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30/01/2002 | FRANCE | N°01-84256

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 janvier 2002, 01-84256


IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- Y...,
- X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 7 février 2001, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de présentation ou publication de comptes annuels infidèles, diffusion de fausses informations, faux et usage, distribution de dividendes fictifs et abus de biens sociaux, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant recevable la constitution de partie civile de Z...
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoir

es produits, en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi de X... :
Attend...

IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- Y...,
- X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 7 février 2001, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de présentation ou publication de comptes annuels infidèles, diffusion de fausses informations, faux et usage, distribution de dividendes fictifs et abus de biens sociaux, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant recevable la constitution de partie civile de Z...
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi de X... :
Attendu que, n'ayant pas personnellement demandé au juge d'instruction de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Z..., X... n'avait pas qualité pour relever appel de l'ordonnance rendue à la demande de Y... ;
Que, dès lors, son pourvoi n'est pas recevable ;
II. Sur le pourvoi de Y... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 242-6 du nouveau Code de Commerce (article 437 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966), l'article 441-1 du Code pénal, l'article 10-1, alinéa 3, de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, les articles 2, 31, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté Y...de sa demande tendant à ce que Z... soit déclaré irrecevable en ses constitutions de partie civile ;
" aux motifs que la constitution de partie civile de Z... a été contestée, par l'une des personnes mises en examen, devant le juge d'instruction, lequel a rendu une ordonnance de recevabilité de cette constitution de partie civile ; que les requérants reprochent à Z... d'avoir créé artificiellement son préjudice, en achetant ses titres du A... alors que les difficultés de cet établissement étaient déjà connues, acquisition qui aurait été faite à seule fin de pouvoir mettre en oeuvre l'action publique ; considérant qu'il suffit, pour qu'une partie civile soit recevable devant le juge d'instruction, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que, cependant, ce préjudice ne doit pas avoir été délibérément recherché par la partie civile à seule fin de mettre en mouvement l'action publique aux lieu et place du ministère public ; considérant qu'à la suite du rapport de la Cour des comptes transmis, le 6 août 1996, par le ministère de l'Economie et des Finances, demandant que des poursuites pénales soient engagées contre les dirigeants et les commissaires aux comptes du A..., une information était ouverte par le procureur de la République de Paris, le 2 décembre 1996, des chefs de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de faux et d'usage de faux ; considérant que, dans le cadre de cette information, Z..., porteur, depuis le 22 avril 1994, de 25 certificats d'investissement du A..., est intervenu, le 1er avril 1997, en se constituant partie civile dans cette information, corroborant la mise en oeuvre de l'action publique faite à l'initiative du ministère public ; considérant que Z..., avait également déposé plainte avec constitution de partie civile, le 31 décembre 1994, en qualité de titulaire d'un portefeuille boursier diversifié ; qu'en effet, il avait acquis, le 5 octobre 1992, 20 actions de B..., actionnaire du A... ; que, lors du dépôt de sa plainte, il était donc actionnaire de B... depuis plus d'un an et du A... depuis plus de 8 mois ; considérant que, si l'existence de difficultés au sein du A... était connue, notamment par divers articles parus dans la presse, au moment de l'acquisition par Z... des titres de cet établissement, il ne peut être exclu qu'il a pu estimer que le marché avait déjà sanctionné ces difficultés dont l'ampleur réelle était alors, encore méconnue, d'autant que l'intervention de la puissance publique était prévue, que les seuls comptes publiés étaient ceux de l'exercice 1992 et la situation semestrielle au 30 juin 1993, lesquels ne reflétaient que des pertes très minorées ; considérant que les comptes de l'exercice 1993, arrêtés par le conseil d'administration, en date du 24 mars 1994, n'ont été publiés au Bulletin des annonces légales obligatoires, que le 7 mai 1994, soit après l'achat des titres effectués par Z..., que la Cour des comptes n'avait pas déposé son rapport ; que l'Etat, actionnaire majoritaire du A..., n'a découvert lui-même, que progressivement le montant du préjudice causé et a été finalement surpris par son ampleur ;
considérant, comme l'a souligné le juge d'instruction, que l'absence d'"affection societatis" reproché, par les requérants, à Z..., titulaire de certificats d'investissement, ne saurait, dans une société de niveau international, lui interdire de faire valoir ses droits, d'autant que la question de la recevabilité de l'action "ut singuli" ne se pose pas, dès lors que Z... agit en son nom propre, afin d'obtenir réparation du préjudice dont se plaint l'intéressé suite à la publication de comptes inexacts et la diffusion de fausses informations aux actionnaires et souscripteurs ; considérant que les éléments ci-dessus mentionnés, le nombre de titre acquis par Z..., leur relative ancienneté, constituent un ensemble d'indices qui ne permettent pas d'exclure, pour ce dernier, l'existence d'un préjudice possible en relation directe avec les infractions reprochées aux personnes mises en examen ; qu'en conséquence, l'ordonnance querellée sera confirmée (cf. arrêt attaqué, p. 9, 10 et 11) ;
" alors que l'action civile, en réparation du dommage causé par un délit, n'appartient qu'à celui qui a personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que la dépréciation des titres d'une société découlant des agissements délictueux de ses dirigeants, constitue, non pas un dommage propre à chaque associé ou porteur de titre, mais un préjudice subi par la société elle-même ; que, dès lors, en déclarant recevable la constitution de partie civile de Z..., alors que le préjudice invoqué par ce dernier, qui tient à la dépréciation, qui aurait découlé des agissements délictueux de Y..., des certificats d'investissement du A... qu'il a acquis, est un préjudice subi par la société elle-même, et non un dommage propre à chaque associé ou porteur de titre, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" alors qu'il appartient, même au stade de l'information, à la partie civile, de prouver la possibilité du préjudice personnel et directement causé par l'infraction poursuivie qu'elle invoque ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de Z..., sans constater que ce dernier aurait apporté la preuve de la possibilité d'un préjudice personnel causé directement par les infractions poursuivies, ni même caractériser ou préciser en quoi résiderait une telle possibilité, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés ;
" alors que la partie civile n'est recevable à agir contre l'auteur de l'infraction, dont elle se prétend victime, que si elle peut justifier d'un intérêt légitime à agir ; que tel n'est pas le cas lorsque la partie civile, agissant uniquement pour des motifs d'intérêt général, a créé, elle-même, délibérément, le préjudice dont elle se plaint, à la seule fin d'emporter, par sa constitution de partie civile, la mise en mouvement de l'action publique, aux lieu et place du ministère public ; qu'en déboutant Y... de sa demande tendant à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Z..., en justifiant sa décision par le nombre de titres acquis par ce dernier, la relative ancienneté de leur acquisition par rapport à la date à laquelle il a déposé plainte avec constitution de partie civile, par la croyance que pouvait avoir Z..., au moment de l'acquisition des titres litigieux, que le marché eût déjà sanctionné les difficultés existant au sein de la société A... et qu'à cette date, l'ampleur de ces difficultés et le montant des pertes subies par cette société au titre de l'exercice 1993 n'était pas encore officiellement connus, donc par des motifs inopérants, dès lors qu'ils n'excluent nullement que Z... n'ait agi, lorsqu'il a acquis des certificats d'investissement de la société A..., à la seule fin de pouvoir se prévaloir, lors du dépôt ultérieur d'une plainte avec constitution de partie civile, de sa qualité de porteur de tels titres, la chambre de l'instruction a, de nouveau, privé sa décision de motifs, au regard des textes susvisés ;
" alors que la partie civile n'est recevable à agir contre l'auteur de l'infraction, dont elle se prétend victime, que si elle peut justifier d'un intérêt légitime à agir ; que, tel n'est pas le cas lorsque la partie civile, agissant uniquement pour des motifs d'intérêt général, a créé, elle-même, délibérément, le préjudice dont elle se plaint, à la seule fin d'emporter, par sa constitution de partie civile, la mise en mouvement de l'action publique, aux lieu et place du ministère public ; qu'en omettant de répondre au moyen péremptoire, soulevé par Y..., tenant à l'aveu fait par Z... qu'il n'acquérait des titres de société qu'à la seule fin de pouvoir porter plainte contre les dirigeants des sociétés les émettant et qu'il n'agissait, non pas pour défendre ses droits de porteur de titres, mais pour des motifs d'intérêt général, dont il se prévalait dans les médias, ce dont il résultait que Z... ne pouvait justifier d'un intérêt légitime à agir, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 20 mars 1995, une information a été ouverte au tribunal de grande instance de Lyon, sur plainte avec constitution de partie civile, du 31 décembre 1994, de Z..., porteur de 25 certificats d'investissement du A..., qui dénonçait l'absence de sincérité des comptes sociaux et des comptes consolidés arrêtés par le A... pour l'exercice 1993 ; que cette information a été jointe à celle ouverte le 2 décembre 1996 au tribunal de grande instance de Paris, sur réquisitions du procureur de la République, contre personne non dénommée, des chefs de diffusion de fausses informations, faux et usage ; que, le 1er avril 1997, Z... s'est constitué partie civile incidente dans cette procédure ;
Attendu que, le 10 mai 2000, l'avocat de Y..., mis en examen pour présentation de comptes infidèles, diffusion de fausses informations, distribution de dividendes fictifs, faux et usage et abus de biens sociaux, a saisi le juge d'instruction d'une demande tendant à voir déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Z... ; que, par ordonnance du 29 mai 2000, le juge d'instruction a rejeté cette demande ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, les juges retiennent que Z... a acheté ses titres avant la publication des comptes de l'exercice 1993 et qu'il agit en son nom propre afin d'obtenir réparation du préjudice résultant de la publication de comptes infidèles ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, et dès lors que le délit de présentation ou publication de comptes infidèles peut causer un préjudice personnel direct aux associés ou porteurs de titres d'une société, la chambre de l'instruction, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
I. Sur le pourvoi de X... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi de Y... :
Le REJETTE.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-84256
Date de la décision : 30/01/2002
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Société - Présentation ou publication de comptes infidèles - Préjudice subi par les associés ou actionnaires à titre personnel - Recevabilité.

SOCIETE - Société par actions - Société anonyme - Comptes annuels - Présentation ou publication de comptes infidèles - Action civile - Recevabilité - Préjudice direct subi par les associés ou actionnaires à titre personnel

ACTION CIVILE - Recevabilité - Société - Actionnaire - Présentation ou publication de comptes infidèles - Préjudice personnel et direct

Le délit de présentation ou publication de comptes annuels infidèles prévu par l'article L. 242-6.2° du Code de commerce, est de nature à causer un préjudice personnel et direct à chaque associé ou actionnaire. (1).


Références :

Code de commerce L242-6.2°

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre de l'instruction), 07 février 2001

CONFER : (1°). (1) En sens contraire : Chambre criminelle, 2000-12-13, Bulletin criminel 2000, n° 373, p. 1135 (rejet) ;

Chambre criminelle, 2000-12-13, Bulletin criminel 2000, n° 378 (2°), p. 1159 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jan. 2002, pourvoi n°01-84256, Bull. crim. criminel 2002 N° 14 p. 36
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 14 p. 36

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Challe.
Avocat(s) : Avocats : M. Hémery, la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Garaud-Gaschignard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:01.84256
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