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24/09/2002 | FRANCE | N°01-86288

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 septembre 2002, 01-86288


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bruno,

- LA SOCIETE VENS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 5 juin 2001, qui a condamné le premi

er pour blessures involontaires et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleur...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bruno,

- LA SOCIETE VENS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 5 juin 2001, qui a condamné le premier pour blessures involontaires et infraction à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-3, 219 du Code pénal, L. 231-1 et suivants L. 263-2 du Code du travail et du décret n° 80-544 du 15 juillet 1980, des articles 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bruno X... coupable du délit de blessures involontaires et de mise à disposition de son salarié d'équipements de travail et de moyens non conformes ;

"aux motifs propres à la cour que, sur la délégation de pouvoir, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont écarté la réalité d'une telle délégation, étant ici relevé qu'outre M. Y... lui-même, aucun des autres salariés de l'entreprise entendus dans le cadre de l'information n'en a reconnu l'existence ; que le jugement sera également confirmé sur la déclaration de culpabilité ; qu'en effet, la victime a pu accéder à la zone de coupe pendant le fonctionnement de la machine, en violation des dispositions du décret 80-544 du 15 juillet 1980 ; que le prévenu ne saurait invoquer l'existence d'une plaque apposée sur la machine indiquant sa conformité à la réglementation du 15 juillet 1980 dans la mesure où il n'existait aucun capot protecteur empêchant la main d'accéder à la zone de coupe ; que la mise à disposition de ses salariés d'une machine non conforme, constitue pour le chef d'entreprise une faute délibérée au sens des dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 ;

"et aux motifs expressément adoptés des premiers juges que la seule circonstance que l'annexe du contrat de travail de M. Y... contienne la mention "sécurité" n'est pas suffisamment explicite pour investir ce salarié de la fonction sécurité dans l'entreprise ; qu'en effet, la condition d'une formalisation minimale de la délégation de pouvoir n'est pas réunie et surtout ne sont pas précisés ni la compétence en matière de sécurité, ni les moyens mis à la disposition de M. Y..., ni bien entendu l'acceptation du délégataire des compétences dévolues en matière de sécurité ; qu'au contraire, M. Y..., a toujours dénié tout au long de l'enquête avoir reçu une telle délégation, ce qui tend à corroborer les investigations menées sur ce point précis par le magistrat instructeur ; (...) que l'expertise confiée à M. Z... a permis de déterminer que le matériel utilisé n'était pas conforme au décret du 15 juillet 1980, en ce que le salarié pouvait accéder à la zone de coupe pendant le fonctionnement de la machine qui, utilisée en cisaille, ne possédait pas de capot protecteur ;

"alors que, d'une part, si le chef d'établissement est tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées pour assurer la sécurité des travailleurs, il peut toutefois être exonéré de cette responsabilité en rapportant la preuve certaine et exempte d'ambiguïté mais qui n'est soumise à aucune forme particulière, qu'il a délégué ses pouvoirs en matière de sécurité à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur ; qu'en l'espèce, où les premiers juges ont dû reconnaître que l'annexe du contrat de travail de M. Y... mentionnait la sécurité parmi les fonctions dévolues à ce salarié, la Cour, qui s'est vainement référée aux dénégations de ce préposé pour refuser d'admettre l'existence de la délégation de pouvoir dont il avait bénéficié avant de quitter l'entreprise, a laissé sans réponse le moyen péremptoire de défense du prévenu tiré de la preuve de la réalité de cette délégation de pouvoir et de son acceptation résultant de la diffusion quelques mois avant l'accident par M. Y... lui-même, de mémorandums internes à l'entreprise ayant pour objet l'intégration de la sécurité dans la conception des machines, équipements de travail et moyens de production dont les équipements de protection individuelle ;

"alors que, d'autre part, la loi du 10 juillet 2000 immédiatement applicable aux instances en cours, ayant limité la responsabilité pénale des personnes physiques en matière de délits non intentionnels, au cas où l'intéressé, qui n'a pas causé directement le dommage, a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour a violé ces dispositions et s'est mise en contradiction avec ses propres constatations d'où il résulte l'existence d'une plaque apposée sur la machine à l'origine de l'accident indiquant sa conformité à la réglementation résultant du décret du 15 juillet 1980 en retenant la culpabilité du prévenu sous prétexte qu'il avait commis une faute délibérée au sens des dispositions susvisées, en fournissant à la victime une machine non conforme aux dispositions dudit décret, la présence de ladite plaque excluant a priori la volonté du prévenu de violer les dispositions de ce décret ;

"et qu'enfin, le prévenu ayant dans ses conclusions d'appel, invoqué l'existence d'une expertise effectuée par M. A... pour démontrer que, contrairement à l'opinion exprimée par l'expert Z..., la pose d'un capot protecteur n'aurait pu empêcher l'accident imputable à une imprudence de la victime à moins de rendre la machine complètement inutilisable et souligner que le décret du 15 juillet 1980 prévoyait lui-même l'hypothèse où il n'était pas possible de faire en sorte que les pièces mobiles ne soient pas accessibles pendant leur fonctionnement, la cour qui n'a tenu aucun compte de ce moyen péremptoire de défense auquel elle n'a fait aucune allusion, a ainsi violé l'article 459 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, établi, à l'encontre du prévenu, une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ainsi que le lien de causalité entre cette faute et le dommage ;

D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, tant de l'absence de délégation que des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-86288
Date de la décision : 24/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 05 juin 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 sep. 2002, pourvoi n°01-86288


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.86288
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