AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Gino,
- La SOCIETE COMMERCIAL UNION, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2000, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, a condamné le premier à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, à deux amendes de 20 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I-Sur l'action publique :
Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil de la commune de Metz, que Gino X... est décédé le 24 février 2001 ;
Qu'aux termes de l'article 6 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par la mort du prévenu ;
II-Sur l'action civile :
Attendu que, selon les pièces produites, les époux X... ont, aux termes d'un changement de régime matrimonial, adopté le régime de la communauté universelle et, à titre de convention, ont convenu, conformément aux articles 1524 et 1525 du Code civil, qu'en cas de dissolution de la communauté par le décès de l'un d'eux, tous les biens meubles et immeubles qui composeront ladite communauté, sans exception, appartiendront en pleine propriété au survivant, sans que les héritiers ou représentants du prédécédé puissent prétendre y avoir aucun droit, même pour les biens ou deniers entrés en communauté du chef de leur auteur ;
Que, dès lors, le pourvoi régulièrement formé par Gino X... profite à son épouse survivante et qu'Edith Y..., veuve X..., déclarant reprendre l'instance, la chambre criminelle nonobstant le décès du prévenu survenu au cours de l'instance en cassation, reste saisie de l'action civile ;
Sur le moyen unique d'annulation, pris de la violation de l'article 121-3 du Code pénal, commun à Edith Y..., veuve X..., et à la société Commercial Union ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gino X... coupable d'homicides involontaires et infractions aux dispositions concernant la sécurité des travailleurs, s'agissant de la formation à la sécurité des salariés intervenant sur site, et l'a déclaré entièrement responsable du préjudice des parties civiles ;
" aux motifs que " le défaut de formation en matière de sécurité est partiellement patent en ce qui concerne Didier Z..., salarié intérimaire, qui devait bénéficier d'une formation spécifique par l'entreprise utilisatrice ; que le concernant, l'inspecteur du Travail a fait observer qu'à défaut de formation spécifique Didier Z... ne pouvait savoir que les eaux usées dégagent de l'hydrogène sulfurée, gaz toxique mais d'autant moins perceptible qu'il est présent selon une forte concentration ; qu'il en est encore de Jean A... autre salarié intérimaire, témoin de l'accident, mais qui fort heureusement n'en a pas été sa victime, alors pourtant que le plan de prévention comprend des consignes recommandant de ne pas se rendre dans l'installation pour porter secours, sans qu'il soit établi que ce plan ait été porté à la connaissance des salariés appelés à travailler directement sur le site ; or, il ressort du rapport d'expertise diligenté par M. B... à la demande du magistrat instructeur et des procès-verbaux rédigés par l'inspecteur du Travail que le manque de formation a joué un rôle causal déterminant dans l'accident et le décès des deux salariés C... et Z... ; que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu à la charge de Gino X... le manquement à ses obligations en matière de formation à la sécurité des salariés et l'infraction d'homicide involontaire sur les personnes d'Alain C... et de Didier Z... ;
" alors que, lorsque les personnes physiques n'ont pas, comme en l'espèce, causé directement les décès qui leur sont reprochés, elles bénéficient des dispositions de la loi plus favorable du 10 juillet 2000 ; que leur condamnation suppose dès lors qu'elles aient violé de façon manifestement délibérée une obligation de sécurité ou commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'il appartient à la Cour de Cassation d'annuler l'arrêt attaqué pour renvoyer la cause devant les juges du fond afin qu'ils se prononcent sur ces questions de pur fait que l'arrêt attaqué n'a pas tranchées, savoir : y a-t-il eu " violation manifestement délibérée " par Gino X... d'une obligation de sécurité, ou faute caractérisée exposant à un risque " qu'il ne pouvait ignorer " ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt confirmatif attaqué que, le 16 juillet 1997, dans un poste souterrain de relèvement d'eaux pluviales contenant des gaz toxiques, ont été découverts les corps d'Alain C..., salarié de la société Malezieux, et de Didier Z..., salarié intérimaire en mission auprès de la même société ; qu'à la suite de ces faits, Gino X..., président de la société Malezieux, a été cité devant le tribunal correctionnel du chef d'homicides involontaires et d'infractions aux dispositions législatives et réglementaires en matière de sécurité du travail, pour avoir causé le décès des victimes en omettant de prendre les mesures nécessaires à la prévention et la formation des salariés concernés ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu, retenu dans les liens de la prévention, entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que les victimes, en l'état de la mission de nettoyage qui leur avait été confiée, pouvaient être amenées à intervenir en atmosphère confinée, ce qui impliquait, compte tenu du risque d'asphyxie, une formation spécifique ;
que les juges énoncent, à cet égard, qu'il ressort tant du rapport d'expertise que des procès-verbaux dressés par l'inspecteur du Travail que le manque de formation à cette tâche a joué un rôle causal déterminant dans l'accident et les décès consécutifs ; qu'ils précisent, plus spécialement, que Didier Z... ne pouvait pas savoir que les eaux usées dégagent de l'hydrogène sulfuré, gaz toxique d'autant moins perceptible qu'il est présent selon une forte concentration ; qu'ils ajoutent que cette formation relevait du niveau de compétence de Gino X..., qui n'avait pas délégué ses pouvoirs sur ce point ; que les juges relèvent, enfin, qu'il n'est pas établi que le plan de prévention ait été porté à la connaissance des victimes, pourtant appelées à travailler directement sur le site ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3 du Code pénal, issu de la loi du 10 juillet 2000, les juges ont justifié leur décision ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs,
I-Sur l'action publique :
CONSTATE l'extinction de l'action publique ;
II-Sur l'action civile :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;