AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la SCI de Grohan - X..., société civile immobilière, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 mars 2000 par la cour d'appel de Rennes (audience solennelle), au profit de M. Jean Y..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2002, où étaient présents : M. Weber, président, M. Assié, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, MM. Betoulle, Jacques, conseillers référendaires, M. Cedras, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Assié, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la SCI de Grohan, de Me Delvolvé, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Cédras, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant adopté les conclusions de l'expert proposant d'évaluer le préjudice pour perte de jouissance subi par M. Y... sur la base des loyers qu'il aurait dû percevoir en prenant en compte l'état de l'immeuble avant transformation et un taux moyen d'occupation de 70 %, la cour d'appel a répondu aux conclusions de la société civile immobilière de Grohan (SCI) proposant une évaluation moindre ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détient en vertu d'une décision de justice exécutoire ne doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige dont elle était saisie, a nécessairement rejeté les prétentions de la SCI en ce qu'elles tendaient à faire juger que cette somme aurait pu produire des intérêts plus élevés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 19 de la loi du 3 juillet 1967 ;
Attendu que, sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée ; que cette exécution ne pourra donner lieu qu'à restitution et ne pourra en aucun cas être imputée à faute ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mars 2000), que, par acte du 10 mars 1992, M. Y... a vendu, sous condition suspensive de l'octroi d'un prêt, un immeuble à MM. Z... et X..., auxquels a été substituée la société civile de Grohan (SCI) ; que M. Y... ayant refusé de régulariser la vente, la SCI l'a assigné en réalisation forcée de celle-ci ; que, par arrêt du 25 janvier 1994, la cour d'appel d'Angers a accueilli cette demande ; que cette décision ayant été cassée par arrêt du 19 décembre 1995 (pourvoi R 94-13.546), la cour d'appel de Rennes, statuant sur renvoi après cassation, a déclaré caduc l'acte du 10 mars 1992 et, avant dire droit sur le montant des restitutions auxquelles les parties pourraient être tenues après exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Angers, a ordonné une expertise ; que l'expert ayant déposé son rapport, les parties ont sollicité le paiement de diverses indemnités ;
Attendu que, pour limiter à une certaine somme le montant à restituer par M. Y... à la SCI, l'arrêt retient que cette dernière, qui a réalisé des travaux de transformation d'un immeuble à destination bourgeoise pour en faire un immeuble de rapport en multipliant les chambres destinées à la location à des étudiants, nonobstant l'existence d'un pourvoi en cassation et les mises en garde, a exécuté ces travaux à ses risques et périls et que la faute commise ne peut lui permettre de se prévaloir d'une indemnisation au titre de la plus value apportée à l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à verser à la SCI de Grohan la somme de 1 185 039,32 francs au titre des impenses, l'arrêt rendu le 10 mars 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille deux.