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27/02/2002 | FRANCE | N°01-80307

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 2002, 01-80307


REJET des pourvois formés par :
- la société Jack Feller, prise en la personne de son liquidateur, Y... Clément, Y... Youna, X... Max,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 6 décembre 2000, qui, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné les deux derniers, solidairement avec la première, à une amende de 1 452 191 francs, à une somme de même montant pour tenir lieu de la confiscation des marchandises et au paiement des droits éludés.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoir

es produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris ...

REJET des pourvois formés par :
- la société Jack Feller, prise en la personne de son liquidateur, Y... Clément, Y... Youna, X... Max,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 6 décembre 2000, qui, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné les deux derniers, solidairement avec la première, à une amende de 1 452 191 francs, à une somme de même montant pour tenir lieu de la confiscation des marchandises et au paiement des droits éludés.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 67, 84 et 94 du règlement CEE n° 2454-93 de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d'application du règlement CEE n° 2913/92 du Conseil établissant le Code des douanes communautaire, 13, 19, 20 et 27 du règlement CEE n° 693-88 du 4 mars 1988, 426-4 et 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Youna Y... et Max X... coupables du délit d'importation de marchandises prohibées, par fausses déclarations ou manoeuvres ayant eu pour effet d'obtenir une exonération, avantage attaché à l'importation, et les a condamnés, solidairement avec la société Jack Feller, à payer à l'administration des Douanes et des Droits Indirects :
" une amende de 1 452 191 francs égale au tiers de la valeur des marchandises de fraude ;
" une somme de 1 452 191 francs pour tenir lieu de la confiscation des marchandises ;
" et une somme de 724 119 francs au titre des droits éludés ;
" aux motifs que le règlement CEE n° 693-88 est une mesure communautaire de caractère autonome, et non un accord international ; qu'ainsi, dans le cadre d'un régime préférentiel résultant d'une mesure communautaire de caractère autonome, les autorités communautaires ou les autorités douanières des Etats membres ne sont pas liées par l'appréciation donnée par les autorités émettrices ; que la procédure de contrôle a posteriori a été régulièrement diligentée par l'administration des Douanes françaises, antérieurement à toute citation devant la juridiction de première instance ; que l'administration des Douanes, qui avait valablement saisi les autorités compétentes bulgares d'une demande de contrôle a posteriori, a pu déduire de la réponse du 29 avril 1994 que l'origine réelle de la marchandise n'était pas bulgare, les tissus ayant été importés de France, et conclure que les préférences tarifaires ne pouvaient s'appliquer ; qu'elle n'avait pas, ainsi, à recourir à la procédure visée au second alinéa de l'article 27 du règlement ; que le courrier adressé à la Direction générale des Douanes bulgares ne constitue pas une seconde demande au sens de ce texte ;
" alors, d'une part, que l'origine d'un produit importé, lorsqu'elle est certifiée, en vue de l'application d'une préférence tarifaire, par un document émanant de l'autorité compétente du pays d'exportation, à laquelle il appartient, selon l'article 84 des dispositions d'application du Code des douanes communautaire, de vérifier l'origine des produits et de contrôler les énonciations du certificat d'origine, ne peut être remise en question par les autorités du pays d'importation que dans les conditions prévues par le règlement communautaire en vertu duquel le tarif préférentiel a été accordé ; qu'en l'espèce, les certificats délivrés par les autorités compétentes du pays d'exportation, dont la régularité et l'authenticité avaient été confirmées par la lettre du 29 avril 1994 de la CCIB saisie d'une demande de contrôle a posteriori, faisaient foi non seulement de la provenance, mais aussi de l'origine des marchandises telle que définie par le règlement CEE n° 693-88 du 4 mars 1988 ; qu'en affirmant néanmoins que, dans le cadre d'un régime préférentiel résultant d'une mesure communautaire (et non d'un accord international), les autorités communautaires ou les autorités douanières des Etats membres n'étaient pas liées par l'appréciation donnée par les autorités compétentes du pays d'exportation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que, si l'administration des Douanes peut passer outre et décider l'inapplicabilité des certificats d'origine, c'est uniquement dans le cas d'un refus de coopération des autorités compétentes du pays exportateur ou si, après deux communications, les résultats du contrôle restent insuffisants pour déterminer l'authenticité des documents ; qu'en l'espèce, la réponse de la CCIB du 29 avril 1994 était suffisante, en ce qu'elle confirmait l'authenticité et la régularité des certificats d'origine Forma ; qu'il s'ensuit que l'administration des Douanes était incompétente pour retenir unilatéralement l'inapplicabilité de ces certificats ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, que, lorsqu'après une première demande de contrôle a posteriori effectuée dans le cadre de l'article 84 des dispositions d'application du Code des douanes communautaire (article 13 du règlement CEE n° 693-88 du 4 mars 1988), l'administration des Douanes juge la réponse insuffisante, il lui appartient, conformément à l'article 94-5 des DAC (article 27 du même règlement), d'adresser une deuxième communication aux autorités compétentes concernées (en l'espèce, la Chambre de commerce et d'industrie de Bulgarie) ; qu'en adressant, postérieurement à la réponse de la CCIB du 29 avril 1994 confirmant l'authenticité et la régularité des certificats d'origine, une communication non à la CCIB mais à la Direction générale des Douanes bulgares, lui demandant d'intervenir auprès de la CCIB afin que celle-ci réexamine le dossier, l'administration des Douanes n'a pas respecté la procédure de contrôle a posteriori définie à l'article 94 des DAC (article 13 et 27 du règlement) ; qu'en affirmant que "la procédure de contrôle a posteriori a été régulièrement diligentée par l'administration des Douanes", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que, l'administration des Douanes, qui nourrit des doutes quant à l'authenticité des certificats en cause ou l'origine réelle des produits, ne peut engager des poursuites du chef d'importation non déclarée de marchandise prohibée, sans avoir respecté, au préalable, la procédure de contrôle a posteriori prévue à l'article 94 des DAC (articles 13 et 27 du règlement CEE n° 693-88 du 4 mars 1988) ; qu'en l'espèce, si la demande de contrôle a posteriori avait été adressée en novembre 1993 aux autorités compétentes bulgares, les poursuites avaient été engagées dès avant la réponse intervenue le 29 avril 1994, par notification d'infraction douanière des 16 février et 1er mars 1994, même si les citations sont postérieures ; qu'en affirmant que la procédure de contrôle a posteriori avait été régulièrement diligentée par l'administration des Douanes antérieurement à toute citation, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, 426-4 et 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Youna Y... et Max X... coupables du délit d'importation de marchandises prohibées, par fausses déclarations ou manoeuvres ayant eu pour effet d'obtenir une exonération, avantage attaché à l'importation, et les a condamnés, solidairement avec la société Jack Feller, à payer à l'administration des Douanes et des Droits Indirects :
" une amende de 1 452 191 francs égale au tiers de la valeur des marchandises de fraude ;
" une somme de 1 452 191 francs pour tenir lieu de la confiscation des marchandises ;
" et une somme de 724 119 francs au titre des droits éludés ;
" aux motifs que les prévenus ne peuvent se prévaloir de leur bonne foi ; que, professionnels en matière d'opérations d'import-export de marchandises, ils n'ignoraient pas que les costumes et vestes exportés de Bulgarie n'avaient pas été fabriqués dans ce pays à partir de fils, mais à partir de tissus exportés de France par la société Jack Feller, et ne pouvaient donc bénéficier de préférences tarifaires ;
" alors, d'une part, que l'infraction douanière réputée importation sans déclaration de marchandises prohibées suppose un élément intentionnel de la part de l'auteur qui doit agir sciemment, avec la volonté d'éluder la réglementation applicable ; qu'en se bornant à affirmer que, professionnels de l'import-export, les intéressés ne pouvaient ignorer que les marchandises ne pouvaient bénéficier de préférences tarifaires, sans constater qu'ils avaient sciemment obtenu des certificats d'origine indus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que Youna Y... faisait valoir que, lors des opérations d'importation litigieuses, il n'avait pas usé de manoeuvres pour obtenir la préférence tarifaire, qu'il n'avait jamais caché avoir exporté des tissus en Bulgarie pour la fabrication de costumes par la société Vitocha, et que les documents applicables aux marchandises importées en Bulgarie à partir de fils ; qu'en ne s'expliquant pas sur cette argumentation pertinente, de nature à démontrer l'absence d'élément intentionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, enfin, que Max X... faisait valoir que les marchandises présentées au dédouanement étaient accompagnées de certificats Forma dont l'authenticité n'était pas contestée, de sorte que la société Globtrans, commissionnaire agréé en douane, était tenue de procéder au dédouanement des marchandises en exonération de droits et qu'aucune volonté de fraude ne pouvait lui être imputée en sa qualité de dirigeant de cette société ; qu'en excluant la bonne foi de Max X..., sans s'expliquer sur cette argumentation essentielle, de nature à démontrer que la société Globtrans n'avait fait que respecter la réglementation lors des opérations de dédouanement, ce qui excluait l'intention frauduleuse de son dirigeant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Jack Feller, dirigée par Youna Y..., a importé, entre le 24 octobre 1991 et le 7 décembre 1993, des vestes et des costumes en provenance de Bulgarie, d'une valeur totale de 4 356 574 francs ; que ces importations ont été effectuées par l'intermédiaire de la société Globtrans, commissionnaire en douane, dirigée par Max X..., et ont bénéficié d'une exemption de droits de douane dans le cadre du système des préférences généralisées, sur présentation de certificats d'origine délivrés par la Chambre de commerce et d'industrie de Bulgarie ;
Attendu qu'une enquête douanière diligentée en France entre la fin de l'année 1993 et le mois de mai 1994 a établi que ces vêtements avaient été confectionnés à partir de tissus exportés de France en Bulgarie par la société Jack Feller et provenant de divers pays asiatiques ; que l'administration des Douanes a alors demandé à la Chambre de commerce de Bulgarie de vérifier les éléments qui lui avaient permis de délivrer les certificats d'origine ;
Attendu que, par courrier reçu le 29 avril 1994 par l'administration des Douanes, les autorités bulgares ont répondu que les certificats étaient authentiques et que les vêtements avaient été fabriqués à partir de tissus importés de France ; que, le 19 septembre 1994, l'administration des Douanes a adressé une copie de cette lettre à son homologue bulgare en lui faisant part de son étonnement et en la priant, dans la mesure du possible, d'inciter la Chambre de commerce à réexaminer le dossier ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables d'importations sans déclaration de marchandises prohibées, la cour d'appel énonce qu'il est établi par la procédure et d'ailleurs non contesté par les prévenus que les vêtements qu'ils ont importés ont été confectionnés à partir de tissus exportés de France ; qu'il en résulte que ces vêtements ne répondent pas aux conditions exigées par les dispositions du règlement n° 693-88-CEE de la Commission, du 4 mars 1988, relatif à la définition de la notion de produits originaires pour l'application de préférences tarifaires accordées par la Communauté économique européenne à certains produits de pays en voie de développement, lesquelles prévoient que les vestes et costumes ne peuvent bénéficier des préférences tarifaires que s'ils ont été obtenus à partir de fils ;
Que les juges ajoutent que, ce régime préférentiel résultant d'une mesure communautaire de caractère autonome et non d'un accord international liant la Communauté à un pays tiers sur la base d'obligations réciproques, les autorités douanières des Etats membres ne sont pas liées par l'appréciation donnée par les autorités douanières émettrices et qu'en l'espèce, les douanes françaises ont pu valablement déduire de la réponse claire des autorités bulgares que l'origine des marchandises n'était pas bulgare, les tissus ayant été importés de France ; que, dans ces conditions, la lettre du 19 septembre 1994 ne constitue pas une seconde demande au sens de l'article 27 du règlement n° 693-88-CEE ;
Que les juges soulignent encore que la procédure de contrôle a posteriori a été régulièrement diligentée par l'administration des Douanes antérieurement à toute citation de l'ensemble des parties devant la juridiction de première instance ;
Qu'ils relèvent enfin que les prévenus, professionnels en matière d'opérations d'import-export de marchandises, n'ignoraient pas que les costumes et vestes exportés de Bulgarie n'avaient pas été fabriqués dans ce pays à partir de fils et ne pouvaient donc bénéficier de préférences tarifaires ; que, pour masquer cette situation, ils n'ont pas hésité à produire, tant à l'exportation des tissus qu'à l'importation des produits finis, des documents fictifs ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, les dispositions des articles 13 et 27 du règlement n° 693-88-CEE ayant été reprises à l'article 94 des Dispositions d'application du Code des douanes communautaire, applicable aux faits de la présente espèce, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, dans le cadre d'un régime préférentiel institué unilatéralement par la Communauté européenne, les autorités douanières du pays importateur ne sont pas liées par l'interprétation de la réglementation communautaire à laquelle se sont livrées les autorités du pays bénéficiaire ;
Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-80307
Date de la décision : 27/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - Douanes - Importation sans déclaration - Marchandises - Fausses déclarations - Fausse déclaration d'origine - Marchandise bénéficiant d'une préférence tarifaire - Certificat d'origine - Valeur probante - Contestation par les autorités du pays importateur - Contestation portant sur l'interprétation d'un texte communautaire unilatéral - Possibilité.

DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises - Fausses déclarations - Fausse déclaration d'origine - Marchandise bénéficiant d'une préférence tarifaire - Certificat d'origine - Valeur probante - Contestation par les autorités du pays importateur - Contestation portant sur l'interprétation d'un texte communautaire unilatéral - Possibilité

Dans le cadre d'un régime tarifaire préférentiel institué unilatéralement par la Communauté européenne, les autorités douanières du pays importateur ne sont pas liées par l'interprétation de la réglementation communautaire à laquelle se sont livrées les autorités du pays bénéficiaire. Justifie, par conséquent, sa décision, la cour d'appel qui, pour contester la validité de certificats d'origine délivrés par les autorités compétentes d'un pays bénéficiaire du système des préférences généralisées, relève que les indications factuelles fournies par lesdites autorités font apparaître que ces marchandises ne remplissent pas les conditions prévues par la réglementation en vigueur pour pouvoir bénéficier de la préférence tarifaire. (1).


Références :

Dispositions d'application du Code des douanes communautaire, art. 94
Règlement n° 693-88-CEE art. 13, art. 27

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 décembre 2000

CONFER : (1°). (1) Cf. Cour de justice des Communautés européennes, 1996-05-14, Faroe Seafood, aff. C/153/94 et C/204/94, Rec. p. I-2465 ;

A comparer : Chambre criminelle, 1996-06-20, Bulletin criminel 1996, n° 267 (1), p. 802 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1996-10-03, Bulletin criminel 1996, n° 344 (2), p. 1019 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 fév. 2002, pourvoi n°01-80307, Bull. crim. criminel 2002 N° 49 p. 140
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 49 p. 140

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Pibouleau, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. L. Davenas.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Soulard.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.80307
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