AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ANGERS, en date du 27 mars 2002, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 juin 2002 où étaient présents : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Marin ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 138, 140, 206, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mainlevée du contrôle judiciaire du demandeur, interdit d'exercice de sa profession de médecin depuis le 6 juin 2000 ;
"aux motifs que, Daniel X... a été placé sous contrôle judiciaire le 6 juin 2000 avec, notamment, pour obligation, de ne pas exercer son activité de médecin, activité au cours de laquelle les infractions reprochées auraient été commises ; que, trois fois déjà, les 28 mars, 7 avril et 28 novembre 2001, cette chambre a maintenu cette interdiction ; que les 18 octobre et 27 novembre 2001 et le 13 février 2002, Me Chaigne a, de nouveau, sollicité la mainlevée totale du contrôle judiciaire imposé à son client ; que les agressions sexuelles qui sont reprochées à ce dernier sont, ainsi qu'il a déjà été indiqué, dénoncées par de nombreux patients dont les déclarations présentent des similitudes quant aux circonstances et constituent, en l'état actuel de la procédure, autant de charges contre lui, et ce, nonobstant la décision de rejet des plaintes de Jean-Jacques Y... et de Christian Z... prises le 6 février 2002 par la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins, laquelle répond à d'autres règles et ne saurait avoir d'influence dans la procédure pénale en cours ; que ces agressions sont, en effet, multiples et témoignent d'un caractère répétitif, sur une période particulièrement longue, ce qui fait craindre leur renouvellement, notamment à l'encontre de patients vulnérables ; qu'au regard de ces éléments, le maintien de l'interdiction d'exercer la profession de médecin et des obligations annexes, substitut minimum à une mesure de détention, parfaitement envisageable dans le cadre d'une affaire de viols aggravés, demeure indispensable, tant pour éviter le renouvellement des faits que pour assurer la sauvegarde d'un ordre public vivement troublé par la révélation d'actes de cette nature, étant précisé que la confrontation de Jean-Jacques Y... et de Daniel X... a déjà eu lieu chez le juge d'instruction ; (arrêt n° 90 p. 5 et 6) ;
1 ) "alors que, d'une part, est dénué de motifs et ne répond pas aux articulations du mémoire du demandeur, l'arrêt qui refuse de lever une interdiction professionnelle en se bornant à reproduire les motifs de précédents arrêts de rejet sans autre égard pour l'évolution de l'instruction et de la situation du demandeur ;
qu'en particulier, la décision disciplinaire entièrement favorable au docteur X..., injustement dénoncé par des tiers, méritait de la part de la chambre de l'instruction, une analyse circonstanciée, dès lors que les faits à l'origine de l'une et l'autre procédure, étaient les mêmes ;
2 ) "alors que, d'autre part, passé un certain délai, les exigences de la présomption d'innocence commandent de lever les mesures de contrainte pesant sur la personne mise en examen ; qu'à l'issue d'un délai d'un an (20 mois en l'espèce), l'interdiction professionnelle d'un médecin pour des faits de nature sexuelle procédant de dénonciations critiquées ne se justifie plus, dès lors que les charges initiales articulées à son endroit n'ont pas été sensiblement renforcées durant l'instruction et que celle-ci n'a pas avancé en l'état, en particulier, des refus systématiquement opposés aux demandes d'actes (17 demandes) formulées par la défense" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Daniel X..., médecin, mis en examen pour des viols et agressions sexuelles aggravés commis sur plusieurs de ses patients, a été placé sous contrôle judiciaire l'astreignant, notamment, à ne pas exercer d'activités médicales ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la demande de mainlevée du contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué relève que les faits reprochés sont dénoncés par de nombreux patients dont les déclarations présentent des similitudes quant aux circonstances et constituent, en l'état actuel de la procédure, autant de charges contre la personne mise en examen ; que les juges ajoutent que le caractère répétitif des agressions, commises sur une longue période, laisse craindre leur renouvellement ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a caractérisé tant le lien entre la profession de la personne mise en examen et les infractions reprochées que le risque de renouvellement de celles-ci, justifiant ainsi sa décision au regard des exigences des articles 137 et 138 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille deux ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;