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28/02/2002 | FRANCE | N°00-13172

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2002, 00-13172


ARRÊT N° 6

Attendu que M. X..., salarié de la société Everite, spécialisée dans la fabrication de produits en amiante-ciment, de 1947 à 1978, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle à compter du 21 octobre 1991 ; que le 15 novembre 1996, il a saisi la caisse primaire d'assurance maladie en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, puis, le 18 mars 1997, le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que celui-ci, après avoir ordonné la mise en cause des trois compagnies d'assurance susceptibles de garantir la société Everite, a déclar

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ARRÊT N° 6

Attendu que M. X..., salarié de la société Everite, spécialisée dans la fabrication de produits en amiante-ciment, de 1947 à 1978, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle à compter du 21 octobre 1991 ; que le 15 novembre 1996, il a saisi la caisse primaire d'assurance maladie en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, puis, le 18 mars 1997, le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que celui-ci, après avoir ordonné la mise en cause des trois compagnies d'assurance susceptibles de garantir la société Everite, a déclaré l'action prescrite comme engagée plus de deux années après la première constatation médicale de la maladie, et rejeté la demande de mise hors de cause des compagnies d'assurance ; que l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 janvier 2000) a confirmé cette décision, mais, statuant en application des dispositions de l'article 40, paragraphes II à IV, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, a dit que la maladie professionnelle de M. X... était due à la faute inexcusable de son employeur, fixé la majoration de rente au maximum, dit que la victime pouvait demander la réparation de son préjudice personnel et ordonné une expertise médicale ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Everite, pris en ses trois branches : (Publication sans intérêt) ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la société Everite reproche à l'arrêt d'avoir retenu à sa charge l'existence d'une faute inexcusable, alors, selon le deuxième moyen :

1° que l'utilisation de l'amiante n'ayant été interdite qu'à compter du 1er janvier 1997, le simple fait que la victime ait été exposée au risque d'une maladie professionnelle connue et répertoriée à un tableau des maladies professionnelles ne suffit pas à constituer en faute l'employeur qui poursuivait des activités visées audit tableau, de sorte que ne caractérise pas une faute inexcusable et viole les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui déduit du visa de l'amiante au tableau n° 25, d'abord, et au tableau n° 30, ensuite, la conscience que devait avoir ladite société du danger auquel elle soumettait ses ouvriers en poursuivant légalement ses activités classiques de fabrication de produits en amiante-ciment à compter de la parution desdits tableaux ; que de surcroît la conscience du danger par la société Everite est d'autant moins caractérisée par l'arrêt attaqué que la cour d'appel ne reproche en définitive à ladite société que son comportement jusqu'en 1977 (" en omettant de prendre jusqu'en 1977 toutes les dispositions nécessaires pour éviter la mise de ses salariés en contact avec l'amiante "), c'est-à-dire concernant une période où les pouvoirs publics n'avaient pas encore édicté de réglementation protectrice spécifique aux fibres d'amiante ;

2° qu'il résulte tant du décret spécifique n° 77-949 du 17 août 1977, qui réglemente " les parties des locaux et chantiers où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère ", que du tableau n° 30 des maladies professionnelles, qui concerne " les travaux exposant à l'inhalation des poussières d'amiante ", que l'exercice d'activités mettant le personnel en contact avec l'amiante était autorisé à l'époque considérée, de sorte que viole ces textes l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur au motif que celui-ci a mis ses salariés " en contact avec l'amiante " ;

3° qu'en se fondant sur des textes relatifs au traitement des poussières industrielles en général (loi du 12 juin 1893, loi du 26 novembre 1912, décret du 20 novembre 1904, décret du 6 mars 1961), ne caractérise pas légalement le lien de causalité qui aurait existé entre la maladie du salarié et l'imprudence imputée à l'employeur dans le traitement des poussières de l'usine, l'arrêt attaqué qui omet de rechercher et d'indiquer en quoi l'application de ces textes généraux, qui ne comportent aucune norme contrôlable, aurait été de nature à éliminer le risque d'inhalation de fibres microscopiques (de l'ordre de quelques microns) qui sont à l'origine des affections liées à l'amiante et dont l'élimination n'a été organisée que par le décret n° 77-949 du 17 août 1977, premier texte spécifique à la matière et fondé sur des données scientifiques, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;

4° qu'il existe une différence fondamentale entre les poussières industrielles en général visées par l'arrêt attaqué et définies par l'article R. 232-5-1 du Code du travail en fonction de leur " volume aérodynamique " et de leur " vitesse de chute ", dont la concentration, évaluée sur une période de huit heures, peut légalement atteindre 5 milligrammes par mètre cube d'air, et la réglementation spécifique prévue par l'article R. 232-5-5 et le décret du 17 avril 1977 relatif aux mesures particulières applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, qui dispose que la concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, de sorte qu'en refusant de faire application du texte spécifique à la matière pour apprécier la conscience du danger que devait avoir l'employeur, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;

Et alors, selon le troisième moyen,

1° que, retenant la période antérieure au décret de 1977 pour caractériser la faute imputée à la société Everite, viole l'article 5 du Code civil la cour d'appel qui, au lieu de procéder à un examen individuel de chaque affaire, comme l'exige la constatation d'une faute inexcusable, se réfère, dans quinze décisions du même jour, à la même appréciation syncrétique relative, toutes époques confondues, à un empoussièrement massif déduit de quelques témoignages concernant, de manière indéfinie, différentes époques, différents locaux et différentes activités de l'établissement de Bassens, et qui statue par voie de disposition générale, constituant ainsi l'entreprise en état de faute permanente à l'égard de tout le personnel, toutes époques confondues, ne précisant nullement ni la nature des poussières, ni l'exposition du poste occupé par chaque victime ;

2° que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui statue sur le cas de quinze personnes différentes sans même se soucier de vérifier si les témoignages retenus correspondaient aux périodes d'emploi et aux postes de celles-ci ;

3° qu'en l'absence de normes dont l'apparition n'est survenue qu'en 1977 la constatation d'une faute de l'employeur dans le traitement et l'évacuation des poussières prévus par l'article 6 du décret du 10 juillet 13 était subordonnée par le même texte (article 21) à la mise en oeuvre d'une procédure comprenant l'appréciation préalable d'un fonctionnaire compétent, la délivrance d'une mise en demeure de remédier aux insuffisances constatées, l'établissement d'un procès-verbal constatant la carence de l'employeur au terme d'un délai donné, et que, dès lors, en substituant à ce dispositif légal de simples déclarations de témoins recueillies en vue du procès sur des faits se situant entre vingt et cinquante ans auparavant, la cour d'appel a violé ensemble les dispositions précitées, devenues les articles R. 232-12, R. 232-13 et R. 232-14 du Code du travail ;

4° qu'au surplus, inverse indûment la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil, l'arrêt attaqué qui, concernant la preuve d'une prétendue faute inexcusable de l'employeur, dont la charge incombe au demandeur, retient l'existence à cette époque d'un empoussièrement massif dans l'usine au motif que la société Everite n'était pas à même de s'expliquer sur les mesures de lutte contre l'empoussièrement qu'elle avait pu adopter avant 1956 ;

5° que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui :

se contredit en faisant reproche à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre des moyens suffisants pour éliminer les poussières en général et qui, par ailleurs, met en doute l'efficacité desdits moyens pour " mettre l'ouvrier à l'abri du risque sanitaire provoqué par l'amiante ",

se contredit encore dans ses explications, en énonçant tantôt que " ce n'est qu'aux environs de l'année 1977 qu'un travail efficace de dépoussiérage a été mis en oeuvre, tantôt que ce n'est qu'au cours des dernières années de fonctionnement de l'usine fermée en 1987 que les résultats satisfaisants ont pu être enregistrés ",

méconnaît les termes du litige en considérant que les premiers résultats d'analyse de l'air dont se prévaut l'employeur sont de 1983 bien que la société Everite ait fait valoir dans ses conclusions qu'en l'état de la réglementation du 17 août 1977, qui limitait le niveau d'empoussièrement autorisé à un seuil de 2 fibres/cm3, les résultats des contrôles d'atmosphère étaient, selon le comité d'hygiène et de sécurité lui-même, " excellents ", et ceci dès l'entrée en vigueur de la réglementation,

affirme, sans s'expliquer sur les " excellents " résultats des contrôles d'atmosphère susvisés dès l'entrée en vigueur de la réglementation de 1977, que ce n'aurait été qu'à compter de 1983 et au cours des dernières années de fonctionnement de l'usine fermée en 1987 que des résultats d'empoussièrement satisfaisants avaient pu être enregistrés,

méconnaît les termes du litige en retenant qu'il ressortait des " propres écritures de l'employeur " que cela n'avait été qu'aux environs de l'année 1977 qu'un travail efficace de dépoussiérage avait été mis en oeuvre, bien que la société Everite ait longuement fait valoir dans ses conclusions, sur le fondement des rapports annuels des services médicaux du travail et du comité d'hygiène et de sécurité, qu'elle n'avait jamais cessé depuis 1956 de mettre en place et d'améliorer des équipements et des installations destinés à éviter les émissions de poussières et à réaliser le dépoussiérage des postes de travail,

omet de tenir compte, pour l'appréciation du respect par la société Everite de son " obligation de sécurité sanitaire ", du fait qu'il était établi par les rapports annuels et comptes rendus des réunions mensuelles du comité d'hygiène et de sécurité que tout le personnel de l'entreprise avait bénéficié d'un suivi médical complet, assuré tant par le médecin du travail de l'usine que par la caisse régionale d'assurance maladie, à leur embauche et périodiquement tout au long de leur carrière chez Everite ;

6° que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce que les premiers résultats d'analyse de l'air dont se prévalait la société Everite étaient de 1983, en dénaturant ainsi les termes clairs et précis du point 44 du " bordereau des pièces communiquées ", lequel visait les " mesures d'empoussièrement, mars 1978 à décembre 1986 " ;

7° que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce que les premiers rapports de la médecine du travail produits par l'employeur étaient de 1976, en dénaturant ainsi les termes clairs et précis du point 20 du " bordereau des pièces communiquées ", lequel visait le " rapport d'activité des services médicaux du travail, 1960 " ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Everite avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;

Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident de la compagnie Mutuelles du Mans Assurances, pris en leurs diverses branches, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la compagnie Axa corporate solutions, pris en ses deux branches :

Attendu que la compagnie Mutuelles du Mans Assurances et la compagnie Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa Global Risks font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui a rejeté leur demande de mise hors de cause, et d'avoir refusé de les mettre hors de cause, alors, selon le premier moyen de la compagnie Mutuelles du Mans Assurances :

1° qu'il n'appartient à aucune juridiction de pouvoir se saisir d'office, pas plus que d'ordonner d'office la mise en cause d'un assureur en dehors des cas où la loi le prévoit expressément et à titre exceptionnel ; que la compagnie Mutuelles du Mans a été mise en cause par le tribunal des affaires de sécurité sociale en vertu d'une décision qui a ordonné d'office son intervention à l'instance ; qu'en confirmant une telle décision, la cour d'appel a entaché sa décision d'excès de pouvoir au regard de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que d'une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2° qu'il appartient au juge, le cas échéant, d'inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ; qu'une telle invitation n'a pas eu lieu en l'espèce où l'intervention du tiers a été décidée d'office, et ce sans que les parties à l'instance aient fait valoir contre ce tiers une quelconque prétention, serait-ce même celle de lui rendre commun le jugement à intervenir ; d'où il suit que la cour d'appel s'est substituée aux parties et par là même a méconnu les droits du tiers forcé à intervenir en violation des articles 332 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;

3° que le tribunal des affaires de sécurité sociale est incompétent ratione materiae pour statuer ou même préjuger de l'obligation de garantie qui pourrait incomber à une compagnie d'assurances privée au titre du contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, le juge du fond était saisi d'un litige relatif à la prétendue faute inexcusable de l'employeur au regard des dispositions du Code de la sécurité sociale ; qu'en déclarant son arrêt commun à une compagnie d'assurances privée, la cour d'appel a par là même entaché sa décision d'incompétence et méconnu les articles 33 du nouveau Code de procédure civile et L. 142-1 du Code de la sécurité sociale ;

Alors, selon le second moyen du pourvoi de la compagnie Mutuelles du Mans :

1° qu'il incombe au juge du fond de motiver sa décision par laquelle il déclare le jugement commun à un tiers ; que le simple visa du texte légal pas plus que la référence à une condamnation de l'employeur ne sauraient par eux-mêmes constituer une motivation de nature à justifier la décision attaquée à l'égard d'un tiers dont les droits et obligations, et par conséquent le lien avec litige, demeurent inconnus ; d'où il suit que la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2° qu'il incombe aux juges du fond de rechercher et de justifier des faits et actes juridiques indispensables au soutien de sa décision ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que l'assureur privé ait jamais accordé sa garantie à l'occasion d'un sinistre imputable à la " faute inexcusable " du prétendu assuré, pas plus d'ailleurs qu'il n'a été établi, ni même allégué, qu'un risque tel celui qui résulterait de l'inhalation de fibres microscopiques d'amiante ait jamais été l'objet d'une police d'assurance souscrite auprès de la compagnie Mutuelles du Mans ; qu'un tel risque lié à l'utilisation même de l'amiante n'a été reconnu par le législateur qu'en 1997, postérieurement à l'expiration du contrat d'assurance ; que dès lors en déclarant son arrêt commun à la compagnie d'assurances, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard du principe de sécurité juridique, du principe de confiance légitime, de l'article 2 du Code civil et de l'article L. 113-5 du Code des assurances ;

Et alors, selon le pourvoi de la compagnie Axa corporate solutions :

1° que l'arrêt ne pouvait s'abstenir de répondre aux conclusions de la compagnie Axa Global Risks se prévalant de ce que la société Everite avait fait délivrer assignation à l'ensemble de ses assureurs et coassureurs concernés, devant le tribunal de grande instance de Tours, pour faire trancher la question de la couverture d'assurance, ce qui impliquait l'incompétence du tribunal des affaires de sécurité sociale, et en toute hypothèse, son dessaisissement pour litispendance sur la question litigieuse au profit de la juridiction de droit commun ; que la cour d'appel a violé les articles 100 et suivants, 103 et suivants, et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2° qu'en toute hypothèse, le tribunal des affaires de sécurité sociale et, sur appel, la chambre sociale de la cour d'appel, étaient incompétents pour appeler et maintenir en cause les compagnies d'assurance, et en particulier la compagnie Axa Global Risks ; que selon les articles L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale, la mission des tribunaux des affaires de sécurité sociale est limitée aux différends auxquels donne lieu l'application des législation et réglementation de sécurité sociale ; que les relations assuré-assureur sont de nature contractuelle et que le contentieux qui peut les opposer relève des seules juridictions de droit commun, c'est-à-dire des tribunaux d'instance et de grande instance, et que l'article 332 du nouveau Code de procédure civile ne pouvait justifier la mise en cause litigieuse, d'office et en violation des règles de compétence applicables ; que la cour d'appel a violé les articles 42 et 332 du nouveau Code de procédure civile, L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale et R. 114-1 du Code des assurances ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article R. 142-19 du Code de la sécurité sociale, la comparution des parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est provoquée par une convocation délivrée par le secrétariat du tribunal ; que le Tribunal, en ordonnant la mise en cause des compagnies d'assurances susceptibles de garantir la société Everite pour le cas où il serait établi que la maladie professionnelle est due à sa faute inexcusable, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile ;

Et attendu, ensuite, que l'intervention forcée ordonnée par le tribunal, qui ne tendait qu'à une déclaration de jugement commun, entrait dans la compétence des juridictions de sécurité sociale ; que la déclaration de jugement commun ne se prononçant pas sur les relations entre les parties et les intervenants forcés, c'est à bon droit que l'exception de litispendance a été rejetée ;

D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Par ces motifs :

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-13172
Date de la décision : 28/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions - Conscience du danger - Risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante - Mesures de protection nécessaires - Défaut.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Responsabilité - Faute - Faute inexcusable - Définition 1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Maladies professionnelles - Risques liés aux produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise - Mesures de protection - Nécessité 1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions - Conscience du danger - Défaut - Cas 1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Responsabilité - Faute - Inexécution par l'employeur de ses obligations - Obligation de sécurité envers les salariés - Maladies professionnelles - Mesures de protection nécessaires - Défaut 1° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Maladie professionnelle - Maladie contractée du fait de produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise - Portée 1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Définition 1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Exposition des salariés au risque - Mesures de protection - Obligation de l'employeur - Etendue 1° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de résultat - Employeur - Sécurité des salariés - Maladies professionnelles - Fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise 1° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de sécurité - Contrat de travail - Maladies professionnelles - Fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

1° En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (arrêts n°s 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7). Dès lors que les énonciations d'un arrêt caractérisent le fait, d'une part, qu'une société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié, une cour d'appel peut en déduire que cette société a commis une faute inexcusable (arrêts n°s 1, 2 et 5). En revanche, une cour d'appel qui constate qu'un salarié ne participait pas à des travaux comportant l'usage direct de l'amiante, laquelle entrait seulement dans la composition d'éléments de protection contre la chaleur, et que l'entreprise dans laquelle il travaillait n'utilisait pas ce produit comme matière première, de sorte que l'employeur, eu égard notamment à l'état des connaissances scientifiques de l'époque, pouvait ne pas avoir conscience du danger que l'utilisation de tels éléments de protection et le travail à proximité de ceux-ci constituaient pour le salarié, a pu en déduire que l'employeur n'avait pas commis de faute inexcusable (arrêt n° 7).

2° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Action de la victime - Recevabilité - Conditions - Reconnaissance préalable du caractère professionnel de la maladie (non).

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Maladie professionnelle - Reconnaissance - Pouvoirs des juges.

2° Les rapports entre la caisse primaire d'assurance maladie et l'assuré sont indépendants des rapports entre la Caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur. Dès lors, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la juridiction étant en mesure, après débat contradictoire, de rechercher si la maladie a un caractère professionnel, et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute (arrêt n° 1).

3° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Désaccord entre la Caisse et la victime sur son existence - Saisine de la juridiction compétente - Procédure - Parties en cause - Qualité de défendeur - Détermination.

3° Aux termes de l'article L. 452-4, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale, à défaut d'accord amiable entre la Caisse et la victime ou ses ayants droit, d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider, la victime ou ses ayants droit devant appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement ; il en résulte que l'action doit nécessairement être dirigée contre l'employeur, même dans le cas où la Caisse se trouve privée de recours à son égard (arrêt n° 1).

4° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Prestations - Demande - Prescription - Dérogation - Article 40 modifié de la loi du 23 décembre 1998 - Bénéficiaires - Détermination.

4° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action de la victime - Prescription - Affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante - Dérogation - Article 40 modifié de la loi du 23 décembre 1998 - Bénéficiaires - Détermination.

4° L'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par l'article 49 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001, applicable aux procédures en cours, rouvre les droits aux prestations, indemnités et majorations prévues par les dispositions du Livre IV du Code de la sécurité sociale, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1947 et l'entrée en vigueur de la loi, sans distinguer selon que la victime avait ou non fait constater sa maladie en temps utile (arrêts nos 2 et 3).

5° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action des ayants droit - Action en réparation du préjudice moral - Réparation du préjudice moral de la victime décédée - Recevabilité.

5° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Effets - Réparation du préjudice - Préjudice moral - Etendue.

5° Les ayants droit de la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur et décédée des suites de cette maladie sont recevables à exercer, outre l'action en réparation du préjudice moral qu'ils subissent personnellement du fait de ce décès, l'action en réparation du préjudice moral personnel de la victime résultant de sa maladie (arrêt n° 3).

6° CASSATION - Intérêt - Applications diverses - Contrat de travail - Maladie professionnelle - Décision consacrant l'existence d'un faute inexcusable de l'employeur.

6° CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Employeur déclaré auteur d'une faute inexcusable 6° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Cassation - Pourvoi - Intérêt - Employeur déclaré auteur d'une faute inexcusable 6° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Cassation - Pourvoi - Intérêt - Employeur déclaré auteur d'une faute inexcusable.

6° L'employeur déclaré auteur d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle de salariés a intérêt, au sens de l'article 609 du nouveau Code de procédure civile, à former un pourvoi contre cette décision, même en l'absence de condamnation pécuniaire (arrêt n° 4).

7° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Tableaux annexés au décret du 31 décembre 1946 - Tableau n° 30 (affections provoquées par la poussière d'amiante) - Travaux susceptibles de les provoquer - Exposition - Exposition chez plusieurs employeurs successifs - Portée.

7° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Imputabilité - Preuve - Présomption d'imputation - Opposabilité à l'employeur 7° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action de la victime - Recevabilité - Conditions - Imputabilité exclusive de la maladie professionnelle à l'un des employeurs successifs de la victime (non) 7° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Imputabilité - Imputabilité aux employeurs successifs - Portée.

7° Le fait que la maladie professionnelle soit imputée aux divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'eux a commis une faute inexcusable (arrêt n° 4).

8° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action de la victime - Action fondée sur l'article 40 modifié de la loi du 23 décembre 1998 - Recevabilité devant la cour d'appel - Condition.

8° C'est à bon droit qu'une cour d'appel, saisie d'une demande d'indemnisation complémentaire pour faute inexcusable, déclare recevable l'action, tendant aux mêmes fins, formée en cours de procédure sur le fondement des dispositions de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 (arrêt n° 4).

9° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action de la victime - Action récursoire de la Caisse - Inscription au compte spécial - Portée.

9° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Imputabilité - Imputabilité aux employeurs successifs - Portée.

9° Dans le cas où les dépenses afférentes à la maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial en raison de ce que le salarié a été exposé au risque chez plusieurs employeurs, la caisse primaire d'assurance maladie, tenue de faire l'avance des sommes allouées aux ayants droit en réparation de leur préjudice personnel, conserve contre l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue le recours prévu par l'article L. 452-3 , alinéa 3, du Code de la sécurité sociale (arrêt n° 5).

10° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Prestations - Attribution - Décision de la Caisse - Opposabilité à l'employeur - Condition.

10° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Respect du principe de contradiction - Dossier constitué par la Caisse - Communication - Demande de l'employeur - Nécessité.

10° En application des articles R. 441 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale, une caisse primaire maladie est tenue, préalablement à sa décision de reconnaître le caractère professionnel d'une maladie, d'une part, d'assurer l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de lui faire grief, d'autre part, de lui communiquer, sur sa demande, l'entier dossier qu'elle a constitué. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge, retient que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie a été prise sans qu'ait été préalablement communiqué à la société l'entier dossier ayant conduit la Caisse à prendre sa décision, alors que la demande de communication du dossier par la société était postérieure à la décision contestée, de sorte que la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi la procédure préalable à cette décision était irrégulière (arrêt n° 5).

11° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Intervention - Intervention forcée - Intervention ordonnée par la juridiction de sécurité sociale - Pouvoirs des juges.

11° PROCEDURE CIVILE - Intervention forcée - Demande en déclaration de jugement commun - Action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur - Mise en cause des assureurs - Modalités - Pouvoirs des juges 11° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Intervention forcée ordonnée par la juridiction - Condition 11° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Convocation des parties - Modalités - Portée.

11° En ordonnant la mise en cause des compagnies d'assurances susceptibles de garantir l'employeur de son éventuelle faute inexcusable, le tribunal des affaires de sécurité sociale, saisi de la demande du salarié fondée sur une telle faute, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile. Aux termes de l'article R. 142-19 du Code de la sécurité sociale, la comparution des parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est provoquée par une convocation délivrée par le secrétariat du tribunal. L'intervention forcée ordonnée par le tribunal, qui ne tendait qu'à une déclaration de jugement commun, entrait dans la compétence des juridictions de sécurité sociale (arrêt n° 6).


Références :

10° :
11° :
1° :
3° :
4° :
6° :
8° :
9° :
Code de la sécurité sociale L452-1
Code de la sécurité sociale L452-3 al. 2
Code de la sécurité sociale L452-4 al. 1
Code de la sécurité sociale R142-19
Code de la sécurité sociale R441-11, R441-13
Loi 2001-1246 du 21 décembre 2001 art. 49
Loi 98-1194 du 23 décembre 1998 art. 40
Nouveau Code de procédure civile 332
Nouveau Code de procédure civile 609

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 26 janvier 2000

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 17 juillet 98, Bulletin 1998, V, n° 402, p. 304. A RAPPROCHER : (8°). Chambre sociale, 1996-02-08, Bulletin 1996, V, n° 50, p. 35 (cassation). A RAPPROCHER : (10°). Chambre sociale, 2001-06-14, Bulletin 2001, V, n° 223, p. 177 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 fév. 2002, pourvoi n°00-13172, Bull. civ. 2002 V N° 81 p. 74
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 V N° 81 p. 74

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Sargos .
Avocat général : Premier avocat général :M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Ollier.
Avocat(s) : Avocats : M. Bouthors (arrêt n° 1), la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez (arrêts nos 1, 2, 3 et 4), la SCP Célice, Blancpain et Soltner (arrêts nos 2, 3, 4, 5, 6 et 7), M. Foussard (arrêts nos 2, 3 et 7), M. de Nervo (arrêt n° 4), la SCP Rouvière et Boutet (arrêts nos 5 et 6), la SCP Peignot et Garreau (arrêts n°s 5 et 7), M. Blondel (arrêt n° 6), la SCP Boré, Xavier et Boré (arrêt n° 6).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.13172
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