AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° C 00-12.951 formé par :
1 / la compagnie Groupama - Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole, dont le siège est ...,
2 / la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud, dont le siège est Maison de l' Agriculture, bâtiment ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 janvier 2000 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des urgences), concernant :
1 / la Société d'exploitation des engrais mazametains Essor, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / la caisse régionale du Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes, dont le siège est ...,
3 / la coopérative Crédit mutuel Dauphiné-Vivarais, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° B 00-13.548 formé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes, en cassation du même arrêt concernant :
1 / la Société d'exploitation des engrais mazametains Essor,
2 / la compagnie Groupama - Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole,
3 / la coopérative Crédit mutuel Dauphiné-Vivarais,
4 / la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud,
défenderesses à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi respectif, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 décembre 2001, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Séné, conseiller rapporteur, Mme Borra, MM. Séné, Etienne, Mmes Bezombes, Foulon, conseillers, Mme Guilguet-Pauthe, conseiller référendaire, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Séné, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la compagnie Groupama et de la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société d'exploitation des engrais mazametains Essor, de la SCP Bouzidi, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes, de Me Choucroy, avocat de la coopérative Crédit mutuel Dauphiné-Vivarais, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint en raison de leur connexité les pourvois n° C 00-12.951 et B 00-13.548 ;
Donne acte à la compagnie Groupama - Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole et à la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud de ce qu'elles se désistent de leur pourvoi n° C 00-12.951 en ce qu'il est dirigé contre la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Sud-Rhône-Alpes ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 12 janvier 2000) que plusieurs créanciers, dont la Société d'exploitation des engrais mazametains Essor (la société Essor) et le Crédit mutuel Dauphiné-Vivarais (le Crédit mutuel) ont par acte du 26 août 1997 pratiqué des saisies-attributions à l'encontre de M. X..., entre les mains de la compagnie Groupama, sur l'indemnité d'assurance due à la suite de l'incendie d'un immeuble appartenant au débiteur saisi, sur lequel la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes (le Crédit agricole) avait inscrit une hypothèque ; que l'assureur n'a pas procédé au paiement des causes des saisies, le Crédit agricole ayant pratiqué une saisie-attribution entre les mains du tiers saisi sur la même créance par acte du 8 septembre 1997 et que la société Essor et le Crédit mutuel ont demandé à un juge de l'exécution de condamner la compagnie Groupama au paiement de leurs créances respectives ; que le Crédit agricole est intervenu volontairement à l'instance en se prévalant du privilège institué par l'article L. 121-13 du Code des assurances ; que le juge de l'exécution ayant accueilli les demandes de la société Essor et du Crédit mutuel, le Crédit agricole et la compagnie Groupama ont interjeté appels ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° C 00-12.951 :
Attendu que la compagnie Groupama et la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole Sud font grief à l'arrêt d'avoir condamné la compagnie Groupama à payer à la société Essor et au Crédit mutuel les créances qu'elles détenaient à l'encontre du débiteur saisi, alors, selon le moyen :
1 ) que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne déclare pas au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures, est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier ; qu'en condamnant la compagnie Groupama à régler les sommes dues à la société Essor et au Crédit mutuel pour n'avoir pas informé celles-ci de la saisie-attribution exercée par le Crédit agricole, tout en relevant que cette saisie était postérieure à celle des deux autres créanciers, de sorte que la compagnie Groupama ne pouvait fournir une telle information dont elle ne disposait pas encore, la cour d'appel a violé les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991. 56 59 et 60 du décret du 31 juillet 1992 ;
2 ) que le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie, le paiement pouvant intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester la saisie ; qu'en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnues devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le juge de l'exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi ; qu'en retenant encore que la compagnie Groupama ne pouvait refuser les paiements en invoquant les droits d'un créancier dont elle n'avait eu connaissance que postérieurement, tout en relevant que la saisie du Crédit agricole avait été pratiquée le 8 septembre 1997 et que la compagnie Groupama avait été avertie le 18 septembre suivant de l'absence de contestation de M. X..., ce dont il résultait que la compagnie Groupama avait eu connaissance des droits du Crédit agricole avant qu'elle ne soit tenue à paiement, la cour d'appel a violé les articles 61 et 64 du décret du 9 juillet 1991 ;
3 ) qu'en tout état de cause, en sanctionnant le refus de paiement de la compagnie Groupama, tout en considérant que la "résistance" de cette compagnie d'assurance n'était pas abusive dans la mesure où elle se fondait sur les dispositions contradictoires de l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article L. 121-13 du Code des assurances, ce qui "constituait une difficulté", la cour d'appel a violé les articles 61 et 64 du décret du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu que l'arrêt sanctionne le refus de paiement par le tiers saisi de la créance saisie entre ses mains sur le fondement de l'article 64 du décret du 31 juillet 1992, en sorte que la première branche fondée sur le manquement du tiers saisi à son obligation de renseignements est dirigée contre des motifs surabondants ;
Et attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que les saisies-attributions pratiquées par la société Essor et le Crédit agricole avaient emporté leur effet attributif, l'arrêt retient exactement que la compagnie Groupama ne pouvait refuser de payer aux premiers saisissants la créance saisie après le 18 septembre 1997, date à laquelle elle avait eu connaissance de la déclaration du débiteur qui ne contestait pas les saisies, même si le Crédit agricole lui avait préalablement, le 8 septembre 1997, fait connaître ses droits et avait pratiqué une saisie-attribution ;
Attendu, enfin, que les motifs critiqués par la troisième branche ne viennent pas au soutien de la condamnation en paiement prononcée contre l'assureur mais au soutien du rejet de la demande de dommages-intérêts dirigée contre lui pour résistance abusive ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° B 00-13.548 :
Attendu que le Crédit agricole reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à être payé par priorité en application de l'article L. 121-13 du Code des assurances, alors, selon le moyen :
1 ) que l'article L. 121-13 du Code des assurances confère aux créanciers privilégiés ou hypothécaires un droit personnel sur l'indemnité d'assurance due en raison de l'incendie de la chose assurée, cette indemnité ne tombant pas dans le patrimoine du débiteur ; que l'article 42 de la loi du 9 juillet 1991 prévoit que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ; qu'il s'évince de la combinaison de ces textes que la saisie-attribution ne peut porter que sur des créances appartenant au débiteur et se trouvant dans le patrimoine de celui-ci au jour de la saisie ; qu'en affirmant péremptoirement que l'article 43 consacre l'attribution immédiate de la créance saisie disponible et investit le créancier saisissant d'un droit de propriété sur la créance saisie, qu'il précise tout aussi clairement que la signification des saisies ultérieures, même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause l'attribution, pour décider que la saisie-attribution du Crédit agricole, dont il n'est contesté par quiconque qu'elle concernait une créance hypothécaire, ne pouvait néanmoins primer des saisies faites antérieurement, nonobstant l'article L. 121-13 du Code des assurances prévoyant que les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie,
notamment, sont attribuées aux créanciers privilégiés ou hypothécaires, qu'il importe peu que le Crédit agricole ait voulu appréhender des sommes qui n'entraient pas dans le cadre de son privilège ou allègue que les indemnités à caractère immobilier n'étaient pas disponibles puisque cette saisie était postérieure à celle des intimés, saisie ayant emporté, en tout état de cause, l'attribution immédiate des sommes saisies à leur profit, indisponibles de ce fait pour le Crédit agricole la cour d'appel qui fait produire un effet à des saisies inopérantes dès lors qu'aucune créance n'existait dans le patrimoine du débiteur assuré sur l'assureur a violé les textes susvisés ;
2 ) que l'article L. 121-13 du Code des assurances confère aux créanciers privilégiés ou hypothécaires un droit personnel sur l'indemnité d'assurance due en raison de l'incendie de la chose assurée et que cette indemnité ne tombe pas dans le patrimoine du débiteur ; qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune saisie-attribution ne peut être faite sur l'indemnité d'assurance à concurrence des droits du créancier privilégié ou hypothécaire dès lors que l'indemnité n'est jamais entrée dans le patrimoine du débiteur ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé le texte susvisé ensemble les articles 42 et suivants de la loi du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu que l'opposabilité du droit propre au paiement de l'indemnité d'assurance, institué par l'article L. 121-13 du Code des assurances au profit des créanciers privilégiés ou hypothécaires, est subordonnée à une demande en paiement à ce titre adressée à l'assureur par le créancier qui invoque ce privilège ;
Et attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le Crédit agricole ne s'était prévalu de ses droits au bénéfice de l'article L. 121-13 du Code précité que postérieurement aux saisies-attributions pratiquées par la société Essor et le Crédit mutuel, lesquelles avaient emporté un effet attributif immédiat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la compagnie Groupama, la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud et la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la compagnie Groupama et de la Caisse régionale de réassurance mutuelle agricole du Sud, la demande de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel Sud-Rhône-Alpes ; condamne la compagnie Groupama à payer à la Société d'exploitation des engrais mazametains Essor la somme de 2 275 euros ou 14 923,02 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par Mme Borra, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trente janvier deux mille deux.