AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux janvier deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 2 octobre 2001, qui a déclaré irrecevables ses appels des ordonnances du juge d'instruction, le renvoyant pour assassinat, devant la cour d'assises des mineurs de SEINE-SAINT-DENIS ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 179, 181 et suivants, 186, 186-2, 194 et suivants, 206 et suivants, ensemble les articles 485 et 591 du Code de procédure pénale, des principes régissant les droits de la défense, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit irrecevables les appels interjetés par le demandeur ;
" aux motifs qu'il résulte de la procédure, que l'ordonnance de mise en accusation et l'ordonnance de rectification d'erreur matérielle ont été notifiées à Me Y..., avocat de X..., " barreau de Paris, 4 boulevard du Palais Paris " alors que sur son courrier du 28 septembre 2000, par lequel cet avocat se constituait en transmettant sa commission d'office, en date du 12 septembre, figurait son adresse, à savoir "... ", adresse figurant également dans la correspondance du 15 janvier 2001, par lequel il se plaignait de ne pas avoir reçu notification de l'avis prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale ; que ces avis adressés à une adresse erronée, n'ont pas pu avoir pour effet de faire courir le délai d'appel ; que, toutefois, Me Y..., qui a eu connaissance de ces décisions par l'intermédiaire de son client a, le 18 juin 2001, déposé au greffe de la chambre de l'instruction, une requête en annulation, par laquelle il sollicitait, comme dans le présent mémoire, l'annulation des notifications d'expertise, en date des 13 et 14 septembre 2000, de l'avis de l'article 175 du 14 septembre 2000, des ordonnances de règlement des 10 janvier et 1er mars 2001 et sa mise en liberté ; que, par ordonnance du président de cette chambre, en date du 24 juillet 2001, cette requête était déclarée irrecevable, aux motifs essentiels que la régularité des décisions juridictionnelles susceptibles, comme en l'espèce, d'appel, ne peut être examinée que dans le cadre de cette voie de recours et qu'à ce jour, il n'avait pas interjeté appel, ni de l'ordonnance de mise en accusation, ni de l'ordonnance rectificative ; qu'il résulte des termes de la requête en nullité déposée par l'avocat de X..., que cet avocat avait parfaitement connaissance des deux ordonnances dont il sollicitait l'annulation ; que, dès lors, la décision du président de la chambre de l'instruction déclarant cette requête irrecevable et indiquant clairement que la seule voie de l'appel était ouverte à l'encontre desdites ordonnances a, à compter de sa notification, fait courir le délai d'appel ; que l'ordonnance du président ayant été régulièrement notifiée au demandeur et à son avocat, le 23 juillet 2001, les appels interjetés au delà du délai de 10 jours prévus à l'article 186 du Code de procédure pénale, sont irrecevables ;
" alors, d'une part, que le délai d'appel des ordonnances du juge d'instruction ne sauraient courir en l'absence d'une notification régulière de la décision, peu important la connaissance effective de cette décision ; qu'en décidant le contraire, motif pris, que le conseil du demandeur avait eu connaissance des décisions du juge d'instruction par l'intermédiaire de son client, ayant déposé au greffe de la chambre de l'instruction, le 18 juin 2001, une requête en annulation, la chambre de l'instruction, qui fixe le point de départ du délai à la date de notification de la décision du président de la chambre de l'instruction pour en déduire à l'irrecevabilité de l'appel, a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que le délai d'appel des ordonnances du juge d'instruction, a pour point de départ exclusivement une notification régulière ; qu'ayant constaté l'irrégularité des notifications, que le délai d'appel n'avait pu, en conséquence faire courir, puis décidé que l'appel est irrecevable, motif pris que le conseil du demandeur avait eu connaissance de ces décisions, ayant déposé au greffe de la chambre de l'instruction, le 18 juin 2001, une requête en annulation, le président de la chambre de l'instruction ayant rendu une décision notifiée, qu'une telle notification a fait courir le délai d'appel, cependant qu'un tel appel n'aurait pu avoir pour objet que cette décision, à l'exclusion des ordonnances appelées, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles 183 et 186 du Code de procédure pénale ;
Attendu que seule la notification, faite conformément aux dispositions de l'article 183 du Code de procédure pénale, fait courir le délai d'appel d'une ordonnance rendue par le juge d'instruction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance du 10 janvier 2001, le juge d'instruction a renvoyé X... devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis, du chef d'assassinat et que par ordonnance rectificative du 1er mars suivant, l'accusé, mineur à la date des faits, a été renvoyé devant la cour d'assises des mineurs ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables comme tardifs, après les avoir joints, les appels de ces ordonnances, formés le 21 août 2001, les juges retiennent que si ces décisions lui ont été notifiées à une adresse erronée, d'une part, l'avocat du mis en examen en a eu connaissance par celui-ci, d'autre part, la notification régulière à cet avocat, le 23 juillet 2001, de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction statuant sur sa requête en annulation des ordonnances de règlement, a fait courir le délai d'appel ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, en l'absence de notification régulière des ordonnances entreprises dont la connaissance par toute autre voie est inopérante, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 2 octobre 2001, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;