AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Eliane, épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre détachée de CAYENNE, en date du 21 novembre 2001, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande de marchandise prohibée, a confirmé l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue par le juge des libertés et de la détention ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 194 du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 148, 194, 199, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de violation de l'article 194 du Code de procédure pénale invoquée par la personne mise en examen ;
" aux motifs que le 20 août 2001, Eliane X..., épouse Y..., a formé une demande de mise en liberté sur laquelle il n'a pas été statué dans les cinq jours par le magistrat instructeur ;
qu'Eliane X... a alors saisi directement la chambre de l'instruction de sa demande de mise en liberté le 29 août 2001 ; que, le même jour, le juge d'instruction rendait une ordonnance tardive de rejet de la demande de mise en liberté ; que, le 31 août 2001, Eliane X... interjetait appel de cette ordonnance ; que, par arrêt du 12 septembre 2001, la chambre de l'instruction rejetait la demande du 29 août 2001 (saisine directe) sans statuer explicitement sur l'appel de l'ordonnance tardive du 29 août 2001 ; qu'en saisissant la chambre de l'instruction d'abord par la voie de la saisine directe, puis par la voie de l'appel, Eliane X... demandait à la cour de statuer sur une même demande de mise en liberté initiale formée le 20 août 2001 ; qu'il en résulte qu'en statuant dans un seul arrêt du 12 septembre 2001, la cour a vidé sa saisine ;
" alors que, selon le dernier alinéa de l'article 194 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction doit, en matière de détention provisoire, se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de l'appel prévu par l'article 186 du Code de procédure pénale, ce délai étant prolongé de cinq jours, suivant l'article 199, dernier alinéa, dudit Code, en cas de comparution personnelle de la personne concernée, faute de quoi celle-ci est remise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu ; qu'en refusant de remettre d'office en liberté la personne mise en examen, après avoir reconnu qu'elle n'avait pas statué dans le délai requis sur l'appel, interjeté le 31 août 2001, de l'ordonnance du 29 août 2001 rejetant la demande de mise en liberté formée par la personne détenue, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; qu'en effet, saisie directement par la personne mise en examen d'une demande de mise en liberté, faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le délai fixé par le troisième alinéa de l'article 148 du Code de procédure pénale, et de l'appel de l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté, intervenue postérieurement, la chambre de l'instruction ne pouvait légalement décider qu'elle avait vidé sa saisine en statuant uniquement sur la saisine directe, dès lors que le juge d'instruction-ou le juge des libertés et de la détention-juridiction du premier degré, est en principe seul compétent pour statuer en premier ressort sur les demandes de mise en liberté formées au cours de l'instruction préparatoire et qu'il était en conséquence nécessaire que la chambre de l'instruction se prononce sur la validité de l'ordonnance déférée, dont dépend sa compétence pour statuer sur saisine directe " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'Eliane X..., placée en détention provisoire le 12 août 2001, a présenté, le 20 août, une demande de mise en liberté ; que, le 29 août, elle a saisi directement la chambre de l'instruction, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 148 du Code de procédure pénale ; que, le même jour, la demande de mise en liberté a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention, dont l'intéressée a interjeté appel ;
que, par arrêt du 12 septembre 2001, la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté, dont elle était directement saisie, sans statuer expressément sur l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté d'Eliane X..., qui, à l'occasion de l'appel d'une nouvelle ordonnance rendue le 31 octobre, invoquait le dépassement du délai imparti par l'article 194, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, pour statuer sur l'appel de l'ordonnance prononcée le 29 août, l'arrêt attaqué relève que la chambre de l'instruction était saisie, à la fois directement et par la voie de l'appel, d'une seule demande de mise en liberté, formée le 20 août ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la juridiction d'instruction du second degré a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 144, 144-1, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté formée par la personne mise en examen ;
" aux motifs que les charges reposant sur la personne mise en examen sont lourdes, les faits de trafic international de stupéfiants étant reconnus ; que l'intéressée a en outre été déjà condamnée pour des faits d'acquisition, détention de stupéfiants ;
que l'enquête ne fait que commencer, et les noms fournis ainsi que le numéro de téléphone doivent être exploités sans risque de collusion entre l'intéressé et ses complices ou coauteurs ; qu'il résulte, en outre, de ces faits, un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre sanitaire et social ; qu'une mise en liberté sous contrôle judiciaire n'est pas de nature à remédier aux trouble et risque susdits ;
" alors que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ; que le juge d'instruction ou, s'il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues par l'article 147, dès que les conditions prévues à l'article 144 et au présent article ne sont plus remplies ; qu'en rejetant la demande de mise en liberté, sans s'assurer de la durée raisonnable de la détention au regard de ces conditions, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé " ;
Attendu qu'en statuant par les motifs reproduits au moyen, et notamment en relevant que les investigations ne faisaient que commencer, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des articles 144 et 147-1 du Code de procédure pénale ;
Et attendu que l'arrêt, régulier en la forme, satisfait aux exigences des articles 137-3 et 143-1 et suivants du même Code ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;