptés que seuls les ayants-droit d'Emmanuel A... qui ne bénéficient pas d'une prestation de sécurité sociale au titre de la législation du travail peuvent demander la réparation de leur préjudice devant la juridiction pénale ; qu'il s'agit des frères et de la soeur du défunt ; qu'en l'état des justifications produites aux débats, le tribunal dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 15 000 francs la somme à allouer pour chacun d'eux ; qu'en ce qui concerne les autres membres de la famille, ils sont recevables dans leur action mais bénéficient d'une rente en vertu des articles L. 438-8, L. 434-10 et L. 434-13 du Code de la sécurité sociale ; que le tribunal se borne à constater la recevabilité de l'action civile et à les renvoyer à saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale pour liquider leur préjudice ;

que le fait qu'à ce stade la CPAM n'ait pas été mise en cause est sans incidence sur la validité du jugement puisque le tribunal se borne à constater la recevabilité de l'action civile ;

"alors que les ayants-droit de la victime d'un accident imputable à un tiers, ne bénéficiant pas d'une indemnisation spécifique au titre de la législation sur les accidents du travail, lorsqu'ils entendent demander la réparation du préjudice causé par l'auteur de l'accident doivent appeler en déclaration de jugement commun la caisse de sécurité sociale à laquelle la victime était affiliée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué diverses sommes à certains ayants-droit de la victime sans que la CPAM ait été appelé en déclaration de jugement commun ; qu'en considérant néanmoins que l'absence de l'organisme social était sans incidence puisque le tribunal se bornerait à constater la recevabilité de l'action civile, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que l'accident étant survenu lors d'un travail en commun réalisé par les préposés de deux entreprises qui accomplissaient une tâche commune, le moyen, qui invoque les dispositions du Code de la Sécurité sociale applicables en cas d'accident du travail imputable à un tiers étranger à l'entreprise, est inopérant ;

Que, par ailleurs, les indemnités allouées en réparation de leur préjudice moral aux frères et soeur de la victime décédée, qui ne sont pas des ayants-droit au sens de l'article L.451-1 du Code de la Sécurité sociale, ne peuvent donner lieu à recours de l'organisme de sécurité sociale ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DIT irrecevable la demande formée contre la Y... du Mans au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-86344
Date de la décision : 24/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 03 juillet 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 sep. 2002, pourvoi n°01-86344


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.86344
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