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05/03/2002 | FRANCE | N°01-82285

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 mars 2002, 01-82285


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mars deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Martine, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AI

X-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 19 février 2001, qui l'a déboutée de ses demand...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mars deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Martine, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 19 février 2001, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Luc A... du chef de non-respect de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 119 du traité de Rome, 4.1 de la directive n° 97/80/CE du 15 décembre 1997, L. 140-2, L. 140-8, L. 154-1, L. 152-1-1 et L. 152-1-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Luc A... du chef de non-respect de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes et débouté Martine Y... de sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que le rapport établi par Jean-Louis X..., expert désigné par la juridiction prud'homale, inscrit sur la liste de la cour d'appel de Toulouse dans la rubrique "automobile et mécanique automobile" établit suffisamment que la différence de sa rémunération constatée par l'inspecteur du travail est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination sur le sexe ;

"qu'il appartient seulement aux juges répressifs d'apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties ; que le rapport établit suffisamment que la différence de rémunération constatée par l'inspecteur du travail est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 4.1 de la directive européenne du 15 décembre 1997, dont les dispositions doivent être mises en oeuvre par les Etats membres au plus tard le 1er janvier 2001, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ;

qu'il appartient en conséquence au seul juge pénal d'apprécier s'il existe des éléments permettant de renverser la présomption de discrimination sexiste et d'établir que la différence de rémunération était justifiée par des critères objectifs ; que, dès lors, en l'espèce, la cour d'appel qui s'est exclusivement fondée sur les constatations et appréciations du rapport d'expertise, sans rechercher et apprécier par elle-même s'il existait des éléments objectifs permettant de justifier la différence de traitement, a privé sa décision de motif et violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 140-2 du Code du travail, tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ;

que sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités ou de charges physique ou nerveuse ;

qu'il appartient aux juges du fond d'examiner l'ensemble des critères énoncés par la loi pour comparer deux postes de travail au regard de leur égalité de valeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la "charge de travail" et les "moindres responsabilités" tels que retenues par le rapport d'expertise ne sont que deux des éléments de comparaison prévus par l'article L. 140-2 du Code du travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, de troisième part, que la charge de travail et le degré de responsabilités d'un chef de ventes ne résultent pas nécessairement du chiffre d'affaires et/ou du nombre de magasins à visiter ; qu'au contraire, en l'espèce, comme Martine Y... le faisait valoir dans ses écritures, il ressort du rapport de l'Inspection du travail, de l'attestation du collègue de la salariée, M. Z..., et des notes de service adressées à l'ensemble des chefs de ventes que la salariée accomplissait, avec un coefficient identique, une même qualification et une ancienneté comparable, le même travail que ses collègues ; qu'en effet, si le nombre de magasins attribués dépendait du secteur confié au chef de ventes (plus la densité de population est importante, plus le nombre d'hypermarchés est important) en sorte que le chiffre d'affaires réalisé par tel ou tel chef de ventes était nécessairement différent, la charge du travail et les fonctions étaient néanmoins les mêmes puisque les magasins n'étaient pas tous visités avec la même fréquence et que la salariée, à l'instar de ses collègues masculins, participait à la négociation avec les centrales d'achat ; que, dès lors, en omettant de se prononcer sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, de quatrième part, que, dans son rapport, l'Inspecteur du travail avait souligné que, si l'employeur alléguait des différences de fonctions, ce n'était pas les fonctions qui déterminaient le salaire, certains salariés "ayant des salaires identiques avec des fonctions différentes" ; qu'en omettant de prononcer sur ce point, la cour d'appel a derechef privé sa décision de toute base légale ;

"alors, de cinquième part, que, comme le salarié le faisait valoir dans ses écritures, dès lors que la rémunération n'est pas fixée en fonction du chiffre d'affaires dégagé ou d'objectifs déterminés, mais est forfaitaire, l'employeur ne peut se fonder, même indirectement, sur le chiffre d'affaires du secteur de l'intéressée pour justifier la différence de rémunération entre la salariée et ses collègues de sexe masculin ; qu'en affirmant au contraire que le rapport de l'expert établissait suffisamment que la différence de rémunération était justifiée par des critères objectifs résultant notamment de la différence dans les chiffres d'affaires réalisés par les salariés sur leur secteur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"alors, enfin, que le principe de rémunération suppose que les éléments composant la rémunération et les bases de calcul soient les mêmes pour tous ; que la cour d'appel a constaté que, selon le rapport de l'expert, le ratio entre le salaire annuel de Martine Y... et son chiffre d'affaires ainsi que le nombre de magasins à visiter lui était favorable, par comparaison avec ses collègues masculins ; qu'il s'ensuit qu'il n'existait pas de corrélation entre ces données et le montant de la rémunération, en sorte que celles-ci ne pouvaient constituer les éléments objectifs de nature à justifier l'inégalité de rémunération, conformément aux dispositions de l'article L. 140-8 du Code du travail ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, en violation des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite des constatations de l'inspecteur du travail selon lesquelles le salaire de Martine Y..., employée par la société Ravil en qualité de chef des ventes régional, était inférieur à celui de ses collègues de sexe masculin, Luc A..., gérant de la société, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sur le fondement des infractions des articles L.140-2, L.123- 1 et L.152-1-1 du Code du travail ; que Martine Y... s'est constituée partie civile pour demander l' indemnisation de son préjudice ;

Attendu que, pour dire l'infraction non établie et débouter la partie civile de ses prétentions , les juges d'appel, analysant les conclusions du rapport d'expertise versé aux débats, retiennent que, si la rémunération de la plaignante était inférieure à celle des chefs des ventes masculins, l'analyse comparative des tâches fait apparaître des différences notables entre les secteurs de visite attribués à chaque chef des ventes et entre les chiffres d'affaires réalisés sur ces différents secteurs ; qu'ils relèvent notamment que la charge de travail et les responsabilités de Martine Y... étaient moindres ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que le travail de la salariée et celui des chefs des ventes masculins n'étaient pas de valeur égale, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que le moyen, qui revient à remettre en discussion les éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-82285
Date de la décision : 05/03/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 19 février 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 mar. 2002, pourvoi n°01-82285


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.82285
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