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18/06/2002 | FRANCE | N°01-86539

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 juin 2002, 01-86539


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 11 septembre 2001, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19, 222-20, 222-44, 222-46 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a déclaré Philippe X... coupable de blessures involontaires avec incapacité de plus de

trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 11 septembre 2001, qui, pour blessures involontaires, l'a condamné à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19, 222-20, 222-44, 222-46 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a déclaré Philippe X... coupable de blessures involontaires avec incapacité de plus de trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence et de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ;
" aux motifs que, le soir de cette fête de la Saint-Jean, il avait été convenu que la fanfare effectuerait un défilé selon le trajet déterminé par la municipalité de Bonvillers et que celle-ci composée de 18 personnes en tenue blanche, se déplacerait par rang de trois, suivie des familles et des spectateurs ; que l'ouverture de la route devait être faite par Jean-Marie Y..., conseiller municipal qui devait précéder la fanfare de plusieurs dizaines de mètres et qui était chargé de faire la circulation et de faire éventuellement ralentir les véhicules ; que ce faisant, voyant survenir la Peugeot 205, Jean-Marie Y... avait fait des signes importants au conducteur pour qu'il s'arrête, en vain ; que cependant cette mise en place s'avérait insuffisante pour permettre à Philippe X... d'éluder sa responsabilité pénale ; qu'en effet, elle s'avérait inadaptée en raison de la nuit qui commençait à tomber et de la présence de jeunes fillettes dans la fanfare qui restaient mal protégées face à l'arrivée rapide d'un véhicule ; qu'aucune signalétique n'avait été prévue, ni de déviation pour éviter que les véhicules, ne serait-ce que pendant une heure, ne puisse traverser cet axe central de Bonvillers ; qu'en l'occurrence, Philippe X... n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait pour éviter le drame et il a manqué ainsi à une obligation de sécurité prévue par la loi au sens de l'article 121-3 du Code pénal, puisqu'il n'a manifestement pas pris les mesures propres à éviter l'accident et qu'ainsi il a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer étant maire depuis une trentaine d'années de la commune et né en 1938 ; que, dans ces conditions, la déclaration de culpabilité sera maintenue ainsi que la peine d'amende (de 10 000 francs) qui tient compte de la respectabilité de cet élu depuis plus de trente ans, qui n'a pas d'antécédent judiciaire et qui est retraité ; qu'il doit être noté que Philippe X..., profondément meurtri de l'accident, a donné sa démission de maire au préfet de l'Oise qui a refusé celle-ci ;
" 1o alors que, la responsabilité pénale de l'auteur indirect du dommage ne peut être engagée que s'il est établi qu'il a, en toute connaissance de cause, exposé autrui à un risque d'une particulière gravité ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que Philippe X... ne pouvait ignorer le risque qui s'est réalisé étant maire de la commune de Bonvillers depuis une trentaine d'années ; qu'en se limitant ainsi à relever l'ancienneté des fonctions de Philippe X..., sans procéder, comme cela lui était demandé, à une analyse concrète des faits de l'espèce en recherchant si lorsqu'il avait pris les mesures propres à assurer la sécurité, Philippe X... avait conscience qu'il exposait les manifestants au risque de voir surgir un véhicule à plus de 100 km/ h circulant avec trois pneus lisses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2o alors que, le manquement à une obligation de sécurité s'apprécie au regard des diligences normales compte tenu de la nature de sa mission ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont disposait le prévenu ; que la cour d'appel a relevé que l'auteur direct de l'accident, Mathieu Z..., en dépit des avertissements prodigués la veille par le conseiller municipal chargé d'assurer la circulation à l'avant du cortège, lorsqu'il est entré dans le village " roulait à grande vitesse avec trois pneumatiques lisses " ; qu'en reprochant ainsi à Philippe X... de ne pas avoir pris des mesures visant à éviter le risque qui s'est réalisé, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les diligences qui auraient permis d'éviter ce risque manifestement imprévisible, n'excédaient pas les diligences normales attendues d'un garant de la sécurité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 121-3 et 222-19 du Code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un véhicule automobile circulant à une vitesse excessive et équipé de pneumatiques lisses a heurté et blessé deux enfants qui suivaient le défilé de la fanfare municipale dans une rue de l'agglomération de Bonvillers ;
Attendu que, pour déclarer Philippe X..., maire de Bonvillers, coupable de blessures involontaires, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que seul un conseiller municipal se trouvait en avant du cortège et a vainement fait signe à l'automobiliste pour qu'il s'arrête, alors que le maire aurait dû interdire la circulation pendant la durée du défilé, ou prescrire la mise en place de barrières de sécurité, ou faire précéder la fanfare par un véhicule muni d'un gyrophare, ou encore poster une personne à l'entrée du village ;
Que les juges ajoutent que le prévenu, qui n'a manifestement pas pris les mesures propres à prévenir l'accident, a manqué à une obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement et a commis ainsi une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, étant maire de la commune depuis une trentaine d'années ;
Mais attendu qu'en relevant à la charge du maire un manquement à une obligation de sécurité prévue par la loi, sans préciser la source et la nature de cette obligation et en déduisant de ce manquement prétendu qu'il avait commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, sans rechercher en quoi les diligences du prévenu n'étaient pas normales au regard de l'article 121-3, alinéa 3, du Code pénal, et adaptées aux risques prévisibles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 11 septembre 2001, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-86539
Date de la décision : 18/06/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Article 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000 - Diligences normales et adaptées aux risques prévisibles - Recherche nécessaire.

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Faute caractérisée - Maire - Article 121-3 du Code pénal modifié par la loi du 10 juillet 2000 - Diligences normales et adaptées aux risques prévisibles - Recherche nécessaire

Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel, qui condamne un maire pour blessures involontaires en retenant qu'il s'est borné à placer un conseiller municipal en avant du défilé de la fanfare pour alerter les automobilistes et que l'un d'eux, qui circulait à une vitesse excessive et dont le véhicule était équipé de pneus lisses, a heurté deux enfants, sans rechercher en quoi les diligences du prévenu n'étaient pas normales et adaptées aux risques prévisibles. (1).


Références :

Code pénal 121-3, 222-19 (loi 2000-647 du 10 juillet 2000)

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens (chambre correctionnelle), 11 septembre 2001

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 2002-06-04, Bulletin criminel 2002, n° 127, p. 456 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 jui. 2002, pourvoi n°01-86539, Bull. crim. criminel 2002 N° 138 p. 506
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 138 p. 506

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. L. Davenas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Palisse.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Vincent et Ohl.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.86539
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