AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Moussa B..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 1999 par la cour d'appel de Douai (1re chambre), au profit :
1 / de M. Jean I...,
2 / de Mme Marie-José J..., épouse I...,
demeurant ensemble ...,
3 / de M. Damien C...,
4 / de Mme Valérie X..., épouse C...,
demeurant ensemble ...,
5 / de M. Jean-Marie G...,
6 / de Mme Claudine D..., épouse G...,
demeurant ensemble ...,
7 / de M. Pierre Z...,
8 / de Mme Z...,
9 / de Mme Lucette F..., épouse Y...,
demeurant tous trois ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 mai 2002, où étaient présents : M. Weber, président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, M. Toitot, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, Assié, conseillers, MM. Betoulle, Jacques, conseillers référendaires, M. Cédras, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de Me Jacoupy, avocat de M. B..., de Me Blanc, avocat des époux I..., les conclusions de M. Cédras, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs adoptés, énoncé, à bon droit, qu'il pouvait être suppléé par témoins ou présomptions à l'insuffisance des actes invoqués comme titres de la servitude de passage lorsqu'il existait un commencement de preuve par écrit et, appréciant les éléments de preuve soumis à son examen, constaté que les titres relatifs à la parcelle devenue la propriété des époux I..., soit ne faisaient aucune référence à une servitude, soit, s'agissant des actes de cession du 11 octobre 1937 et de juin-juillet 1976, opéraient simplement une distinction entre la contenance utile et la contenance totale comprenant le sol d'un passage ou comportaient la mention d'un chemin en servitude de passage mais sans indication du fonds bénéficiaire, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement que l'utilisation du chemin litigieux procédait d'une tolérance entre propriétaires liés par un intérêt commun et que les pièces du dossier ne démontraient pas l'existence d'une servitude conventionnelle de passage au profit du fonds de M. B... ;
Et sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que M. B... s'étant borné, dans ses conclusions d'appel, à contester le caractère volontaire, de la part de ses auteurs, de l'enclavement des parcelles constituant son fonds, sans formuler aucune prétention sur le fondement de l'article 684 du Code civil, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant, irrecevable ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'enclavement des parcelles acquises par M. B... résultait non seulement de la suppression du passage piétonnier permettant d'accéder depuis la rue Coli aux bâtiments situés sur la parcelle AP 186, mais aussi de la division, suivie d'une cession, en 1972, de la parcelle AP 184 qui appartenait à la société A... sans qu'une servitude de passage fût convenue, et de la division par les consorts A..., en 1979, de la parcelle AP 185, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 162-1 du Code rural ;
Attendu que les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation ; qu'ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés ; que l'usage de ces chemins peut être interdit au public ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 juin 1999) que M. B..., adjudicataire d'un immeuble à usage d'atelier et de terrains en dépendant, provenant de la société Agencement et décoration A... (société A...), cadastrés AP 186, 231 et 344 sur le territoire de la commune de Wasquehal, et reliés à la voie publique par un passage, dénommé chemin de l'Allumette, situé sur une parcelle cadastrée AP 237, propriété des époux I..., a assigné ceux-ci en revendication d'un droit de passage sur ledit chemin ; que les époux I... ont assigné les consorts H..., F... et Z..., propriétaires d'immeubles voisins, issus de la division de parcelles ayant appartenu aux consorts A... ou à la société A... ; que les instances ont été jointes ;
Attendu que pour débouter M. B... de sa demande en reconnaissance de l'existence d'un chemin d'exploitation, l'arrêt retient que le chemin de l'Allumette était en réalité devenu une voie reliant deux voies publiques entre elles (les rues Louis E... et Coli) et qu'il ne s'agissait donc plus d'un chemin qui servait exclusivement à l'exploitation ou à la desserte des fonds riverains, condition qui est nécessaire pour pouvoir qualifier un chemin de chemin d'exploitation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la destination du chemin de l'Allumette, dont elle avait constaté l'existence, n'eût été de nature à exclure la qualification de chemin d'exploitation que dans la mesure où les riverains avaient perdu le droit d'interdire au public l'usage dudit chemin, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. B... de sa revendication fondée sur l'existence d'un chemin d'exploitation, l'arrêt rendu le 28 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne, ensemble, les époux I..., C..., G... et les consorts Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux I... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille deux.