AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la caisse d'allocations familiales (CAF) du Val-de-Marne, dont le siège est 2, voie Félix Eboué, 94000 Créteil,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 juin 1999 par la cour d'appel de Paris (21e chambre sociale, section B), au profit :
1 / de Mme Martine X..., demeurant ...,
2 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (DRASSIF), dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 janvier 2002, où étaient présents : M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Finance, conseiller rapporteur, M. Soury, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la CAF du Val de Marne, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., salariée de la Caisse d'allocations familiales (CAF) depuis septembre 1968, a été classée au niveau 4 en janvier 1993 ; que le 19 janvier 1993, la Direction de la CAF du Val-de-Marne a diffusé à l'ensemble de son personnel une note de service tendant à pourvoir un poste de cadre vacant à la direction des prestations niveau 5 B ; que Mme X... s'est portée candidate et a été nommée à ce poste le 26 avril 1993, mais classée au niveau 5 A ; que contestant le bien-fondé de ce classement, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la CAF du Val-de-Marne fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la salariée devait se voir attribuer le niveau 5 B dès sa nomination et de l'avoir condamnée au paiement de sommes à titre de rappels de salaire, alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résulte de l'article 4 du protocole d'accord du 14 mai 1992 comme du règlement intérieur type que l'évolution de carrière d'un agent ne peut se faire que dans l'échelon immédiatement supérieur à celui acquis par lui ; qu'en particulier, ne peuvent être classés niveau de base 5 B que des cadres filières management ayant obtenu le 2e degré 5 A ; qu'ainsi, Mme X..., classée au niveau 4, ne pouvait, du seul fait qu'elle avait fait acte de candidature à un poste vacant de cadre d'autorité niveau 5 B, prétendre obtenir sa nomination à ce poste dès sa prise de fonctions ; qu'en considérant que la seule acceptation par la Caisse de la candidature de cet agent pour un poste de niveau 5 B, valait attribution immédiate de ce niveau au candidat retenu, peu important le niveau atteint par ce dernier à cette date, l'arrêt a violé les articles 4 du protocole d'accord du 14 mai 1992, IX du règlement intérieur type et 1134 du Code civil ;
2 ) qu'un agent ne peut être promu dans un niveau supérieur au sien que sous réserve de la validation des compétences et des connaissances acquises par lui ; qu'en s'abstenant de rechercher si Mme X..., qui exerçait jusqu'en mars 1993 des fonctions du niveau 4, remplissait effectivement les conditions posées pour pouvoir prétendre à l'attribution d'un poste du niveau 5 B, l'arrêt n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4 du protocole d'accord du 14 mai 1992 et de l'annexe I audit protocole ainsi des articles IX du règlement intérieur type et 1134 du Code civil ;
3 ) qu'en imposant la nomination de Mme X... au niveau 5 B, coefficient 250 puis 264 à compter du 1er mars 1993, au lieu du niveau 5 A, coefficient 222, puis 234 attribué par l'organisme, l'arrêt, qui a substitué son propre pouvoir d'appréciation à celui du directeur de la CAF, seul habilité à prendre toute décision en matière de gestion de personnel, a violé l'article R. 122-3 du Code de la sécurité sociale ;
4 ) que l'employeur faisait valoir dans ses conclusions qu'à supposer que le niveau de l'agent soit effectivement déterminé par celui du poste à pourvoir, Mme X..., qui avait en 1994 fait acte de candidature interne à un poste niveau 5 A, avait ainsi elle-même reconnu ne pouvoir prétendre à un poste de niveau supérieur ; qu'en se bornant à constater que la mention de sa position (5 A) faite par l'intéressée dans l'appel de candidature ne valait pas reconnaissance du bien-fondé du niveau et du coefficient attribué par l'organisme, l'arrêt qui n'a pas recherché si Mme X... pouvait encore revendiquer un niveau supérieur à celui du poste pour lequel elle avait elle-même postulé en 1994, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 4 du protocole d'accord du 14 mai 1992 et des articles IX du règlement intérieur type et 1134 du Code civil ;
5 ) que l'employeur faisait encore valoir dans ses conclusions d'appel, que dès lors qu'une délégation de signature du même modèle est remise à l'agent qu'il soit classé au niveau 5 A ou au niveau 5 B, la seule circonstance qu'en l'espèce, une telle délégation, revêtue par erreur de la mention "5 B", ait été remise à Mme X... lors de sa prise de fonctions était dépourvue de toute signification quant à la reconnaissance de ce niveau ; qu'en entérinant le jugement ayant considéré que la remise de ce document valait engagement de la Caisse d'attribuer le niveau 5 B à son agent, sans tenir aucun compte des explications précitées, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 4 du protocole d'accord du 14 mai 1992 et des articles IX du règlement intérieur type et 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir qu'en nommant la salariée au poste laissé vacant, la Caisse lui avait reconnu les compétences et connaissances requises pour occuper un tel emploi, la cour d'appel a décidé à bon droit, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître son engagement, reclasser Mme X... au niveau 5 A ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a condamné l'employeur au paiement d'une somme à titre de rappel de salaires pour la période allant d'avril 1996 à septembre 1998, avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la demande devant le conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une créance salariale, les intérêts moratoires ne peuvent courir qu'à compter de chaque échéance devenue exigible, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme de 57 258 francs due par la CAF du Val-de-Marne à la salariée à titre de rappel de salaires pour la période d'avril 1996 à septembre 1998, à compter du dépôt de la demande devant le conseil de prud'hommes, l'arrêt rendu le 2 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 57 258 francs courent à compter de chaque échéance devenue exigible ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la CAF du Val-de-Marne à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ; rejette la demande de la CAF du Val-de-Marne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.