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17/09/2002 | FRANCE | N°02-81571

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 septembre 2002, 02-81571


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Belkacem,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2001, qui, pour refus de se soumettre aux vérifications destinées

à établir la preuve d'un état alcoolique, rébellion et violences aggravées, l'a condamné à ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept septembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Belkacem,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 2001, qui, pour refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve d'un état alcoolique, rébellion et violences aggravées, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, L. 1, L. 14 et R. 137 du Code de la route, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Belkacem X... coupable de refus de se soumettre aux vérifications de l'état alcoolique et, en répression, l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs qu' "il résulte du procès-verbal du 1er mai 2001 que les gendarmes ayant personnellement constaté que Belkacem X... conduisait son véhicule Peugeot 206 dont ils l'avaient vu descendre, avaient, en application des dispositions de l'article R. 137 du Code de la route, pouvoir de requérir du prévenu la présentation des papiers afférents à la conduite du véhicule ; que, par ailleurs, alors qu'ils avaient constaté l'état d'imprégnation alcoolique caractérisé par la mention figurant au procès-verbal - haleine sentant l'alcool -, ils avaient également le pouvoir de le soumettre au dépistage d'alcoolémie, et le refus opposé par Belkacem X... est constitué" (arrêt attaqué, p. 4, dernier et p. 5, 1er) ;

"alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que, par ailleurs, les textes d'incrimination sont d'interprétation stricte ;

qu'aux termes de l'article R. 137 du Code de la route, "seul le conducteur" est tenu de présenter à toute réquisition des agents de l'autorité compétente les pièces relatives au véhicule ; que le conducteur s'entendant nécessairement de la personne qui conduit le véhicule, la personne qui a quitté son véhicule ne peut être soumise au contrôle prévu par l'article R. 137 du Code de la route ;

qu'au cas d'espèce, en décidant que les gendarmes avaient pu requérir de Belkacem X... la présentation des papiers afférents à la conduite du véhicule, bien qu'ils constataient que celui-ci était, depuis quelques instants déjà, sorti de son véhicule, pour ensuite caractériser le délit de refus de se soumettre à un test de dépistage de l'alcoolémie, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 433-6 du Code pénal, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Belkacem X... coupable de rébellion et, sur l'action civile, a ordonné une expertise et condamné Belkacem X... à verser, à titre de provision, la somme de 5000 francs à Yves Y... ;

"aux motifs que "les gendarmes tentaient de l'appréhender, mais le prévenu se débattait en criant (...) ; que constitue une rébellion le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice de ses fonctions pour l'exécution des lois ; qu'il apparaît des éléments ci-dessus analysés que Belkacem X... a refusé avec violence d'être conduit par les gendarmes Y... et Z..., dans l'exercice de leurs fonctions, à la gendarmerie, pour être soumis à un contrôle par éthylomètre (...) ; que, même considéré comme un moyen de s'opposer à l'action d'un militaire de la gendarmerie, le délit de rébellion consiste en une résistance avec violence et voies de fait envers l'un des dépositaires de l'autorité publique et, dès lors que non seulement cette force publique a subi un dommage en la personne de son représentant, mais encore que ce dernier, Yves Y..., a souffert des violences ou des voies de fait résultant directement de la résistance, puisqu'il a été blessé, c'est à tort que les premiers juges ont refusé de recevoir la constitution de partie civile d'Yves Y..., au motif qu'il n'apparaissait pas que les violences aient été volontairement commises (...) ; que Belkacem X... sera déclaré entièrement responsable du préjudice subi par Yves Y... ; qu'au vu des pièces versées aux débats, il convient d'ordonner une expertise médicale et de condamner Belkacem X... à verser à Yves Y... une indemnité provisionnelle de 5 000 francs" (arrêt attaqué, p. 4, 4, p. 5, 2 et 3 et p. 6, 2, 4 et 5) ;

"alors que le délit de rébellion suppose un acte d'opposition violente ; qu'ainsi, la rébellion suppose que soient constatées des violences à la charge du prévenu ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, alors qu'ils constataient seulement que Belkacem X... s'était débattu en criant et alors que le procès-verbal du 1er mai 2001 faisait seulement état d'une rébellion, sans expliciter les violences qu'avait pu commettre Belkacem X..., les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Belkacem X... coupable des délits de refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve d'un état alcoolique, rébellion et violences sur un dépositaire de l'autorité publique, l'arrêt attaqué retient que les gendarmes, qui l'avaient vu arriver au volant de son véhicule, stationner celui-ci sur une place de parking puis se déplacer à pied dans les rues voisines, lui ont demandé de leur présenter les pièces afférentes à la conduite du véhicule ; que, constatant à cette occasion que son haleine sentait fortement l'alcool, ils l'ont vainement invité à les suivre à la brigade en vue d'un dépistage de l'état alcoolique avant de se saisir de sa personne; qu'il s'est alors débattu en criant et a blessé l'un d'eux à la main droite, lui causant une incapacité totale de travail d'une durée supérieure à 8 jours ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les gendarmes, dépositaires de l'autorité publique, ont interpellé le prévenu alors qu'il existait à l'encontre de celui-ci des indices faisant présumer qu'il venait de commettre le délit de conduite en état d'ivresse et se sont heurtés à son refus de se soumettre au dépistage de l'imprégnation alcoolique et à sa résistance violente, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, le premier irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale en ce qu'il reprend devant la Cour de Cassation une exception de nullité du contrôle routier qui n'avait pas été soulevée devant les premiers juges, doivent être écartés ;

Mais, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 454-1, L. 455-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Belkacem X... coupable de rébellion et, sur l'action civile, a ordonné une expertise et condamné Belkacem X... à verser, à titre de provision, la somme de 5 000 francs à Yves Y... ;

"aux motifs que "les gendarmes tentaient de l'appréhender, mais le prévenu se débattait en criant (...) ; que constitue une rébellion le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice de ses fonctions pour l'exécution des lois ; qu'il apparaît des éléments ci-dessus analysés que Belkacem X... a refusé avec violence d'être conduit par les gendarmes Y... et Z..., dans l'exercice de leurs fonctions, à la gendarmerie, pour être soumis à un contrôle par éthylomètre (...) ; que même considéré comme un moyen de s'opposer à l'action d'un militaire de la gendarmerie, le délit de rébellion consiste en une résistance avec violence et voies de fait envers l'un des dépositaires de l'autorité publique et, dès lors que non seulement cette force publique a subi un dommage en la personne de son représentant, mais encore que ce dernier, Yves Y..., a souffert des violences ou des voies de fait résultant directement de la résistance, puisqu'il a été blessé, c'est à tort que les premiers juges ont refusé de recevoir la constitution de partie civile d'Yves Y..., au motif qu'il n'apparaissait pas que les violences aient été volontairement commises (...) ; que Belkacem X... sera déclaré entièrement responsable du préjudice subi par Yves Y... ; qu'au vu des pièces versées aux débats, il convient d'ordonner une expertise médicale et de condamner Belkacem X... à verser à Yves Y... une indemnité provisionnelle de 5 000 francs" (arrêt attaqué, p. 4, 4, p. 5, 2 et 3 et p. 6, 2, 4 et 5) ;

"alors qu'en statuant sur l'ensemble des préjudices subis par Yves Y..., notamment les préjudices soumis à recours, sans mettre en cause l'organisme payeur et le Trésor public, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 modifié par la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que, selon ce texte, lorsque la victime ou ses ayants droit engagent une action contre le tiers responsable, ils doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée qui leur a versé des prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire ; que cette disposition est d'ordre public ;

Attendu que, recevant la constitution de partie civile d'Yves Y..., gendarme, l'arrêt infirmatif attaqué déclare Belkacem X... entièrement responsable de son préjudice, ordonne, avant dire droit, une expertise de son dommage corporel, et condamne le prévenu à lui verser une indemnité provisionnelle de 5 000 francs (sans préciser la nature du préjudice à la réparation duquel elle est affectée) ;

Mais attendu que, si la cour d'appel pouvait statuer sur la réparation du préjudice de caractère personnel de la victime, il lui appartenait, faute de mise en cause de l'agent judiciaire du Trésor, de déclarer irrecevable la demande de la partie civile tendant à l'indemnisation du préjudice lié à l'atteinte à son intégrité physique et de la renvoyer à se pourvoir de ce chef devant la juridiction civile ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire et de mettre fin au litige sur ce point ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 19 décembre 2001, mais seulement en ce qu'il a omis de déclarer irrecevables les demandes de la partie civile tendant à la réparation de son préjudice corporel soumis au recours de l'Etat, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

CONSTATE que la juridiction correctionnelle n'est valablement saisie que du préjudice strictement personnel ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81571
Date de la décision : 17/09/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 3e moyen) ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime agent d'un service public - Recours - Recours de la victime ou de ses ayants droit - Jugement commun - Agent judiciaire du Trésor - Omission - Effet.


Références :

Loi 85-677 du 05 juillet 1985
Ordonnance du 07 janvier 1959 art. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, 19 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 sep. 2002, pourvoi n°02-81571


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.81571
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