AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize janvier deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions écrites de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Yves,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 25 avril 2001, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 1741 et 1743A du Code général des impôts, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale et de la règle "non bis in idem" ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... coupable du délit de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par omission de déclaration sur le revenu dû au titre de 1995, le condamnant à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d'amende, ainsi qu'à des mesures de publication et d'affichage ;
"aux motifs que l'intention dont était animé Yves X... de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu est caractérisé par le fait qu'en dépit des mises en demeure, il s'est abstenu de souscrire sa déclaration de revenus ;
que le prévenu n'est en effet pas crédible lorsqu'il prétend qu'aucun courrier de l'Administration ne lui est jamais parvenu alors que des mises en demeure lui avaient déjà été adressées, au cours des années antérieures, à la suite des mêmes carences déclaratives au titre des années 1991 et 1993 ; que Yves X... ne peut donc se prévaloir d'une absence d'intention frauduleuse dès lors qu'il a, par des manquements répétés aux obligations déclaratives constatés lors des exercices précédents, manifesté une volonté évidente de dissimulation ;
"alors, d'une part, que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été condamné ; qu'à ce titre, constituent une accusation en matière pénale et une sanction pénale au sens de la Convention européenne, les pénalités et amendes que l'administration fiscale prévoit en cas de retard dans l'établissement de déclarations ou défaut de déclaration ; qu'ainsi, ayant elle-même constaté (arrêt p. 6 in fine) que le demandeur avait déjà été l'objet de poursuites et de sanctions de la part des services fiscaux pour des agissements identiques à ceux déférés aux juridictions répressives, la cour d'appel ne pouvait légalement entrer en voie de condamnation à l'encontre de ce dernier sans violer la règle "non bis in idem" ;
"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, en vertu du principe de la présomption d'innocence, lorsque les éléments présentés au juge n'entraînent pas une certitude absolue, celui-ci doit considérer qu'il demeure un doute dont le prévenu doit bénéficier ; qu'à ce titre, en ce qui concerne la commission des délits relatifs à l'établissement de l'impôt, il ressort de l'article 1743A du Code général des impôts que c'est au ministère public et à l'administration fiscale qu'incombe la charge de rapporter la preuve de l'existence d'une intention frauduleuse ; qu'en se bornant à fonder la culpabilité du demandeur sur le comportement qu'aurait prétendument eu ce dernier lors de déclarations sur le revenu antérieur, circonstance inopérante au regard de l'objet du litige, sans rechercher si, pour ce qui concerne précisément l'établissement de la déclaration de revenus 1995, seule visée à la prévention, la preuve était rapportée par l'administration fiscale de la réception effective par ce dernier de la mise en demeure qui lui avait été adressée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu, d'une part, que l'interdiction d'une double condamnation à raison des mêmes faits prévue par l'article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif ;
Attendu, d'autre part, que, pour déclarer Yves X... coupable de fraude fiscale, pour avoir omis de faire sa déclaration de revenus au titre de l'année 1995, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen ;
Qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le défaut de retrait du courrier de mise en demeure adressée au contribuable, concernant la déclaration de revenus de 1995, ne dépend pas de l'Administration expéditrice, qui doit seulement établir l'envoi de cette mise en demeure, et que, pour caractériser l'élément intentionnel, les juges peuvent se référer au comportement antérieur du prévenu concernant les mêmes carences déclaratives, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;