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19/02/2002 | FRANCE | N°01-83388

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 2002, 01-83388


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Elie,

- X... Jille,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9 ème chambre, en date du 6 avril 2001, qui,

pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleur...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MARIN ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Elie,

- X... Jille,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9 ème chambre, en date du 6 avril 2001, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, les a condamnés, chacun, à 15 000 francs d'amende, a ordonné une mesure d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 263-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré quant à la déclaration de culpabilité et quant à la condamnation de Jille X... et en ce qu'il a déclaré Elie X... coupable des 4 chefs de prévention et l'a condamné à une amende de 15 000 francs ;

" aux motifs qu'" il n'est pas établi qu'Alain Y..., dont les fonctions étaient détaillées dans le contrat de travail et son avenant ait eu une délégation de pouvoirs concernant la gestion du matériel, l'utilisation des surfaces et modalités d'entreposages, de la réfection des sols :

- sa contestation d'une telle délégation étant constante ;

- le recours aux décisions de Jille X... étant une affirmation constante ;

- Jille X... ayant initialement reconnu avoir lui-même procédé à une commande de pièces de rechanges le 5/ 8/ 96 pour un problème de durits sur le chariot litigieux ;

- ce qui exclut l'existence d'un quelconque pouvoir d'Alain Y...relativement à l'immobilisation d'un engin, seul utilisable, pour la manutention de grands containers au temps des faits ;

- aucune mention de délégation en matière d'hygiène et de sécurité n'ayant été dûment justifiée ;

que contrairement aux affirmations des frères X..., Alain Y...ne bénéficiait pas d'une délégation de pouvoir puisqu'il ne disposait pas de la possibilité d'agencer les aires de façon à ce que le chariot puisse manoeuvrer librement, ni de celle d'arrêter le seul engin disponible pour les manutentions de grands containers, quitte à refuser de charger ou décharger les containers pendant les heures nécessitées par les réparations, ni de celle d'interdire toutes approches de personnes et engins dans l'aire où se situait le caniveau défoncé ; que les considérations sur les entretiens courants de tous engins sont sans intérêt, en l'espèce, de même que l'absence d'atteinte à la sécurité sur la conduite ou la manipulation de l'engin qui ne sont pas les questions en cause dans la présente procédure, autres que celles afférentes à la fuite d'huile ;

qu'Alain Y...a été justement renvoyé des fins de la poursuite pour l'ensemble des chefs de prévention ; que Jille X..., interlocuteur quotidien de tous les salariés travaillant sur le site :

- a connu les dysfonctionnements du chariot litigieux ;

- a commandé les pièces de rechange pour les durits le jour même de l'accident ;

- a connu, par l'avis qui lui a été donné par Alain Y..., la précédente panne, qui allait, le 6/ 8/ 96 se renouveler ;

- a autorisé la commande d'enrouleur pour permettre les réparations récidivantes des flexibles ;

- avait, par conséquent, connaissance de la régularité de ce type de panne ;

- connaissait les conséquences des fuites d'huile sur les sols où évoluait le chariot et sur les vitres de celui-ci ;

- connaissait les méthodes de désignation par les chauffeurs extérieurs des containers à enlever et, par conséquent, la proximité de ceux-ci :- des containers empilés,- du camion à charger,- du chariot effectuant la manutention ;

- connaissait le défoncement du sol au niveau du caniveau d'évacuation, zone accessible notamment aux chauffeurs venant procéder aux désignations des containers enlevés ;

- n'a prévu aucune signalisation constante et répétée dans les aires de manipulation des engins prescrivant l'interdiction de stationnement ou de déplacement des personnels extérieurs, notamment, à supposer comme en l'espèce que le cariste doive se faire désigner le container à charger ;

que l'absence, pour cause de rendement économique, de toute prise en considération, des règles minimales de sécurité tant relatives aux engins, qu'aux sols, éléments en relation directe pour être cause déterminante de l'accident, constitue une double violation délibérée aux obligations de chef d'entreprise, aucune autre cause, telle que malaise, évoquée par le prévenu, n'ayant été noté dans le rapport d'examen médico-légal et la victime n'ayant aucune teneur d'alcool dans le sang ; que, hors l'application, déjà écartée des dispositions de l'arrêté du 26 avril 1996, mais non exclusivement visé à la prévention, Jille X..., dirigeant de AGS Paris, propriétaire du chariot, et administrateur de Sotemad, pour l'ensemble des faits ayant directement concouru à l'homicide, a enfreint, par ses fautes personnelles et manifestement délibérées, ses obligations relatives à la sécurité d'un tiers à son entreprise par les violations initiales suivantes :

- l'absence de signalisation pour notamment la circulation du chariot élévateur et du camion piloté par la victime ;

- le laisser entrer, à pied, d'un chauffeur d'entreprise extérieure dans une zone dangereuse (sol défoncé et glissant par rejets d'huile) ;

- par le laisser en circulation d'un engin sans visibilité ;

que l'homicide qui résulte de la conjonction des violations énumérées ou faits générateurs, résulte de la violation délibérée de ces prescriptions de sécurité résultant des règlements visés au Code du travail ; que les éléments matériel et intentionnel des infractions sont caractérisés à l'encontre de Jille X... ; qu'il y a lieu de confirmer la condamnation à une amende de 15 000 francs ;

que la société Sotemad, dirigée par Elie X... était locataire des lieux de l'accident, et à ce titre responsable entretien, notamment du sol ; que le chariot élévateur appartenait à AGS Paris et avait été mis à la disposition de la société Sotemad, à laquelle revenait par conséquent l'entretien du matériel ; que, au regard des causes directes de l'accident, il appartenait à Elie X... :- de déterminer dans l'entreprise des aires de circulation des piétons, d'où qu'ils viennent, des engins de manutention et des camions puisqu'il y avait nécessité au moment du chargement pour un chauffeur extérieur ;- de se rendre au local administratif pour relever son numéro de container ;- de stationner le camion près du lieu de situation des containers à charger après être entré dans la Cour depuis le lieu d'attente ;- de désignation physique au cariste des containers à enlever et à charger, après l'avoir lui-même recherché, ce que ne faisait pas le cariste ; que, si la méthode était critiquée par le dirigeant, il lui appartenait d'en déterminer une autre à diffuser auprès des caristes et des chauffeurs extérieurs ;- compte tenu de cette méthode, non utilement remise en cause, en tout cas jusqu'au jour de l'accident, de niveler le terrain que des piétons étaient susceptibles d'utiliser, tout en devant prêter attention aux divers trafics proches, ce qui excluait que l'attention visuelle soit exclusivement portée sur l'état du sol ;- de mettre à la disposition des utilisateurs, notamment, caristes, des matériels exempts de toutes défectuosités, ou réparés utilement, de façon à permettre l'évolution des engins avec toutes garanties de sécurité ;- par visibilité sur l'environnement immédiat pour le cariste ;- à l'égard de toute personne ou véhicule amenés à se déplacer au voisinage de l'aire d'évolution de l'engin, ce qui supposait la non-circulation d'un chariot élévateur dès l'instant de la cassure d'un flexible qui permettait des rejets d'huile ; que Elie X..., compte tenu de sa qualité de dirigeant de la société Sotemad, de sa participation comme dirigeant, administrateur aux autres sociétés du groupe, de l'étroite interpénétration des qualités et actions respectives des deux frères X..., de la parfaite connaissance qu'avait Elie X... (qui se faisait aussi appeler Alain), des limites des fonctions et " pouvoirs " d'Alain Y..., est personnellement responsable de :

- avoir laissé Mohamed Z..., piéton, entrer et circuler dans une zone de circulation d'engins, sans signalisation des sens de circulation de ceux-ci ;- sur un sol dangereux par son défaut de nivellement et rendu gras par rejets d'huile ;- le laisser circuler d'un chariot sans visibilité par l'effet des rejets d'huile ; que ces manquements volontaires et délibérés, sont en relation directe
avec les éléments générateurs de l'accident mortel, selon les mêmes termes que son frère, et par application de la nouvelle définition résultant de la loi du 10 juillet 2000 " ;

" alors, d'une part, que l'effectivité d'une délégation de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité n'est pas subordonnée à l'existence d'un écrit ; que dès lors, en refusant de reconnaître que le directeur technique de la société Sotemad, Alain Y..., bénéficiait d'une délégation de pouvoir concernant la gestion du matériel à l'origine de l'accident (chariot élévateur) au motif que cette attribution ne figurait pas dans son contrat de travail ou dans son avenant (arrêt, page 21 2 à 5), sans aucunement rechercher si les initiatives incontestées prises par ce directeur technique en matière de sécurité (conclusions d'appel de la demanderesse, page 10 1 et suiv.) et l'aveu de ce dernier selon lequel " J'étais responsable de l'entretien du matériel " (P. V. d'audition n 1487/ 98), ne le mettaient pas en situation de délégataire de pouvoir sur les questions de sécurité et d'entretien du matériel, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, qu'en se déterminant par la considération selon laquelle Alain Y...ne disposait pas d'une délégation de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité, sans répondre aux conclusions de Elie X... (p. 7 à 10) et de Jille X... (p. 12 à 16), faisant valoir que ledit Alain Y...était unanimement considéré, au sein de la société en cause, la Sotemad, comme le responsable de la sécurité et qu'il avait le pouvoir et les moyens matériel et humain d'accomplir sa mission ainsi qu'une rémunération en rapport avec cette responsabilité, la Cour a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;

Attendu que, pour écarter le moyen de défense soulevé par Elie X... et Jille X..., selon lequel le directeur technique de l'établissement, Alain Y..., avait reçu une délégation en matière de sécurité et était seul responsable des infractions commises, l'arrêt attaqué prononce par les motifs exactement reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine et d'où il résulte qu'Alain Y...n'avait pas reçu de délégation, même verbale, en matière de sécurité, la cour d'appel, qui a ainsi suffisamment répondu aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 375-2 et 93 du Code de procédure pénale, du principe de la légalité des délits et des peines, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit que chaque condamnation et la provision sont prononcées solidairement à l'encontre de Jille et Elie X... ;

" alors qu'il résulte de l'article 375-2 du Code de procédure pénale que ce n'est que par " décision spéciale et motivée " et à condition que le prévenu se sait " entouré de co-auteurs ou de complices insolvables ", que les juges peuvent ordonner que le prévenu sera tenu solidairement des amendes ; que dès lors en décidant que chaque condamnation à des peines d'amende sera prononcée " solidairement à l'encontre de Jille et Elie X... " (arrêt, page 25 3) sans respecter les conditions édictées par ce texte, la Cour l'a violé " ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, l'arrêt ne prononce pas la solidarité, pour le paiement des amendes ;

D'où il suit que le moyen manque en fait ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-83388
Date de la décision : 19/02/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) RESPONSABILITE PENALE - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Portée - Appréciation souveraine des juges du fond.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9 ème chambre, 06 avril 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 2002, pourvoi n°01-83388


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.83388
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