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26/02/2002 | FRANCE | N°00-40529

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2002, 00-40529


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Equipement professionnel pour l'élevage, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 janvier 2000 par la cour d'appel de Riom (chambre sociale), au profit de M. Marc X..., demeurant "Le Bel Air", 03320 Couleuvre,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 janvier 2002, où étaient présents :

M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Equipement professionnel pour l'élevage, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 janvier 2000 par la cour d'appel de Riom (chambre sociale), au profit de M. Marc X..., demeurant "Le Bel Air", 03320 Couleuvre,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 janvier 2002, où étaient présents : M. Merlin, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, M. Finance, conseiller, M. Soury, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Equipement professionnel pour l'élevage, de Me Foussard, avocat de M. X..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... a été engagé le 23 mars 1996 en qualité de VRP par la société Equipement professionnel pour l'élevage (EPE) ; que son contrat de travail prévoyait qu'il était soumis au statut professionnel des VRP et à la convention collective des commerces de gros, que sa rémunération était composée d'un fixe et de commissions variant selon le chiffre d'affaires total réalisé par la société, qu'il était lié par une clause de non-concurrence et qu'à compter du 31 décembre 1996, il deviendrait cadre commercial et qu'un nouveau contrat serait établi ; qu'aucun contrat n'a été signé par les parties à cette date ; que le 28 octobre 1998, le salarié a été licencié pour faute lourde ; qu'il lui était reproché une intention délibérée de nuire à la société résultant de l'annonce de sa démission au personnel et à la clientèle suivie de sa rétractation, d'un dénigrement de la société et de sa direction et d'une inobservation de la politique tarifaire par des remises et des rabais qu'il n'avait pas le pouvoir d'accorder ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamné au paiement de rappel de commissions, d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et d'une contrepartie de la clause de non concurrence, alors, selon le moyen, que lorsque le procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu'elles font aux prétentions formulées par écrit sont notées au dossier constitué par le secrétaire de la juridiction ou consignées dans un procès-verbal ; qu'en manquant à cette obligation, de nature à assurer la loyauté des débats, la cour d'appel a violé l'article 727 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les conclusions de la société énonçant ses prétentions figuraient au dossier ; qu'il s'ensuit que le moyen est mal fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1 ) que le contrat de travail de M. X... subordonnait l'octroi de remises, sous quelque forme que ce soit, à l'accord exprès de la direction ; que M. X..., qui s'était borné à nier en bloc les faits reprochés, n'avait jamais allégué avoir reçu l'accord de la direction pour la campagne promotionnelle dont la cour d'appel a constaté l'existence ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en l'état des stipulations contractuelles et des constatations de l'arrêt attaqué, il appartenait au salarié d'établir que la campagne promotionnelle qu'il avait lancée en faisant imprimer et diffuser un catalogue d'articles à prix réduits, avait reçu cet accord exprès ; qu'en écartant ce grief au motif que "rien n'établissait qu'il n'ait reçu l'aval de la direction" la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ;

3 ) que la faute grave ou lourde imputée au salarié peut résulter d'un fait unique ou d'un ensemble de faits ; qu'il appartient dès lors au juge prud'homal, devant qui l'employeur invoque un faisceau de faits fautifs d'examiner ceux-ci dans leur ensemble ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a examiné isolément chacun des faits allégués par l'employeur, dont elle a dû constater la matérialité, pour ensuite exclure que chacun d'eux ait pu constituer une cause de licenciement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le comportement d'ensemble ainsi établi d'un salarié, cadre investi de hautes responsabilités qui, simultanément et sur une courte période, annonçait à la ronde sa volonté de démissionner pour entrer au service d'un concurrent, déclarait à un client important, lors d'une manifestation de relations publiques, que l'employeur ne croyait pas en sa société et organisait sans l'accord de la société une campagne de vente à prix bas ne trahissait pas un désintérêt manifeste pour l'entreprise, voire une volonté de lui nuire rendant impossible le maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que l'employeur ayant invoqué la faute lourde du salarié, la charge de la preuve lui incombait ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'annonce d'un projet de démission ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et que les autres faits invoqués dans la lettre de licenciement n'étaient pas établis ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'employeur fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence alors, selon le moyen :

1 ) que le bénéfice du statut de VRP ne peut être conventionnellement reconnu à un salarié qui exerce d'autres attributions que par accord exprès et non équivoque de l'employeur ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de M. X..., qui stipulait être soumis "aux conditions générales du statut professionnel des VRP et de la convention collective des commerces de gros" prévoyait également en son article 1er : "pour l'instant et ce jusqu'au 31 décembre 1996, M. Y... s'engage à exercer la profession de VRP de façon exclusive et constante ; après cette date, M. X... deviendra cadre commercial, niveau 9, échelon 1, coefficient 450" ; que ces stipulations ne caractérisaient nullement un accord non équivoque de l'employeur pour appliquer cumulativement à M. Y..., après son changement de fonctions, la convention collective des commerces de gros et le statut des VRP ; qu'en décidant le contraire aux motifs que le contrat ne prévoyait pas de succession des statuts, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et, par fausse application, les articles L. 751-I et suivants du Code du travail ;

2 ) qu'il appartient au salarié de démontrer qu'il exerce une profession autre que celle mentionnée sur son contrat écrit ; qu'en constatant, par des motifs hypothétiques, le caractère vraisemblable de la poursuite par M. X..., postérieurement au 1er janvier 1997, de son activité de VRP, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que dans ses écritures d'appel, la société avait soutenu que le statut de VRP avait cessé de s'appliquer à M. X... dès son changement de fonctions intervenu en application des stipulations contractuelles le 1er janvier 1997, ainsi que le démontrait le libellé modifié de ses bulletins de salaire et la demande d'affiliation à la CARPECA ;

qu'en énonçant que l'employeur ne contestait pas la poursuite par le salarié de son activité de représentation, la cour d'appel qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

4 ) qu'en toute hypothèse le statut des VRP ne s'applique qu'au salarié dont la représentation constitue l'activité principale ; qu'en se déterminant par des motifs pris de la poursuite partielle par M. X... d'une activité de représentation sans caractériser qu'elle avait constitué son activité principale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-2 du Code du travail ;

5 ) que la société soutenait en appel que M. X..., contrairement aux stipulations de son contrat de travail destiné à créer une apparence de non concurrence avait, par ses démarches, obtenu dans le secteur concurrentiel des marchés auprès d'anciens clients de la société EPE ; qu'elle avait, à l'appui de ce moyen, versé aux débats des pièces et notamment un courrier de M. X... du 11 juin 1999 démontrant qu'il avait offert à la vente, à l'un des clients de son ancien employeur, le même matériel que le sien ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen et les éléments de preuve décisifs, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

6 ) qu'en ne répondant pas au moyen développé oralement par la société, pris de ce que le contrat de travail de M. X... avait été modifié en septembre 1999 pour lui confier les attributions de directeur commercial, reconnues directement concurrentielles aux termes mêmes du contrat du 4 février 1999, la cour d'appel, qui a privé da décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté, sans encourir les griefs du moyen, d'une part, que la clause de non-concurrence prévu au contrat de travail demeurait applicable du fait que M. X... avait continué en 1997 à exercer des fonctions de représentation qui n'étaient pas contestées par l'employeur et gardé le statut de VRP et, d'autre part, que la société EPE qui avait admis que l'emploi occupé par le salarié respectait cette clause, n'établissait pas qu'il l'avait enfreint par des agissements sortant de sa définition contractuelle ; qu'il s'ensuit qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour allouer à M. X... au titre des commissions pour l'année 1998, une somme de 128 000 francs, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que sa demande en l'absence de justification du chiffre d'affaires devait être accueillie ;

Attendu que, selon les dispositions du contrat de travail, les commissions s'élèvent à 0,7 % du chiffre d'affaires total lorsque celui-ci excède 14 000 000 francs et à 0,8 % du chiffre d'affaires total lorsque celui-ci excède 16 000 000 francs ;

Qu'en statuant ainsi alors que, selon les conclusions du salarié, le chiffre d'affaires total de la société s'élevait à 16 000 000 francs en 1998, ce qui lui ouvrait droit seulement à une commission égale à 0,7 %, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué la somme de 128 000 francs à titre de commissions pour l'année 1998, l'arrêt rendu le 11 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-40529
Date de la décision : 26/02/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom (chambre sociale), 11 janvier 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2002, pourvoi n°00-40529


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MERLIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.40529
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