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18/09/2002 | FRANCE | N°99-46136

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2002, 99-46136


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Go sport a embauché Mme X... le 1er juillet 1989 ; que le contrat de travail comportait une clause par laquelle la salariée s'engageait à "accepter au plus tard dans les 8 jours suivant la notification écrite un changement du lieu de travail dans un autre établissement du groupe Go sport en métropole suivant les besoins d'une bonne organisation de l'entreprise", ainsi qu'une clause de non-concurrence lui interdisant "d'entrer au service d'une entreprise ayant

pour activité principale ou secondaire la vente au détail de produi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la société Go sport a embauché Mme X... le 1er juillet 1989 ; que le contrat de travail comportait une clause par laquelle la salariée s'engageait à "accepter au plus tard dans les 8 jours suivant la notification écrite un changement du lieu de travail dans un autre établissement du groupe Go sport en métropole suivant les besoins d'une bonne organisation de l'entreprise", ainsi qu'une clause de non-concurrence lui interdisant "d'entrer au service d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de produits identiques à ceux vendus par la société Go sport, c'est-à-dire le vêtement et matériel de sport grand public", et ce en France et pendant une durée maximum d'un an ; que, par lettre du 22 janvier 1996, reçue le 24 janvier 1996, l'employeur a notifié à la salariée, qui exerçait les fonctions de chef de département dans un magasin Go sport à Paris, sa mutation en qualité de directrice dans un magasin Go sport au Mans, en lui demandant de faire retour du courrier signé pour marquer son acceptation avant le 29 janvier 1996 ; que Mme X... a refusé par lettre du 26 janvier 1996 ; qu'elle a été licenciée, le 9 février 1996, en raison de ce refus ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant, notamment, au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l'annulation de la clause de non-concurrence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 1999) de le condamner à payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / qu'il ressortait du contrat liant Mme X... à la société Go sport que la salariée s'était engagée formellement à accepter au plus tard dans les huit jours suivant la notification écrite un changement de lieu de travail dans un autre établissement du groupe Go sport, en métropole, suivant les besoins de la bonne organisation de l'entreprise ; qu'en affirmant que ladite clause ne pouvait s'analyser en une clause de mobilité, malgré l'intitulé de la clause faisant justement état de cette mobilité, la cour d'appel a dénaturé un écrit clair et partant violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les règles et principes qui gouvernent la dénaturation de l'écrit clair ;

2 / que, et en toute hypothèse, la clause de mobilité faisait état d'une acceptation au plus tard dans les huit jours suivant la notification écrite du changement de lieu de travail ; qu'en l'espèce, il est constant que c'est par une lettre du 22 janvier 1996 que Mme X... était informée, à la suite de différents entretiens qu'elle avait eus avec ses supérieurs hiérarchiques, de son affectation au 1er février 1996, en qualité de directrice du magasin Go sport Le Mans, si bien que le délai de 8 jours, tel qu'il ressort de la clause dûment acceptée par la salariée, avait été respecté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel dénature à nouveau un écrit clair et partant viole le texte cité au précédent élément de moyen ainsi que le principe visé ;

3 / que la société appelante justifiait de la vacance du poste de directeur du magasin Go sport du Mans depuis le 20 janvier 1996 et l'urgence qu'il y avait en l'état des besoins de l'entreprise et de son organisation de pourvoir audit poste, lequel d'ailleurs correspondait parfaitement à la formation et à l'expérience de Mme X... qui avait réitéré ses souhaits de reprendre une direction de magasin ; qu'en affirmant ainsi, sans autre motif, qu'aucune pièce produite n'établissait la nécessité d'une mutation dans l'intérêt de l'entreprise, et que la preuve de la vacance du poste du Mans n'était pas rapportée, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision suffisamment et a méconnu ce que postule l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la clause contractuelle relative au changement de lieu de travail, a retenu que l'employeur avait agi avec précipitation en notifiant sa mutation à la salariée sans la faire bénéficier ni du délai contractuel de réflexion de 8 jours, ni d'un délai de prévenance suffisant pour rejoindre son nouveau lieu de travail ; qu'elle a constaté, en outre, que la société cherchait à se séparer de la salariée et que la nécessité de sa mutation dans l'intérêt de l'entreprise, motif pris d'une vacance de poste non justifiée, n'était pas établie ; qu'ayant ainsi constaté que le licenciement consécutif au refus de sa mutation par la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a, par ces motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société reproche à l'arrêt de déclarer nulle et non avenue la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, qu'une clause de non-concurrence peut valablement interdire toute activité dans une entreprise concurrente, dès l'instant qu'elle est nécessaire à la protection des intérêts légitimes d'une entreprise et qu'elle n'empêche pas le salarié de retrouver un autre emploi, compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne s'interroge nullement sur l'utilité de la clause par rapport à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et ne tient pas compte, comme elle le devrait, de la circonstance que la clause de non-concurrence dûment acceptée était limitée dans le temps et dans l'espace et ne concernait que "le vêtement et matériel de sport, secteur grand public", ce qui laissait encore une grande liberté à Mme X..., puisque, comme l'employeur le soutenait, l'activité professionnelle visée par la clause était tout à fait limitée au regard de l'expérience professionnelle de la salariée qui avait toute latitude pour postuler à quelque poste que ce soit, dans toute entreprise et notamment de textile ; qu'en jugeant le contraire, à partir de motifs insuffisants et manquant de pertinence, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1134 du Code civil, de l'article 7 de la loi du 2-17 mars 1991 et du principe constitutionnel de la liberté du travail ;

Mais attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la clause de non-concurrence interdisait à la salariée d'entrer au service, en France et pendant un an, d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de vêtements et matériel de sport grand public, a exactement décidé que cette clause, qui ne permettait pas à la salariée de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle, était illicite et devait être annulée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Go sport aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Go sport à payer à Mme X... la somme de 2 200 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99-46136
Date de la décision : 18/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Validité - Condition .

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Nullité - Cas

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; est dès lors légalement justifié l'arrêt qui déclare nulle une clause de non-concurrence interdisant à un salarié d'entrer au service en France pendant un an d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de vêtements et matériels de sport grand public, une telle clause ne permettant pas au salarié de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 octobre 1999

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 2002-07-10, Bulletin 2002, V, n° 240, p. 235 (cassation sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2002, pourvoi n°99-46136, Bull. civ. 2002 V N° 273 p. 263
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 V N° 273 p. 263

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos .
Avocat général : M. Kehrig.
Rapporteur ?: Mme Lemoine Jeanjean.
Avocat(s) : la SCP Peignot et Garreau, M. Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:99.46136
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