ARRÊT N° 3
Joint les pourvois n°s 00-18.286, 00-19.694 et 00-19.922 ;
Sur le pourvoi n° 00-18.286, donne acte à la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF), à Mme X... et à M. X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Axa assurances, la société Mutuelle assurances de l'éducation et les consorts Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Civ. 2, 9 juillet 1997, pourvois n°s 95-20.799 et 95-22.050), que Pascal X..., âgé de seize ans, accompagné d'un camarade Antar Y..., a, le 8 juillet 1987, mis le feu à la porte d'entrée du bar de la patinoire de la ville d'Annecy pour y commettre un vol et provoqué l'embrasement total du bâtiment ; qu'après l'échec de plusieurs placements, il habitait chez sa mère, Nicole X..., tout en étant suivi par l'Association départementale savoyarde de la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ADSSEA) à laquelle un juge des enfants avait confié la garde de ce mineur ; qu'un jugement du 21 mai 1992, écartant toute faute de l'ADSSEA et retenant la faute de surveillance de Mme X..., assurée par la Garantie mutuelle des fonctionnaires et la Mutuelle universitaire, a débouté la ville et son assureur, le GAN, de leurs demandes dirigées contre l'ADSSEA et son assureur, la MAIF, et condamné solidairement les mineurs et leurs parents à payer plusieurs sommes au GAN et à la ville ; que l'arrêt confirmatif de ce jugement ayant dit en outre n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts a été cassé sur les responsabilités de l'ADSSEA et de Mme X... ; que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement et débouté Mme X..., la GMF, le GAN et la ville d'Annecy, la Mutuelle assurances de l'éducation nationale (MAE) venant aux droits de la Mutuelle universitaire, de leurs demandes dirigées contre l'ADSSEA et la MAIF ;
Sur le second des moyens des pourvois n°s 00-19.694 et 00-19.922, formés par la ville d'Annecy et le GAN :
Attendu que la ville d'Annecy et le GAN font grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable la demande de capitalisation des intérêts par eux présentée, alors, selon le moyen :
1°) que la cassation d'un chef s'étend à ceux qui se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef cassé ; que la cassation intervenue sur une disposition principale de l'arrêt relative aux sommes versées à titre de dommages-intérêts entraîne nécessairement l'annulation de celle accessoire relative à la capitalisation des intérêts portant sur ces sommes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Grenoble, appelée comme juridiction de renvoi à statuer sur la responsabilité de Mme X... et de l'ADSSEA, devait donc également statuer sur la capitalisation des intérêts portant sur les sommes réclamées à titre de réparation par la ville d'Annecy ; qu'en déclarant irrecevable la prétention de la ville d'Annecy tendant à l'obtention de la capitalisation des intérêts au motif que la cassation ne serait intervenue que sur les responsabilités de la mère de Pascal X... et de l'ADSSEA, la cour d'appel a violé l'article 1154 du Code civil et l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) qu'en cas de cassation, l'un des moyens sur lequel la Cour de cassation a décidé " n'y avoir lieu à statuer " doit être considéré comme ayant également été annulé ; qu'en l'espèce, le GAN avait, dans son mémoire ampliatif, soulevé, outre le moyen relatif à la responsabilité de l'ADSSEA, un moyen faisant grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts, de sorte que cette disposition était comprise dans l'annulation prononcée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu qu'en énonçant que, saisie dans la stricte limite des chefs de l'arrêt cassé, c'est à dire les responsabilités de la mère de Pascal X... et de l'ADSSEA, elle ne pouvait statuer sur d'autres chefs, qu'il s'agisse de la responsabilité des parents d'Antar Y... ou du rejet de la demande de capitalisation des intérêts, la cour d'appel a, sans violer les textes visés aux moyens, fait une exacte appréciation de l'étendue de ses pouvoirs, la question des responsabilités encourues n'ayant pas pour effet d'affecter le principe du rejet de la demande de capitalisation des intérêts sur les sommes dues à titre de réparation du préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 00-18.286 et sur le premier moyen des pourvois n° 00-19.694 et 00-19.922, pris en leur première branche :
Vu l'article 1384, alinéa 1er du Code civil ;
Attendu qu'une association chargée par décision d'un juge des enfants d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur demeure, en application du texte susvisé, responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci habite avec ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative ;
Attendu que, pour déclarer Mme X... responsable des conséquences dommageables de l'incendie, l'arrêt retient que l'Association qui avait vu confier la garde du mineur à son service de placement familial et dont les interventions avant sinistre se faisaient au rythme de quatre par mois, n'avait plus du fait de la nature même de la mesure prise, à savoir le retour de Pascal chez sa mère depuis plusieurs mois, l'autorité lui donnant le pouvoir d'organiser à titre permanent le mode de vie du mineur, de le contrôler et de le diriger ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune décision judiciaire n'avait suspendu ou interrompu la mission confiée à l'Association, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen des pourvois n°s 00-19.694 et 00-19.922 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré Mme X..., assurée par la GMF des conséquences dommageables de l'incendie et débouté la ville d'Annecy et le GAN de leurs demandes dirigées contre l'ADSSEA et la MAIF, l'arrêt rendu le 9 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.