LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que, se fondant sur des rapports d'inspections réalisées en 1997 et 1998, le procureur de la République de Caen a saisi le tribunal de grande instance, statuant disciplinairement, aux fins de constater l'inaptitude de M. X..., notaire, dans les termes de l'article 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ; que l'assignation, délivrée le 30 novembre 1998, dans les formes prescrites par l'article 41 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973, visait cinq séries de faits susceptibles de révéler cette inaptitude : l'absence de couverture des fonds clients depuis plusieurs années, une situation financière personnelle obérée, le non-respect de certaines règles professionnelles concernant la rédaction des actes et l'accès aux archives de l'étude, la multiplication des plaintes et actions judiciaires contre ce notaire ainsi que l'attitude manifestée par ce dernier à l'égard des organes de la profession ou de plusieurs magistrats de l'ordre judiciaire ; que le tribunal, ne retenant qu'une partie des ces griefs, a prononcé l'inaptitude de M. X... ; que l'arrêt attaqué (Caen, 14 septembre 1999) a confirmé cette décision ;
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel d'avoir pris en considération, pour caractériser les manquements répétés à ses obligations professionnelles, des faits qui, soit n'étaient pas visés dans l'acte de saisine, soit ressortissaient à sa situation personnelle et non pas professionnelle, soit constituaient des condamnations disciplinaires amnistiées, et invoque des griefs pris de violations des articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile, de l'article 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 et de l'article 14 de la loi d'amnistie du 18 mai 1995 ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 1945 que la discipline professionnelle des notaires n'exclut pas la prise en considération d'éléments de vie privée, eu égard à la portée sociale et d'intérêt public des fonctions qu'ils exercent ; qu'ainsi, la cour d'appel a pu, sans violer l'article 45 de cette ordonnance, estimer que la situation financière personnelle du notaire, révélant une insolvabilité durable, constituait un manquement à ses obligations professionnelles ; qu'ensuite, ayant relevé, sans excéder les limites de sa saisine, que M. X... avait également commis des irrégularités dans la gestion comptable de son office, notamment en refusant d'inscrire en comptabilité certaines dettes exigibles, ainsi que des infractions multiples aux règles professionnelles gouvernant la rédaction des actes authentiques et la conservation des archives de l'étude, la cour d'appel qui a estimé que la persistance de ces manquements, malgré des avertissements nombreux, ajoutée à l'attitude discourtoise et parfois agressive de l'intéressé à l'égard des autorités de discipline, révélaient l'inaptitude de ce notaire à assurer l'exercice normal de ses fonctions, a, par ces motifs, justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, qui pris en ses première et troisième branches, s'attaque à des motifs surabondants, ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille deux.