AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Germain,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AGEN, en date du 3 avril 2002, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'assassinat, séquestration aggravée, vol aggravé et escroquerie, en récidive, a rejeté ses demandes de mise en liberté ;
Vu les mémoires personnels et ampliatifs produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du 9 avril 2002, pris de la violation des articles 148, 181, 186, 201 et 725 du Code de procédure pénale, 5-1 et 5-4 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du même jour, pris de la violation de l'articles 198 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du 23 avril 2002, pris de la violation des articles 145-2, 181, 186, 201 et 725 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du 26 avril 2002, pris de la violation des articles 145-2, 148, 181, 186, 201 et 725 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du 29 avril 2002, pris de la violation des articles 144-1 du Code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel du 14 mai 2002, pris de la violation des articles 145-2, 181, 186, 201, 569, 609-1 et 725 du Code de procédure pénale, 5-1 et 5-4 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur les premier et second moyens de cassation du mémoire personnel du 17 mai 2002, pris de la violation des articles 145-2, 201 et 609-1 du Code de procédure pénale, 5-1, 5-3, 5-4 et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 144-1, 145-2, 145-3, 179, 181, 182-2, 187, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes de mise en liberté formées par le détenu ;
"aux motifs que dans les lettres jointes aux demandes de mise en liberté et dans le mémoire déposé par son conseil, il est soutenu que Germain X... serait détenu irrégulièrement car par application de l'article 187 du Code de procédure pénale, l'ordonnance de mise en accusation n'aurait pas d'existence juridique et que le délai de quatre ans édité par l'article 145-2 de ce Code serait écoulé ; que, par ailleurs, le délai de quatre mois prévu par l'article 182-2 du même Code serait écoulé ; qu'il serait donc détenu en vertu d'un titre inexistant et donc arbitrairement depuis l'expiration du délai de l'article 145-2 du Code de procédure pénale et à tout le moins, celui de l'article 5, paragraphes 1, 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la chambre criminelle de la Cour de Cassation a, dans son arrêt du 20 février 2002, cassé et annulé l'arrêt de la chambre de l'instruction de Toulouse du 31 octobre 2001 ; que la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen, désignée comme cour de renvoi, est donc saisie en l'état où se trouvait la chambre de l'instruction de Toulouse avant que son arrêt soit cassé, c'est-à-dire en l'état des appels relevés par Germain et Louis X... et le procureur de la République de Montauban à l'encontre de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises du Tarn-et-Garonne rendue le 2 juillet 2001 par le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Montauban ; que les dispositions prévues par l'article 187 du Code de procédure pénale ne concernent pas les ordonnances de règlement et que dès lors il est vainement prétendu que l'appel relevé à l'encontre de l'ordonnance de mise en accusation aurait pour effet de surseoir à la poursuite de l'information, alors que du fait de cette ordonnance le magistrat instructeur se trouve dessaisi de la procédure ; que, par ailleurs, si l'article 179 de ce Code dispose que dans le cas de délit l'ordonnance de règlement met fin à la détention, l'article 181 du même Code dispose que la détention provisoire prend fin pour les personnes renvoyées pour les délits connexes ; que ce dernier texte ne dispose pas, contrairement à l'article 179 précité, que l'ordonnance de mise en accusation met fin à la détention pour les personnes renvoyées pour crimes ; que dès lors, en l'absence de dispositions impératives et l'ordonnance de prise de corps contenue dans l'ordonnance de mise en accusation se trouvant suspendue du fait de l'appel dont est saisie la juridiction de renvoi, par l'arrêt de cassation, comme elle l'avait été devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse dont l'arrêt a été cassé, la juridiction du second degré ne se trouve pas tenue par les dispositions liant la juridiction du premier degré notamment en ce qui concerne les prolongations prévues par l'article 145-2 ; qu'il s'ensuit que la détention provisoire ne peut être retenue comme irrégulière au seul motif qu'elle n'aurait pas été renouvelée le 16 juillet 2001 ; que les dispositions prévues par cet article en ce qui concerne la durée de la détention provisoire ne peuvent non plus trouver application en l'espèce dès lors que cet article mentionne en son dernier alinéa que les dispositions du présent article sont applicables jusqu à l'ordonnance de règlement et que le règlement de la procédure a été réalisé par l'ordonnance de mise en accusation du 2 juillet 2001 ; que dès lors, Germain X... se trouve régulièrement détenu en vertu du mandat de dépôt du 17 janvier 1998 qui a conservé tous ses effets ; que la détention provisoire ne contrevient donc pas à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en outre, saisie sur renvoi de cassation, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen n'est pas tenue par le délai de quatre mois prévu par l'article 186-2 du Code de procédure pénale, étant ajouté que même si délai était applicable, il ne pourrait courir que depuis l'arrêt de la chambre criminelle et qu'à ce jour, il ne s'est pas écoulé quatre mois depuis son prononcé ; que dès lors, Germain X... ne peut prétendre à être mis en liberté d'office en vertu de cet article ; qu'à la lecture du dossier de l'information, il apparaît que la procédure a été caractérisée par des investigations sérieuses et ininterrompues et que la durée de celle-ci tient à la complexité de l'affaire et aux investigations nécessitées par les déclarations variables des personnes en cause et des expertises nécessaires à la manifestation de la vérité ainsi que les recours effectués par les mis en examen ; que dès lors, aucune violation des dispositions de l'article 144-1 du Code de procédure pénale ou de l'article 5-3 de la Convention européenne des droits de l'homme ne pouvant être retenue, Germain X... ne peut prétendre à être mis en liberté en vertu de ces dispositions ; que bien que n'ayant pas à se prononcer sur le fond dès lors qu'elle n'est saisie que de demandes de mise en liberté, la chambre de l'instruction relève cependant que des faits reprochés à Germain X... tels qu'ils sont visés à la prévention ne peuvent être écartés, en l'état de la procédure ; qu'en effet, compte tenu de ses incessantes variations dans ses déclarations comme dans celles de Bernard Y..., il est permis de douter de ses affirmations selon lesquelles la mort d'André Z... serait survenue accidentellement, à la suite d'une chute (provoquée par les violences qu'il avait exercées sur la victime), alors qu'il a reconnu avoir entièrement dépensé sans en révéler l'objet, une somme en espèce de 100 000 francs, alors que son frère Maurice a déclaré qu'il s'agissait d'un "contrat" et que lui-même a expliqué qu'il avait décidé de demander des "explications" et de "faire peur" à la victime, à la suite des différends qui opposaient cette dernière à son père, Louis X... ;
que, par ailleurs des parties du cadavre d'André Z... ont été retrouvées en des lieux qui sont incompatibles avec la version donnée par l'intéressé et les conditions dans lesquelles celui-ci a disparu de son domicile, qui ne sont pas établies autrement que par les déclarations de Germain X..., puis de Bernard Y..., permettant d'avoir des raisons plausibles de soupçonner Germain X..., d'avoir avec un ou plusieurs co-auteurs ou complices, donné volontairement la mort à André Z... ; que la détention provisoire est l'unique moyen d'éviter tout risque de pression ou de concertation avec les autres protagonistes de cette affaire, alors que ce risque peut d'autant moins être écarté qu'il ressort de la procédure qu'une concertation aurait déjà eu lieu entre son père et son frère pour dire que Germain X... serait parti à Toulouse le 19 décembre 1997 ; qu'une mesure de contrôle judiciaire serait aussi insuffisante à prévenir le risque de renouvellement d'infractions graves, alors que des violences exercées sur André Z... sont de nature à confirmer le caractère impulsif et potentiellement violent de Germain X... déjà condamné en 1990 pour vol avec arme et avec violences ; qu'enfin une mesure de contrôle judiciaire serait insuffisante au regard de l'ordre public, alors que la circonstance de la commission des faits et les mobiles qui les sous-tendent causent un trouble exceptionnel et toujours persistant à l'ordre public ;
"alors que, d'une part, aux termes de l'article 145-2, premier alinéa, du Code de procédure pénale, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an, le juge des libertés et de la détention pouvant, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, prolonger la détention à l'expiration de ce délai, pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois ; que dès lors, l'ordonnance de prise de corps se trouvant suspendue du fait de l'appel dont est saisie la juridiction de renvoi par l'arrêt de cassation, comme elle l'avait été devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse dont l'arrêt a été cassé, et la personne mise en accusation se trouvant détenue en vertu du mandat de dépôt du 17 janvier 1998, ainsi que le constate la décision attaquée, les dispositions de l'article 145-2 du Code de procédure pénale sur les modalités de la prolongation des effets du titre de détention initial étaient nécessairement applicables et la chambre de l'instruction n'a pu, sans méconnaître ce texte, décider que la détention provisoire ne saurait être considérée comme irrégulière au motif qu'elle n'a pas été renouvelée le 16 juillet 2001 ;
"alors que, d'autre part, aux termes de l'article 145-2, deuxième alinéa, du Code de procédure pénale, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà de quatre ans ;
que, dès lors, l'ordonnance de prise de corps se trouvant suspendue du fait de l'appel dont est saisie la juridiction de renvoi par l'arrêt de cassation, comme elle l'avait été devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse dont l'arrêt a été cassé, et la personne mise en accusation se trouvant détenue en vertu du mandat de dépôt du 17 janvier 1998, ainsi que le constate la décision attaquée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte précité en décidant que les dispositions qu'il prévoit en ce qui concerne la durée de la détention provisoire ne sont pas applicables en l'espèce ;
"alors, qu'aux termes de l'article 145-3 du Code de procédure pénale, lorsque la détention provisoire excède un an en matière criminelle, ce qui est le cas, les décisions ordonnant sa prolongation ou rejetant les demandes de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt attaqué, qui ne précisent pas le délai prévisible d'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Germain X..., détenu depuis le 17 janvier 1998, a été renvoyé devant la cour d'assises du Tarn-et-Garonne, sous l'accusation d'assassinat et séquestration suivie de la mort de la victime, par ordonnance du juge d'instruction, en date du 2 juillet 2001, ayant également ordonné prise de corps contre l'accusé ; que, statuant sur l'appel de celui-ci, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, par arrêt du 31 octobre 2001, a prononcé sa mise en accusation des mêmes chefs, devant la même juridiction de jugement, et a elle-même décerné à son encontre une ordonnance de prise de corps ;
que ledit arrêt a été cassé par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 20 février 2002, qui a ordonné le renvoi de l'affaire devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen ; que Germain X... a saisi cette juridiction de demandes de mise en liberté, les 21, 22, 26, 28, 29 mars et 2 avril 2002 ;
Attendu que, pour rejeter ces demandes, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen du mémoire ampliatif ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite d'un motif erroné mais non déterminant relatif au titre de détention de l'intéressé, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, d'une part, selon les dispositions des articles 215-2 et 367 du Code de procédure pénale, lorsque l'accusé est détenu au moment où est rendue l'ordonnance de mise en accusation, l'ordonnance de prise de corps se substitue au titre de détention, ses effets se prolongeant jusqu'au jugement définitif des faits dans le délai prévu par la loi ;
Que, d'autre part, et dès lors que le demandeur avait été mis en examen pour plusieurs crimes mentionnés au livre Il du Code pénal, la durée maximale de sa détention provisoire jusqu'à l'ordonnance de règlement pouvait atteindre 4 ans, conformément aux prescriptions de l'article 145-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale, l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 février 2002 étant sans effet sur la durée de la détention régulièrement accomplie jusqu'à ladite ordonnance ;
Que, de troisième part, lorsque les juges sont saisis d'une demande de mise en liberté formée par une personne détenue en vertu d'une ordonnance de prise de corps, sur le fondement de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, ils n'ont pas à se prononcer par référence aux dispositions de l'article 145-3 dudit Code ;
Qu'enfin, le demandeur ne saurait être admis à critiquer les motifs pour lesquels la chambre de l'instruction a estimé que la durée de la détention provisoire n'excédait pas le délai raisonnable prévu par les articles 144-1 du Code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, une telle appréciation échappant au contrôle de la Cour de Cassation ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;