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05/06/2002 | FRANCE | N°01-85932

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 juin 2002, 01-85932


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par:

- X... Gérard,

- Y... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 21 m

ars 2001, qui les a condamnés chacun, pour faux en écriture et tentative d'escroquerie, à 6 mois d'...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par:

- X... Gérard,

- Y... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 21 mars 2001, qui les a condamnés chacun, pour faux en écriture et tentative d'escroquerie, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende et qui a prononcé sur la réparation civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 205, 207, 208, 209, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ordonnance de renvoi prononcée par le magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Draguignan ;

"aux motifs qu'après déroulement de la procédure d'information, une ordonnance de non-lieu a été rendue le 12 mai 1997, par M. Assonion, juge d'instruction, la partie civile, en interjetant appel le 16 mai 1997 ; la chambre d'accusation a rendu, le 20 novembre 1997, un arrêt par lequel elle a infirmé l'ordonnance de non-lieu et renvoyé la procédure au juge d'instruction de Draguignan (M. Godron) aux fins de poursuite de l'information ; or, il résulte de la rédaction de l'article 207, alinéa 2, du Code de procédure pénale que, lorsqu'en toute autre matière que la détention provisoire, la chambre d'accusation statue sur un appel relevé contre une ordonnance d'un juge d'instruction et infirme cette ordonnance, elle peut : soit évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale (ordonner un acte d'information complémentaire, une mise en examen..., le supplément d'information ordonné étant confié soit à un membre de la chambre d'accusation, soit à un juge d'instruction délégué par la chambre d'accusation à cette fin), soit renvoyer le dossier au juge d'instruction (dont l'ordonnance est frappée d'appel) ou à tel autre afin de poursuivre l'information ; lorsqu'elle évoque explicitement en le mentionnant dans son dispositif ou implicitement en ordonnant un supplément d'information et en fixant au juge d'instruction désigné sa mission, la chambre d'accusation reste seule compétente pour prendre les décisions de caractère juridictionnel imposées par le déroulement de l'instruction (notamment pour apprécier si l'affaire doit être renvoyée devant une juridiction de jugement) et ce par application de l'article 208 du Code de procédure pénale ; dans l'hypothèse inverse où la chambre d'accusation renvoie le dossier au juge d'instruction (ou à tel autre) pour qu'il poursuive

l'information, elle redonne à celui-ci ses pleines prérogatives, et c'est au juge d'instruction qui n'a pas été dessaisi de ses pouvoirs, y compris juridictionnels, compte tenu de l'absence d'évocation, d'apprécier l'issue de la procédure et de rendre l'ordonnance clôturant l'instruction ; en l'espèce, la chambre d'accusation a expressément, dans le dispositif de son arrêt rendu le 20 novembre 1997, infirmé l'ordonnance de non-lieu et renvoyé la procédure à M. Godron, juge d'instruction de Draguignan, afin qu'il poursuive l'information ; elle n'a donc pas évoqué ni expressément ni implicitement, aucun supplément d'information n'étant ordonné par application des articles 201, 202, 204 ou 205 du Code de procédure pénale et la mission du juge n'étant ni limitée ni précisée ;

en l'absence d'évocation par la chambre d'accusation, le juge d'instruction a donc retrouvé sa plénitude de compétence, en particulier pour rendre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel le 21 octobre 1998 ;

"alors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la chambre d'accusation du 20 novembre 1997 qu'en dépit de la rédaction du dispositif de sa décision, celle-ci n'a pas renvoyé le dossier au juge d'instruction aux fins de règlement de la procédure mais a entendu, contrairement à ce qu'a estimé la cour d'appel, lui confier un supplément d'information dont elle a fixé les limites avec précision ;

qu'en effet, si le dispositif de sa décision est ainsi rédigé :

"infirme l'ordonnance, renvoie la procédure au juge d'instruction de Draguignan (M. Godron) afin qu'elle poursuive l'information", les motifs en sont les suivants : "si les circonstances de rédaction de l'acte litigieux apparaissent, sinon élucidées, du moins susceptibles d'être envisagées, il ne résulte pas de l'information qu'il ait été instruit sur la réalité de la remise des 600 000 francs à François A... par Michel Y... et Gérard X... ; l'ordonnance contestée sera, en conséquence, infirmée et l'information poursuivie en ce sens" et qu'en cet état, la chambre d'accusation est restée compétente pour régler l'affaire, une fois le supplément d'information achevé" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction et de la procédure subséquente, la cour d'appel, qui se prononce par les motifs repris au moyen, a fait une exacte application de l'article 207 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1326 du Code civil, 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... et Gérard X... coupables de faux ;

"aux motifs que la reconnaissance de dette litigieuse a été signée par François A..., le texte en étant rédigé par Gérard X..., une expertise ayant déterminé que le document avait d'abord été signé, le texte débordant sur la signature ; que s'agissant d'un faux intellectuel, il n'est pas démontré que le contenu de la reconnaissance de dette soit sincère et avéré, la preuve d'une remise de 600 000 francs par les prévenus à la partie civile n'étant pas rapportée ; qu'il est, en revanche, établi que l'un des prévenus a rédigé la reconnaissance de dette sur un document préalablement signé (en blanc et avant 1994) par la partie civile et ce, en présence ou avec l'accord de l'autre prévenu et que le document litigieux ne répond pas à toutes les exigences de l'article 1326 du Code civil mais constitue par la réalité de la signature de François A... un commencement de preuve par écrit sérieux ;

"alors que le faux intellectuel n'est constitué qu'autant que le document incriminé constitue un titre au sens de l'article 441-1 du Code pénal et que l'arrêt, qui constatait expressément que la reconnaissance de dette en cause ne répondait pas à toutes les exigences de l'article 1326 du Code civil et, partant, ne constituait pas un titre, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 441-1 du Code pénal, entrer en voie de condamnation à l'encontre des demandeurs du chef de faux ;

"alors que l'altération frauduleuse de la vérité dans un document n'est pénalement punissable qu'autant qu'elle est de nature à causer un préjudice et qu'un document, qui vaut comme simple commencement de preuve par écrit, et qui, par conséquent, à lui seul, s'il n'est, comme en l'espèce, ainsi que cela résulte de la motivation de l'arrêt attaqué, complété par des éléments extrinsèques, n'est susceptible d'avoir aucun effet juridique, ne peut être considéré comme un faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-5 et 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... et Gérard X... coupables de tentative d'escroquerie au jugement ;

"aux motifs qu'en produisant cette reconnaissance de dette - dont il n'est pas démontré que le contenu soit sincère et avéré - en justice à l'appui d'une demande en paiement et dans le cadre d'une procédure de référé, les prévenus ont bien cherché à se procurer un titre pour causer à François A... un préjudice de 600 000 francs, le document litigieux ne répondant certes pas à toutes les exigences de l'article 1326 du Code civil mais constituant, par la réalité de la signature de François A..., un commencement de preuve par écrit sérieux ; que c'est par l'intervention de la partie civile qui a déposé plainte que la démarche des prévenus s'est trouvée bloquée, acte indépendant de leur volonté et que la tentative d'escroquerie au jugement est ainsi constituée ;

"alors qu'un mensonge ne constitue pas une escroquerie ; qu'une reconnaissance de dette irrégulière au regard des dispositions de l'article 1326 du Code civil constitue, éventuellement, un simple mensonge écrit et que la cour d'appel, qui n'a relevé l'existence d'aucune manoeuvre frauduleuse en dehors de la production de la reconnaissance de dette considérée par elle comme mensongère de nature à donner force et crédit à celle-ci, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 313-1 du Code pénal ;

"alors que la tentative d'escroquerie au jugement n'est caractérisée qu'autant que la manoeuvre frauduleuse est susceptible d'être déterminante de l'obtention d'une décision de justice ; que l'arrêt a considéré, d'une part, que la production en justice de la reconnaissance de dette litigieuse constituait une manoeuvre frauduleuse, mais, d'autre part, que cette reconnaissance de dette ne valait que comme commencement de preuve par écrit, c'est-à-dire qu'elle ne pouvait permettre d'obtenir une décision de justice favorable qu'autant qu'elle était confortée par des éléments extrinsèques ; que la cour d'appel n'a aucunement relevé que les demandeurs aient produit devant le juge des éléments de preuve susceptibles de corroborer la reconnaissance de dette versée aux débats par eux ; qu'il en résulte que la production en justice de cette reconnaissance de dette ne pouvait à elle seule être déterminante de l'obtention d'une décision de justice favorable au demandeur et que, dès lors, en entrant en voie de condamnation à leur encontre du chef de tentative d'escroquerie, l'arrêt attaqué a méconnu le principe susvisé" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 441-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... coupable de faux ;

"aux motifs que la reconnaissance de dette litigieuse a été signée par François A..., le texte en étant rédigé par Gérard X... ; qu'il est établi que l'un des prévenus a rédigé la reconnaissance de dette sur un document préalablement signé, et ce, en présence ou avec l'accord de l'autre prévenu et que les deux prévenus ayant été concernés par la rédaction de la reconnaissance de dette et ne contestant pas avoir été l'un et l'autre présents, leur co-action sera retenue pour infraction de faux ;

"alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que la participation à une action délictueuse ne peut résulter que d'un acte positif exécuté volontairement par la personne concernée et que les motifs de l'arrêt d'où il est impossible de savoir si Michel Y... était simplement "présent" lors de la rédaction de la reconnaissance de dette arguée de faux par Gérard X..., présence impliquant une attitude passive ou s'il avait donné son adhésion à la rédaction de cette reconnaissance de dette, prêtant ainsi à son rédacteur le secours de sa volonté, ne permettent pas de caractériser la co-action supposant nécessairement une participation volontaire" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel Y... et Gérard X... ont assigné François A... en paiement d'une somme de 600 000 francs, produisant à l'appui de leur demande une reconnaissance de dette en date du 10 juin 1992 ; que François A... a déposé plainte et s'est constitué partie civile des chefs de faux, usage de faux et escroquerie, s'agissant de la production de ce document en justice ;

Attendu que, pour déclarer constitués les délits de faux et de tentative d'escroquerie, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et procédant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-85932
Date de la décision : 05/06/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 21 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 jui. 2002, pourvoi n°01-85932


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.85932
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