Sur les premier et deuxième moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 7 juillet 2000), statuant sur renvoi après cassation (Civ. 3, 30 juin 1998, n° 1146 D), que, par arrêté du 22 août 1968, le projet d'acquisition de divers terrains situés à Saint-Pierre de la Réunion a été déclaré d'utilité publique ; que le juge de l'expropriation de la Réunion a rendu, le 11 décembre 1968, une ordonnance d'expropriation déclarant expropriée la parcelle 5 B, comme appartenant à M. Vadivel X..., au profit de la Société immobilière du département de la Réunion (SIDR) ; que M. Vadivel X..., qui n'avait pas été indemnisé, a assigné la SIDR et la commune de Saint-Pierre de la Réunion en paiement d'indemnités de dépossession et de privation de jouissance ; que sont intervenus à l'instance M. John X..., Mmes Alice, Huguette et Marie X..., venant aux droits de M. Vadivel X... ;
Attendu que M. John X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de dépossession, alors, selon le moyen :
1° que le juge de l'expropriation est incompétent pour statuer sur l'indemnisation en cas d'emprise irrégulière, en sorte que le juge de droit commun est seul compétent pour fixer l'indemnité réparant le préjudice résultant de la prise de possession irrégulière par l'expropriant, c'est-à-dire l'indemnité de dépossession ; d'où il suit qu'en invoquant la situation d'emprise irrégulière pour s'estimer incompétente pour connaître de la demande en fixation de l'indemnité de dépossession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
2° que ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations et viole ainsi l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique la cour d'appel qui retient que la victime d'une emprise irrégulière, résultant de la dépossession du bien exproprié avant paiement ou consignation de l'indemnité d'expropriation, ne peut demander au juge du droit commun que la réparation d'un préjudice " autre que celui déjà indemnisé par la juridiction d'expropriation ", tout en constatant précisément qu'aucun préjudice quelconque n'a déjà été indemnisé par la juridiction d'expropriation ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Vadivel X... était propriétaire de la parcelle 5 B dont la propriété avait été transférée à la SIDR par ordonnance d'expropriation du 11 décembre 1968, que la prise de possession par l'expropriant de la parcelle litigieuse sans paiement d'indemnité constituait une emprise irrégulière et non une voie de fait, la cour d'appel, qui a débouté M. John X... de sa demande en paiement d'une indemnité de dépossession en retenant que seul le juge de l'expropriation était compétent pour fixer ladite indemnité, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. John X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en fixation d'indemnité pour privation de jouissance, alors, selon le moyen, qu'en cas de dépossession irrégulière d'un bien antérieurement exproprié, et dans le cas où aucune indemnité d'expropriation n'a été payée, la privation de jouissance du bien dont son ancien propriétaire a souffert depuis la dépossession est un préjudice distinct de la privation de la plus-value sur la valeur vénale du bien exproprié, laquelle est réparée par l'allocation d'intérêts au taux légal, le cas échéant capitalisés, sur l'indemnité d'expropriation fixée par le juge de l'expropriation ; en sorte qu'en statuant par les motifs critiqués au moyen, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, qu'en cas de prise de possession irrégulière par l'expropriant du bien, objet de l'emprise, le propriétaire exproprié pouvait demander au juge de droit commun réparation d'un préjudice autre que celui indemnisable par la juridiction d'expropriation dont il lui appartenait de rapporter la preuve, la cour d'appel qui, ayant retenu que M. John X... n'avait pas rapporté la preuve d'un préjudice distinct, s'étant borné à réclamer le paiement d'intérêts sur l'indemnité de dépossession, a rejeté sa demande, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.