AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (conseil de prud'hommes de Reims, 20 juin 2000), que M. X... était salarié en qualité d'aide-mécanicien de la société VIR, laquelle société exploitait en location-gérance un fonds de commerce appartenant à la société IVECO-France ; que la location-gérance a été confiée à la société COVI ; que M. X..., qui a démissionné de son emploi, a demandé à la formation de référé de la juridiction prud'homale de condamner la société COVI à lui payer une provision sur salaire, congés payés et prime trimestrielle pour la période du 1er au 17 octobre 1999 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société COVI reproche à l'ordonnance d'avoir fait droit aux demandes de M. X..., alors, selon le moyen :
1 / que le juge dés référés ne pouvait se déclarer compétent sans répondre aux conclusions de la société COVI faisant valoir que, selon les propres pièces versées aux débats par M. X..., celui-ci avait déclaré sa créance entre les mains du liquidateur de la société VIR, placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Reims ; que cette simple indication suffisait à rendre irrecevable la demande introduite ; qu'il était en effet de droit constant que la déclaration de créance constituait une demande en justice et que, dès lors, il y avait litispendance, source d'incompétence du juge des référés saisi ; qu'en statuant comme il l'a fait, sans répondre aux conclusions dont il était saisi, le conseil de prud'hommes a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en toute hypothèse, constituait une difficulté sérieuse le fait de savoir si, en dehors de toute cession d'entreprise et de toute convention entre la société VIR et la société COVI, cette dernière pouvait, en l'absence de trouble manifestement illicite, être tenue des salaires dus par la société VIR, dont le salarié lui-même se considérait comme créancier, ainsi que le traduisait sa production entre les mains du liquidateur judiciaire et la litispendance en découlant de surcroît ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 122-12, L. 122-12-1, R. 516-30 et R. 516-38 du Code du travail et 100 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que le conseil de prud'hommes n'était pas tenu de répondre à un moyen qui était inopérant, dès lors qu'il résulte des articles L. 621-37 et L. 621-43 du Code de commerce que les salariés n'ont pas à déclarer au représentant des créanciers les créances résultant d'un contrat de travail ;
Attendu, d'autre part, que le conseil de prud'hommes, qui a constaté que la modification dans la situation juridique de l'employeur, étrangère à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société VIR, était intervenue dans le cadre de conventions passées entre ladite société et la société IVECO-France puis entre cette seconde société et la société COVI, a pu décider qu'il n'y avait pas de contestation sérieuse sur l'obligation de la société COVI de payer au salarié la provision réclamée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'ordonnance d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen :
1 / que la société COVI n'a jamais contesté la continuation en son sein du contrat de travail de M. X..., ancien salarié de la société VIR, dès le premier jour de l'entrée en vigueur de sa propre activité, soit le 18 octobre 1999 ; qu'elle a, dès cet instant, réglé le salaire de l'intéressé, mais qu'elle ne pouvait être tenue de payer le salaire dont la société VIR était débitrice pour la période du 1er au 17 octobre 1999, quelle que soit la date de mise en liquidation judiciaire de cette société, dans la mesure où il n'y a jamais eu de relation et a fortiori aucune convention entre la société VIR et la société COVI, ce que ne dénie pas l'ordonnance ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 122-12 et L. 122-12-1 du Code du travail ;
2 / que l'ordonnance ne pouvait, dans le cadre d'une législation d'ordre public, retenir comme un aveu de dette juridique le versement d'un acompte qui, par sa nature, n'a pas la qualité d'une reconnaissance de dette, l'argument tiré du bulletin de salaire de mars 2000 étant inopérant là où une convention est requise et ayant de surcroît été relevé d'office sans information préalable de la société COVI, au mépris de la règle selon laquelle la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'en statuant de la sorte, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 144-2 et L. 122-12-1 du Code du travail et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que selon l'article L. 122-12-1, alinéa 1, du Code du travail, à moins que la modification dans la situation juridique de l'employeur n'intervienne dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ou d'une substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de cette modification ; que le conseil de prud'hommes, qui a constaté que la société IVECO-France, qui avait mis fin au contrat de location-gérance conclu avec la société VIR, avait repris possession de son fonds de commerce puis qu'elle avait conclu un nouveau contrat de location-gérance avec la société COVI, d'où résultaient des modifications dans la situation juridique de l'employeur intervenues en vertu de conventions successives entre ceux-ci, a pu décider que le dernier employeur était tenu de verser au salarié la provision réclamée sur des sommes qui lui étaient dues ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Covi aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille deux.