La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2002 | FRANCE | N°00-13917

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 mars 2002, 00-13917


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 14 janvier 2000), que le journal A... a publié, dans ses numéros datés des 21, 22 et 23 janvier 1997, une enquête de M. Z... intitulée : " La mémoire de l'eau ", en trois épisodes, " 1. Du rêve au soupçon ", " 2. Le temps des passions ", " 3. Une vérité hautement diluée " ; que ces articles, annoncés en première page du 21 janvier 1997 par un article intitulé " Un roman-feuilleton chez les scientifiques - l'affaire de la mémoire de l'eau ", tendaient à faire le point sur les travaux de M. X... à l'I

nstitut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et s...

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 14 janvier 2000), que le journal A... a publié, dans ses numéros datés des 21, 22 et 23 janvier 1997, une enquête de M. Z... intitulée : " La mémoire de l'eau ", en trois épisodes, " 1. Du rêve au soupçon ", " 2. Le temps des passions ", " 3. Une vérité hautement diluée " ; que ces articles, annoncés en première page du 21 janvier 1997 par un article intitulé " Un roman-feuilleton chez les scientifiques - l'affaire de la mémoire de l'eau ", tendaient à faire le point sur les travaux de M. X... à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et sur la polémique née au sein de la communauté scientifique au sujet de sa découverte ; que le dernier article comportait notamment le passage suivant, relatant les propos de M. Y..., prix Nobel de médecine : " Rien de ce qui a été annoncé après ne m'a fait changer d'opinion. En Israël, il fallait toujours la présence de sa technicienne (le docteur A...) pour que ça marche. C'est le cas typique de la fraude. " Et Y... d'évoquer un scientifique qui abusait le monde en peignant des pattes de crapaud. " Le gars s'est suicidé " ajoute-t-il. " En biologie courante, ce qui n'est pas reproductible n'existe pas. La courbe que m'a montrée X... dénotait un personnage incroyable " ;
Que s'estimant diffamé par cette mise en cause, M. X... a fait assigner devant le tribunal de grande instance, par acte d'huissier de justice du 18 avril 1997, M. Y..., en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; que l'assignation, comportant élection de domicile, a été notifiée au ministère public le 7 juillet 1997 ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la nullité de l'assignation introductive d'instance, en application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, alors, selon le moyen :
1° qu'après avoir précisé les propos attentatoires à l'honneur et à la considération du demandeur qu'il était reproché à M. Y... d'avoir tenus publiquement, l'assignation, ainsi que la cour d'appel l'a énoncé, les a dûment qualifiés de diffamation au sens des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, avant de se borner à demander au tribunal, dans son dispositif, de dire que M. Y... a tenu dans le journal A... du 23 janvier 1997 des propos diffamatoires qui ont causé un préjudice très important à M. X... en conséquence condamner M. Y... à verser à M. X... une somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'en affirmant au contraire que le dispositif de l'assignation, qui demandait au tribunal de constater la diffamation commise par M. Y..., ne faisait exclusivement référence qu'au seul principe de responsabilité civile exprimé par l'article 1382 du Code civil, la cour d'appel a dénaturé l'assignation en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que les mentions susvisées du dispositif de l'assignation signifiée à M. Y..., précisant que les dommages-intérêts auxquels il devait être condamné étaient dus en application de l'article 1382 du Code civil, ne sont pas contraires aux exigences prescrites par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la diffamation que l'assignation reprochait au défendeur d'avoir commise sous le visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, engageait en effet la responsabilité civile de M. Y... et l'obligeait à répondre à l'égard du plaignant et en vertu de l'article 1382 du Code civil, des préjudices causés à M. X... qui en revanche n'invoquait à l'encontre de M. Y... aucune faute civile indépendante du délit pénal, qui servait ainsi de base à la poursuite ; qu'en décidant néanmoins que la mention susvisée de l'article 1382 du Code civil entachait de nullité l'assignation, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
3° que la nullité de l'acte introductif d'instance ne peut être prononcée que s'il ne qualifie pas les propos dénoncés, ou encore les poursuit sous des qualifications distinctes et incompatibles entre elles, que ce soit de manière cumulative ou alternative, l'ambiguïté de l'acte mettant le défendeur dans l'incertitude du choix de ses moyens de défense ; que tel n'est pas le cas d'une citation qui cite les propos dénoncés, leur donne une qualification unique et se borne à viser l'article 1382 du Code Civil en ce qui concerne la réparation ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Mais attendu que les abus de la liberté d'expression prévus par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que l'assignation délivrée à la requête du plaignant doit non seulement préciser et qualifier le fait invoqué, mais encore indiquer le texte de cette loi qui édicte la peine applicable aux faits entrant dans la définition d'une infraction de presse, tels qu'ils sont qualifiés ;
Et attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les exigences de l'article 53 répondent à la nécessité pour le défendeur de connaître sans équivoque, dès la lecture de l'assignation, l'objet de l'incrimination et la nature des moyens de défense qu'il peut y opposer dans les conditions strictement définies par la loi ; que le demandeur ne peut, à peine de nullité de son acte introductif d'instance et donc de son assignation, recourir à des qualifications cumulatives des propos incriminés ; qu'il ne peut donc pas invoquer, tout à la fois et à titre principal, les dispositions spéciales de la loi sur la presse et l'article 1382 du Code civil relatif au droit commun de la responsabilité civile ; que, dans son assignation, après avoir articulé les passages de l'article qu'il estimait diffamatoires au sens des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, M. X... a visé exclusivement dans son dispositif, les dispositions de l'article 1382 du Code civil en demandant au tribunal de " en conséquence, condamner M. Y... à verser à M. X... une somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil " ; qu'ainsi, le demandeur a entretenu une équivoque sur le fondement juridique précis de ses demandes et une ambiguïté sur la qualification des faits incriminés, plaçant le défendeur dans l'impossibilité de savoir s'il devait organiser sa défense au regard des dispositions de la loi sur la presse, dans les formes et délais imposés par elle, ou s'il devait se placer dans le cadre de la responsabilité de droit commun, de sorte que M. X... a porté atteinte tant à l'égalité des parties dans le procès qu'aux droits de la défense ;
Qu'en déduisant de ces constatations et énonciations que l'acte introductif d'instance était nul, la cour d'appel a, sans dénaturation, fait l'exacte application de l'article 53 précité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 00-13917
Date de la décision : 14/03/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Liberté d'expression - Abus - Poursuites - Fondement juridique.

PRESSE - Diffamation et injures - Action civile - Assignation - Mentions obligatoires - Texte de loi applicable - Indication de la peine encourue - Nécessité.

1° Les abus de la liberté d'expression prévus par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que l'assignation délivrée à la requête du plaignant doit non seulement préciser et qualifier le fait invoqué, mais encore indiquer le texte de cette loi qui édicte la peine applicable aux faits entrant dans la définition d'une infraction de presse, tels qu'ils sont qualifiés.

2° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Action civile - Assignation - Articulation de propos diffamatoires - Visa du seul article 1382 du Code civil - Portée.

2° Fait une exacte application de l'article 53 de la loi sur la presse, la cour d'appel qui déduit la nullité de l'acte introductif d'instance de ce que le demandeur, après avoir articulé les passages d'un article qu'il estimait diffamatoires au sens des articles 29 et 32 de la même loi, a exclusivement visé dans le dispositif de son assignation les dispositions de l'article 1382 du Code civil, entretenant ainsi une équivoque sur le fondement juridique précis de ses demandes et une ambiguïté sur la qualification des faits incriminés.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code civil 1382
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 32
Loi du 29 juillet 1881 art. 53

Décision attaquée : DECISION (type)

MEMES ESPECES : 2002-03-14 Rejet 00-13.918 M. X... c/ M. Y... 2002-03-14 Rejet 00-13.919 M. X... c/ M. Y... A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 2, 2000-10-26, Bulletin 2000, II, n° 147 (2), p. 104 (cassation sans renvoi)

arrêt cité. Chambre civile 2, 2001-11-29, Bulletin 2001, II, n° 176, p. 122 (cassation sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 mar. 2002, pourvoi n°00-13917, Bull. civ. 2002 II N° 45 p. 38
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 II N° 45 p. 38

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Ancel .
Avocat général : Avocat général : M. Joinet.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.13917
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award