LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'un lot d'éléments de cuisine fabriqués par M. X... a été confié par ce dernier à la société Atlantique finition (société AF) aux fins de teinture ; qu'après exécution de sa prestation, cette dernière a fait transporter la marchandise chez la société Cuisine Distrac (le destinataire) par la société Sopitra transports (le transporteur) ; que des avaries ont été constatées à l'arrivée ;
qu'ultérieurement, la société AF a assigné M. X... en paiement de sa prestation, lequel, de son côté, a assigné la société AF, le transporteur ainsi que la société Le GAN, assureur de ce dernier (l'assureur) en indemnisation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son action dirigée contre le transporteur, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions en première instance, le transporteur et son assureur faisaient valoir que la méconnaissance par la société AF, expéditeur, de son obligation d'emballage et de conditionnement était exclusivement à l'origine du dommage souffert par M. X... à l'occasion du transport des marchandises lui appartenant ; qu'en déclarant qu'ils s'étaient prévalus devant les premiers juges de la fin de non-recevoir tirée de l'article 101 du Code de commerce alors qu'il n'avaient nullement contesté la recevabilité de l'action dirigée à leur encontre par M. X..., l'arrêt a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt n'a pas retenu que le transporteur et son assureur avaient soulevé en première instance la prescription alléguée ; que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir condamné la société AF à ne lui payer que la somme de 50 000 francs, en réalité 55 000 francs, correspondant au préjudice qu'il a subi au titre de la perte des marchandises, alors, selon le moyen :
1 / que l'arrêt, qui n'a pas précisé sur quel élément de preuve il se fondait pour affirmer qu'une offre de reprise de 12 000 francs avait été présentée par un soldeur a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'arrêt, qui a affirmé qu'il était établi qu'un certain nombre de portes non endommagées avait été récupéré par le destinataire qui les avait commercialisées, sans préciser sur quel élément de preuve il se fondait, a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui ont été soumis que la cour d'appel a retenu que le préjudice de M. X... serait fixé à 50 000 francs ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société AF la somme de 88 255,77 francs correspondant au coût des travaux de teinture et vernissage, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte d'une lettre du destinataire en date du 24 octobre 1996, qui a été régulièrement versée aux débats, que les travaux de teinture et de vernissage exécutés par la société AF étaient entachés de malfaçons ; qu'en refusant de prendre en considération cette pièce au motif qu'il n'était pas justifié qu'elle ait été communiquée à la société AF alors que ce document précisait exactement que le destinataire en adressait une copie à cette dernière, l'arrêt a violé l'article 1353 du Code civil ;
2 / que dans ses conclusions d'appel, la société AF faisait valoir que M. X... ne rapportait pas la preuve du préjudice commercial dont il se prévalait "se contentant de procéder par affirmations mais se gardant bien de démontrer qu'ils ont dû perdre des clients comme affirmé" ; qu'en déclarant cependant que la société AF se contentait de procéder par affirmations sur l'existence des malfaçons, l'arrêt a dénaturé lesdites conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en relevant, d'un côté, que les malfaçons invoquées par M. X... étaient "fondées" sur des courriers du destinataire dont il n'était pas justifié que ces pièces aient été communiquées à la société AF et, d'un autre côté, que leur existence était contestée par cette dernière, l'arrêt, qui a ainsi procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui ont été soumis, en a déduit, sans dénaturation, qu'en l'absence d'un commencement de preuve régulièrement communiqué, les demandes d'indemnisations de M. X... n'étaient pas fondées ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil ;
Attendu que pour écarter la demande en indemnisation de son préjudice au titre de la perte des marchandise présentée par M. X... à l'encontre du transporteur, l'arrêt retient que s'il est possible à M. X... de modifier le fondement de son action contre le transporteur et d'agir en cause d'appel sur la base de l'article 1383 du Code civil, il ne lui est pas possible de cumuler cette action quasi-délictuelle avec une demande fondée sur la responsabilité du contrat de transport ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la règle de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne recevant application que dans les rapport entre contractants, la cour d'appel, qui n'a pas reconnu à M. X... la qualité de partie au contrat de transport et qui était, dès lors, tenue de statuer sur sa demande fondée sur la responsabilité délictuelle du transporteur, a violé par refus d'application le second de ces textes ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande présentée par M. X... à l'encontre de la société Sopitra transports fondée sur la responsabilité délictuelle de cette dernière société, l'arrêt rendu le 21 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne les sociétés Atlantique finition, GAN Assurances et Sopitra transport aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du neuf juillet deux mille deux.