La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2002 | FRANCE | N°02-81313

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 septembre 2002, 02-81313


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, en date du 12 décembre 2001, qui l'a déb

outée de ses demandes après condamnation de Jean-Claude Y... du chef d'abus de confiance ;...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, en date du 12 décembre 2001, qui l'a déboutée de ses demandes après condamnation de Jean-Claude Y... du chef d'abus de confiance ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, qui déclare Jean-Claude Y... coupable d'abus de confiance au préjudice de la société X..., partie civile, a débouté celle-ci de ses demandes indemnitaires ;

"aux motifs que la société X... estime son préjudice à la somme de 271 664,25 francs, montant des sommes prétendument non reversées par la société Etablissement Y... qui est en liquidation judiciaire ; s'il est exact que cette société X... a produit à la liquidation des Etablissements Y... pour le montant de cette somme, aucun document figurant aux débats dont certains en langue allemande non traduits, ne permet de dire que cette créance est uniquement composée des sommes non reversées, objet de l'abus de confiance reproché ; la Cour constate par ailleurs qu'un virement d'une somme de 1 000 000 francs a été effectué le 18 décembre 1996 sur le compte de la société X... par le débit du compte des Etablissements Y... ; dès lors, la société X... n'apporte pas la preuve de l'importance de son préjudice ; elle sera débouté de ses prétentions (arrêt, page 4) ;

"1 ) alors que le juge pénal, invité à statuer sur l'action civile, qui ne tend qu'à la satisfaction d'intérêts privés, ne peut - sauf dans les matières touchant à l'ordre public - soulever un moyen d'office sans commettre un excès de pouvoir ;

qu'en l'espèce, il résulte des motifs du jugement ayant déclaré Jean-Claude Y... coupable d'abus de confiance et l'ayant, sur les intérêts civils, condamné à régler à la société X... la somme de 271 664,25 francs à titre de dommages-intérêts, que Jean-Claude Y... reconnaît avoir reçu pour plus de 270 000 francs de paiements qu'il n'a pas restitués à la société X... ;

que, par ailleurs, il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que le prévenu, appelant du jugement, ait - sur les intérêts civils - contesté être redevable, à l'égard de la société X..., de la somme de 271 664,25 francs au titre des taxes des eurovignettes dont le paiement n'a pas été reversé à la partie civile ;

qu'ainsi, en relevant d'office le motif tiré de ce que la preuve d'un préjudice résultant directement de la commission de l'infraction n'est pas rapportée, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"2 ) alors que l'existence d'un préjudice subi par la partie civile, victime d'un abus de confiance, se déduit de la seule constatation du détournement visé à l'article 314-1 du Code pénal ;

qu'en l'espèce, pour débouter la société X... de l'intégralité de ses demandes indemnitaires, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance qu'aucun document produit au débat ne permet de dire que la créance pour laquelle la partie civile a produit à la liquidation des Etablissements Y..., pour la somme de 271 664,25 francs, est uniquement composée des sommes non reversées objet de l'abus de confiance reproché ;

qu'en statuant ainsi, tout en estimant, sur l'action publique, qu'il convient d'adopter les motifs des premiers juges, lesquels ont pris soin de relever que Jean-Claude Y... reconnaît ainsi avoir reçu pour plus de 270 000 francs de paiements des eurovignettes, qu'il n'a cependant pas restitués à la société X..., l'intéressé précisant au juge d'instruction qu'en raison des difficultés financières de son entreprise, la somme litigieuse avait pu servir à combler une partie du passif, ce dont il résulte d'une part que le prévenu a commis un détournement au préjudice de la société X..., d'autre part que ce détournement s'élève à la somme réclamée par cette dernière, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

"3 ) alors qu'en déboutant purement et simplement la partie civile de ses demandes indemnitaires, tout en relevant qu'aucun document produit au débat ne permet de dire que la créance pour laquelle la partie civile a produit à la liquidation des Etablissements Y..., pour la somme de 271 664,25 francs, est uniquement composée des sommes non reversées objet de l'abus de l'abus de confiance reproché, ce dont il résulte qu'une partie au moins de la somme réclamée par la partie civile constituait un préjudice né de l'infraction dont Jean-Claude Y... a été déclaré coupable, la cour d'appel qui, en cet état, devait rechercher l'étendue exacte de ce préjudice, a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;

"4 ) alors que dans ses conclusions d'appel, la partie civile a expressément fait valoir, qu'aux termes d'une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Lille, en date du 10 juillet 1997, régulièrement produite aux débats, la société Y..., qui reconnaissait devoir à la société X..., au titre du paiement des eurovignettes, la somme de 271 664,25 francs, a été condamnée à régler cette somme à la demanderesse, ce qui démontrait parfaitement que la demande indemnitaire de la partie civile était fondée en son principe et dans son quantum ;

qu'ainsi, en se bornant à énoncer péremptoirement qu'aucun document produit au débat ne permet de dire que la créance pour laquelle la partie civile a produit à la liquidation de la société Etablissements Y... pour la somme de 271 664,25 francs constitue un préjudice né de l'abus de confiance dont Jean-Claude Y... a été déclaré coupable, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la demanderesse, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Vu l'article 3 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 314-1 du Code pénal ;

Attendu qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ;

Attendu que, statuant sur la demande de la société X..., partie civile, contre Jean-Claude Y..., condamné pour abus de confiance commis au préjudice de ladite société, l'arrêt attaqué énonce, pour la débouter, que, s'il est exact que cette société a produit à la liquidation des établissements Y... pour la somme de 271 664,25 francs, montant des sommes prétendument non reversées par la société Etablissements Y..., qui est en liquidation judiciaire, aucun document figurant aux débats, dont certains sont en langue allemande non traduits, ne permet de dire que cette créance est uniquement composée des sommes non reversées, objet de l'abus de confiance reproché et que, dès lors, la société X... n'apporte pas la preuve de l'importance de son préjudice ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la condamnation pour abus de confiance impliquait nécessairement un détournement et sans rechercher l'étendue du préjudice qu'elle était tenue de réparer dans son intégralité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 12 décembre 2001, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81313
Date de la décision : 18/09/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Condamnation - Condamnation prononcée par la juridiction répressive - Portée.


Références :

Code de procédure pénale 3

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 12 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 sep. 2002, pourvoi n°02-81313


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.81313
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award