AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI et les observations de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Brigitte, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 29 mai 2001, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte pour faux et usage de faux en écriture publique ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1 , du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par le mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 121-5, 313-1 et 441-1 du Code pénal, 800, 802, 851, 1709, 1728, 1729 et 1837 du Code général des impôts, 2, 86, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile de Brigitte Y... ;
"aux motifs que, selon l'article 441-1 du Code pénal, l'écrit argué de faux doit avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que le document litigieux, dont la souscription est obligatoire, ne constitue qu'une affirmation soumise à l'Administration, qui a la faculté d'en vérifier l'exactitude ; qu'au surplus, la souscription d'une déclaration inexacte constitue un délit spécial prévu par l'article 1837 du Code général des impôts, délit dont la commission ne porte directement atteinte qu'aux intérêts du fisc ;
"1 ) alors que les droits de succession sont perçus d'après une déclaration estimative du patrimoine du défunt, dont la souscription, assortie d'une affirmation de sincérité, est obligatoire ;
que commet, dès lors, le délit de faux l'héritier qui établit une déclaration de succession mensongère en vue d'éluder le paiement de l'impôt ou de porter atteinte aux droits des héritiers réservataires ;
"2 ) alors qu'en cas de souscription par un héritier d'une déclaration de succession mensongère, le montant des droits de mutation est majoré d'une pénalité de mauvaise foi et assorti d'un intérêt de retard, au paiement desquels les cohéritiers sont tenus par l'effet de la solidarité fiscale ; que, dès lors, le délit de déclaration successorale frauduleuse est de nature à causer un préjudice personnel et direct aux héritiers qui ne sont pas les auteurs de cette déclaration ;
"3 ) alors que, sans être tenue par la qualification que la partie civile leur a donné, la chambre de l'instruction doit prononcer sur chacun des faits dénoncés par la plainte dont elle est saisie ;
que, dans sa plainte (page 3, 5), la partie civile faisait valoir que la déclaration successorale mensongère établie par sa mère et sa soeur constituait le support et le fondement juridique d'une procédure de liquidation-partage totalement abusive et constitutive d'une tentative d'escroquerie au jugement ; que la chambre de l'instruction, qui a omis de rechercher si les faits ainsi dénoncés étaient susceptibles d'admettre une qualification pénale, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Et sur le moyen de cassation, proposé par le mémoire complémentaire, pris de la violation des articles 441-1 et 441-4 du Code pénal, 2, 86, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer du chef de faux en écriture publique ou authentique à l'encontre du notaire rédacteur de la déclaration de succession mensongère ;
"aux motifs que, selon l'article 441-1 du Code pénal, l'écrit argué de faux doit avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que le document litigieux, dont la souscription est obligatoire, ne constitue qu'une affirmation soumise à l'Administration, qui a la faculté d'en vérifier l'exactitude ;
"alors que constitue un faux en écriture publique ou authentique, la déclaration de succession établie par un notaire qui y fait sciemment figurer des indications mensongères sur le patrimoine du défunt afin de permettre aux héritiers d'échapper au paiement de tout ou partie des droits de succession ; qu'en effet, ce document, même s'il ne peut valoir, au point de vue de la preuve, que comme un écrit sous seing privé, participe du caractère public de l'officier qui l'a dressé et constitue un acte authentique et public ;
que, dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait pas légalement s'abstenir de rechercher si les indications figurant dans la déclaration de succession rédigée par Me Gasse n'étaient pas mensongères" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Brigitte Y... a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de faux et usage de faux en écriture publique, exposant qu'à la suite du décès de son père, sa mère et sa soeur auraient établi, en l'étude d'un notaire, une déclaration de succession qui ne correspondrait pas à la réalité du patrimoine ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, l'arrêt retient que le document litigieux n'établit pas la preuve d'un droit en ce qu'il ne constitue qu'une affirmation soumise à l'Administration qui a la faculté d'en vérifier l'exactitude, et que la souscription d'une telle déclaration inexacte, à la supposer établie, ne serait constitutive que du délit spécial prévu par l'article 1837 du Code général des impôts dont la commission ne porte directement atteinte qu'aux intérêts de l'administration fiscale ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les faits dénoncés ne sont de nature à recevoir aucune autre qualification pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard de l'article 86 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Brigitte X..., épouse Y..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;