CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la société X... et Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 10 mai 2001, qui, dans l'information suivie contre Z... du chef de vol, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de restitution rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 99, 178, 183, 186, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel de la société X... et Y... à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction en date du 14 juin 1999 ayant ordonné, avec exécution provisoire, la restitution à M. A... d'une tasse et d'une soucoupe provenant du service de Catherine II de Russie ;
" aux motifs que, dans son mémoire du 28 mars 2001, régulièrement déposé, la SNC X... et Y... demande à la Cour de la recevoir en son appel, de réformer l'ordonnance entreprise et d'ordonner le placement sous scellés de la tasse du service de Catherine II de Russie, de rejeter l'ensemble des demandes de A... et, subsidiairement, de dire et juger que A... peut, dans les conditions des articles 2279 et 2280 du Code civil, revendiquer la tasse contre le paiement par la SNC X... et Y... du prix qu'elle a payé pour acquérir cet objet, soit la somme de 100 000 francs ; que l'appel de la requérante a été interjeté postérieurement à l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, laquelle est devenue définitive ; que cet acte dessaisissant le magistrat instructeur comme la chambre de l'instruction, l'appel doit être déclaré irrecevable ;
" alors que le principe général des droits de la défense et le principe du procès équitable, qui englobe celui de l'égalité des armes, imposent que les parties disposent des mêmes droits ; qu'il en est ainsi spécialement de l'exercice des voies de recours ; que ces principes ne sont pas respectés lorsque seules certaines parties ont été mises en mesure d'exercer une voie de recours et que celle-ci est refusée à une autre partie, à l'encontre d'une décision préjudiciant à ses intérêts ; que l'omission de la formalité de la notification à l'une des deux parties civiles d'une ordonnance du juge d'instruction ordonnant la restitution à l'une d'entre elles d'objets, dont la propriété est contestée, avec exécution provisoire, constitue une violation des droits essentiels de la défense, et a pour conséquence que le délai d'appel contre cette décision ne court pas ; que l'ordonnance de renvoi du prévenu devant la juridiction correctionnelle, intervenue entre-temps, ne saurait avoir pour effet de priver la partie concernée de son droit d'appel devant la seule juridiction compétente pour infirmer la décision entreprise, à l'encontre d'une décision préjudiciant à ses intérêts et, en outre, revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'en privant celle-ci d'un droit de recours qui lui est reconnu par la loi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a excédé ses pouvoirs et violé les principes et les textes susvisés " ;
Vu les articles 99 et 183 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon l'article 99 du Code de procédure pénale, le recours de toute partie intéressée contre l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction décide de la restitution d'objets placés sous main de justice, est porté devant la chambre de l'instruction ;
Attendu que seule la notification faite conformément à l'article 183 du Code de procédure pénale fait courir le délai d'appel d'une ordonnance rendue par le juge d'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance du 14 juin 1999, le juge d'instruction a décidé de restituer à A..., partie civile, un objet placé sous main de justice dans une information suivie contre Z... du chef de vol ; que, le 2 septembre 1999, il a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel ; que, le 27 avril 2000, la société X... et Y..., également partie civile, à qui l'ordonnance de restitution n'avait pas été notifiée, en a relevé appel ;
Attendu que, pour déclarer cet appel irrecevable, la chambre de l'instruction retient que le recours a été formé postérieurement à l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, laquelle, devenue définitive, a dessaisi le juge d'instruction comme la chambre de l'instruction ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, faute de notification, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir, et que seule la chambre de l'instruction était compétente pour connaître de ce recours, les juges ont méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 10 mai 2001 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.