LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 septembre 2000) que, par un contrat de sous-traitance comportant une clause compromissoire, la société Grands Chantiers d'Aquitaine (la société GCA), aux droits de laquelle vient la société DV Construction, a confié à la société Beugnet Aquitaine (la société Beugnet) la réalisation de certains travaux ; qu'un différend les opposant sur l'exécution du marché et l'arrêt du chantier, les parties ont, l'une et l'autre, mis en oeuvre la procédure d'arbitrage et saisi successivement l'arbitre de sa mission ; que la société Beugnet a frappé la sentence arbitrale d'un recours en annulation ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis :
Attendu que la société Beugnet fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours en annulation, alors, selon le moyen :
1 / que l'exécution provisoire peut être ordonnée, aux termes de l'article 515 du nouveau Code de procédure civile, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ; que rendue applicable aux sentences arbitrales, par l'alinéa 1er de l'article 1479 du nouveau Code de procédure civile, cette disposition ne permet pas à un compromis d'arbitrage d'imposer à l'arbitre d'assortir la sentence, dans tous Ies cas, de l'exécution provisoire ; qu'en décidant du contraire, pour écarter le recours en annulation de la sentence arbitrale, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble I'article 1484 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'aux termes de la clause compromissoire, rapportée par l'arrêt, "la partie qui soumettra un litige à l'arbitrage, devra avertir l'arbitre et l'autre partie, par lettre recommandée avec accusé de réception, de son intention en précisant I'objet du différend" et "l'arbitre saisi devra convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours de sa saisine, aux fins de rédaction et de signature du compromis" ; qu'après avoir établi que la sentence arbitrale avait été rendue sans que l'objet du litige ait été déterminé par le compromis stipulé, faute pour l'arbitre de s'être conformé à la mission que lui avait donnée le contrat de sous-traitance stipulant la clause compromissoire, la cour d'appel devait prononcer l'annulation de la sentence arbitrale ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1484 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'une clause compromissoire signée avant tout litige peut imposer à l'arbitre désigné par l'une des parties de les convoquer dans les 15 jours de sa saisine, aux fins de rédaction et de signature d'un compromis déterminant l'objet du litige ; qu'en considérant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la sentence arbitrale rendue, sans que l'objet du litige ait été déterminé par le moyen du compromis convenu, que la rédaction d'un tel compromis ne s'imposait pas, dès lors que l'arbitrage résultait d'une clause compromissoire, la cour d'appel a violé les articles 1442 et 1447 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1484 du même Code ;
4 / que les demandes de la société GCA du 23 mai 1996 tendant à ce que son préjudice soit chiffré et de la société Beugnet Aquitaine du 12 septembre 1996 tendant à ce que lui soient alloués des dommages-intérêts, ne pouvaient couvrir l'infraction aux règles de la procédure arbitrale convenue, qui imposaient à l'arbitre désigné de convoquer les deux parties dans les 15 jours de sa saisine, soit le 25 avril 1996 par la société Beugnet Aquitaine, aux fins de rédaction et de signature d'un compromis ; qu'en décidant du contraire, pour rejeter le recours en annulation, la cour d'appel a violé l'article 1484 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que conformément à la clause compromissoire selon laquelle "la partie qui soumettra un litige à l'arbitrage, ... devra avertir l'arbitre et l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception de son intention en précisant I'objet du différend", la lettre de saisine du 25 avril 1996 de la société Beugnet Aquitaine exposait qu"'un différend" l'opposait "à l'entreprise GCA pour la réalisation de certains travaux sur le lotissement cité en objet" et que "conformément au contrat nous liant avec l'entreprise GCA, il est prévu que nous fassions appel à votre arbitrage pour trouver une solution amiable à notre différend" ; qu'en considérant, pour écarter le moyen de nullité tiré du non-respect par l'arbitre de la mission qui lui avait été confiée que cette lettre ne constituait pas une lettre de saisine de l'arbitre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
6 / que, dans ses conclusions d'appel, la société Beugnet Aquitaine avait fait valoir expressément qu'en l'état d'une clause compromissoire stipulant "l'arbitre ainsi saisi devra convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 15 jours de sa saisine, aux fins de rédaction et de signature du compromis", la clause compromissoire ne dispensait pas de la conclusion d'un compromis et qu'en ne respectant pas les conditions spécifiques de la procédure d'arbitrage l'arbitre avait méconnu la volonté clairement exprimée des parties ; qu'en considérant encore, pour rejeter le recours en annulation, que la société Beugnet Aquitaine avait soutenu un moyen tiré de l'absence de convention d'arbitrage, la cour d'appel a derechef violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu, d'une part, que, les règles sur l'exécution provisoire des jugements ne figurant pas parmi les principes directeurs du procès, elles sont, dans l'instance arbitrale, supplétives de la volonté des parties, et, d'autre part, que la stipulation d'une clause compromissoire dispensait de l'établissement d'un compromis ;
Attendu que la cour d'appel n'a pas méconnu la volonté des parties en retenant que la première saisine de l'arbitre était du 28 mai 1996, dès lors que la lettre du 26 avril précédent ne formulait aucune demande et ne conférait pas à l'arbitre une mission juridictionnelle ; qu'elle n'a pas non plus modifié l'objet du litige en répondant aux conclusions de la société Beugnet qui soutenait un moyen fondé sur l'absence de convention d'arbitrage ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que la société Beugnet avait participé activement à l'arbitrage ; qu'elle doit donc être réputée avoir renoncé à se prévaloir ultérieurement des irrégularités qu'elle s'est, en connaissance de cause, abstenue d'invoquer devant l'arbitre ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable pour partie, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen, dont aucun des griefs ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Beugnet Aquitaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Beugnet Aquitaine à payer à la société DV Construction la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille deux.