LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations et constatations des juges du fond, que la société SCREG routes et travaux publics (SRTP), à laquelle appartient comme filiale la société SCREG Est, a conclu avec son personnel le 24 mai 1994 un accord d'intéressement des salariés prévoyant la prise en considération du taux de fréquence des accidents du travail ; que l'URSSAF de Meurthe-et-Moselle a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales de la société SCREG Est des primes allouées à ses salariés de 1994 à 1996 ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale (Nancy, 31 mai 2000), statuant en dernier ressort, a accueilli le recours de la société ;
Attendu que celle-ci reproche au jugement d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1/ qu'un accord d'intéressement ne peut déroger aux dispositions plus favorables de la loi ; qu'aux termes de l'article L. 230-4 du Code du travail, les dispositions de l'article L. 230-3, mettant à la charge du salarié le soin de sa sécurité et de sa santé et de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail, n'affectent pas le principe de la responsabilité des employeurs ou chefs d'établissement ; que l'article L. 122-42 du Code du travail interdit toutes les formes de sanctions pécuniaires, sans distinguer selon qu'il s'agit de sanctions individuelles ou de sanctions collectives ; qu'un accord d'intéressement ne peut légalement instituer une responsabilité pécuniaire collective de plein droit des salariés du fait du nombre d'accidents de travail intervenus dans l'établissement en prévoyant une répartition de la prime globale d'intéressement en fonction du seul critère de sécurité, le taux de fréquence des accidents de travail mesurant la performance de l'établissement auquel est attaché chaque salarié en matière de sécurité ;
qu'en relevant, cependant, que la diminution du nombre des accidents de travail constitue une performance au sens de l'article L. 441-2, alinéa 1, du Code du travail, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé, par refus d'application, les articles L. 230-4 et L. 122-42 du Code du travail, et, par fausse application, l'article L. 441-2, alinéa 1, précité du même Code ;
2 / que la clause de l'accord d'intéressement selon laquelle le taux de fréquence retenu pour les sièges sociaux correspond à la moyenne des taux de fréquence des établissements et filiales relevant de leur autorité institue, de manière illicite, un critère de performance auquel les salariés des sièges sociaux sont étrangers, ceux-ci ne participant pas aux activités des centres d'établissements génératrices d'accidents de travail ; qu'en décidant que l'accord d'intéressement était conforme à l'objectif visé par le législateur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 441-2, alinéa 1, du Code du travail ;
3 / qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 441-2, alinéa 6, et L. 122-32-1 du Code du travail que les périodes de suspension du contrat de travail d'un salarié victime d'un accident de travail sont assimilées aux périodes de présence prises en compte par un accord d'intéressement ; que les salariés ne peuvent être pénalisés par un accord d'intéressement en raison des absences des salariés victimes d'accidents de travail dans une entreprise ; qu'en décidant le contraire, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé, par refus d'application, les dispositions précitées des articles L. 441-2, alinéa 6, et L. 122-32-1 du Code du travail ;
Attendu, d'abord, que, selon l'alinéa 1er de l'article 2 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986, applicable en la cause, les accords d'intéressement doivent, pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sociales, instituer soit un intéressement des salariés lié aux résultats ou à l'accroissement de la productivité, soit tout autre mode de rémunération collective contribuant à réaliser l'intéressement ;
Attendu, ensuite, que les obligations pesant sur l'employeur en matière de sécurité ne sont pas exclusives de celles incombant au salarié qui, aux termes de l'article L. 230-3 du Code du travail, doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou omissions ; qu'il en résulte que des accords d'intéressement peuvent, sans en méconnaître le caractère collectif, prendre en considération des critères tenant à l'amélioration de la sécurité dans l'entreprise ;
Attendu, enfin, qu'il ressort des énonciations du juge du fond, de première part, que l'accord litigieux ne peut aboutir à la diminution ou à la suppression de la prime d'intéressement que pour l'ensemble des salariés d'un établissement, dont aucun n'est susceptible d'être désavantagé, de deuxième part, qu'il n'a pas pour conséquence de sanctionner l'absence d'un salarié consécutive à un accident du travail, de troisième part, qu'il ne fait pas obstacle au principe de la responsabilité, tant civile que pénale, des employeurs ou chefs d'établissement ; que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a décidé que les primes d'intéressement devaient être exclues de l'assiette des cotisations ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Meurthe-et-Moselle aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF de Meurthe-et-Moselle ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille deux.