AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société civile de moyens (SCM) E... Louis XIV, dont le siège est ... Louis XIV, 64200 Biarritz,
2 / Mme Elisabeth B..., demeurant ...,
3 / Mme Maritxu F..., épouse A..., demeurant ...,
4 / Mlle Sophie C..., demeurant ...,
5 / Mme Yannick Z..., demeurant ...,
6 / M. Frédéric D..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 mars 1999 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), au profit de Mme Magali Y..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
En présence de :
- la Banque nationale de Paris (BNP), dont le siège est ... ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Jean-Pierre Ancel, Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, Gridel, conseillers, Mmes Barberot, Catry, conseillers référendaires, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la société civile de moyens (SCM) E... Louis XIV, de Mme B..., de Mme F..., épouse A..., de Mlle C..., de Mme Z... et de M. D..., la de SCP Defrénois et Levis, avocat de la Banque nationale de Paris (BNP), de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. et Mme Y... ont, par un acte du 8 juillet 1994, constitué avec Mmes B..., F... et C... et MM. D... et Brottes, une société civile de moyens dite E... Louis XIV pour l'exercice en commun de la profession d'infirmier ; que, par un acte non daté et intitulé "Cession de droit de présentation de clientèle de cabinet d'infirmier et d'éléments meubles corporels", Mme Y..., qui dirigeait à Anglet la maison de retraite "Hôtel-club Horizons", en même temps qu'elle exerçait la profession d'infirmière, a cédé à cette société un droit de présentation à la clientèle de son cabinet, ainsi que l'installation professionnelle et les meubles meublants, sans qu'une réclamation puisse être présentée par l'acheteur ; que le prix a été payé à l'aide d'un prêt contracté par la société auprès de la Banque nationale de Paris (aujourd'hui BNP Paribas) ; qu'elle a, d'autre part, cédé ses parts à Mme Z... ;
Sur la première branche du moyen unique :
Attendu que la société E... Louis XIV, Mmes B..., F..., C..., Z..., et M. D... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes en nullité des actes de cession et de prêt et de leurs demandes de restitution des sommes qu'ils auraient indûment versées à Mme Y..., alors, selon le moyen, qu'en l'espèce, sous couvert d'un contrat de présentation de la clientèle de son cabinet médical, dans lequel elle se bornait à exercer le nombre d'actes légalement requis pour bénéficier du statut d'infirmière libérale, Mme Y... a cédé la clientèle de la maison de retraite dans laquelle, d'après les constatations de l'arrêt, elle exerçait quasiment la totalité de son activité, et qu'en refusant cependant de tirer les conséquences légales de ses constatations tirées du lieu d'exercice de l'activité principale de Mme Y... et du montant du prix de la cession justifié par le chiffre d'affaires réalisé au sein de la seule maison de retraite, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1128 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement jugé qu'indépendamment du prix convenu entre les parties, le contrat, qui en l'occurrence portait sur un droit de présentation à la clientèle de l'infirmière, était valable peu important que cette clientèle fut constituée des pensionnaires de la maison de retraite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, que Mme Y... n'a pas respecté l'obligation essentielle de non-concurrence pesant sur elle en tant que cédant, et qu'en retenant le motif inopérant de ce que les cessionnaires auraient accepté, non sans équivoque, de la délier de cette obligation, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, après avoir relevé qu'il n'était fait état d'aucun dépassement des exceptions à cette obligation consenties par les associés de la société civile de moyens, que les cessionnaires n'étaient pas fondés à invoquer une prétendue violation de l'engagement de non-concurrence comme cause de résolution de leur propre engagement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur les deuxième et troisième branches du moyen :
Vu l'article 1315 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de nullité du contrat de cession et par voie de conséquence du contrat de prêt, la cour d'appel a retenu que si les cessionnaires se prévalaient de l'absence d'inventaire du mobilier cédé, inventaire prévu au contrat, Mme X... pouvait de son côté se prévaloir "à bon droit" de la clause de non-réclamation stipulée à l'acte, et que la preuve n'était pas rapportée de l'inexistence des éléments incorporels d'une valeur de 40 000 francs, objet de la convention, ou de l'absence de transfert de la propriété de ces éléments ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, n'étant pas contesté que l'inventaire prévu au contrat n'avait pas été établi, il appartenait au cédant, nonobstant la clause dite de non-réclamation stipulée au contrat, de prouver l'existence même des meubles qui en faisaient l'objet, et dont la cession en constituait partiellement la cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à la société civile de moyens (SCM) Pavillon Louis G..., Mme B..., Mme F..., épouse A..., Mlle C..., Mme Z... et M. D..., la somme totale de 1 800 euros ;
rejette la demande de Mme Y... et celle de la société BNP Paribas ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille deux.