Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 1998), que la société Noblet s'est engagée à acquérir la totalité des actions de la société Proffice, bénéficiaire d'un plan de redressement par continuation, sous la condition que le passif soit réduit à 4 000 000 francs, après abandon de certaines créances ; que les deux sociétés ont donné mandat à la société La Financière privée (LFP), dont M. X... était le dirigeant, de racheter les dettes chirographaires en utilisant une enveloppe globale de 4 000 000 francs mise à sa disposition par la société Noblet ; qu'après le rachat de seize créances chirographaires par la société mandataire et l'arrêt définitif du prix de cession des actions de la société Proffice, intervenu au cours du mois de mai 1995, la société Noblet a découvert que des créances restaient à régler et que le coût de l'opération de rachat dépassait la somme de 4 000 000 francs ; que, par ailleurs, M. Y..., dirigeant de la société Proffice, avait fait procéder, le 31 octobre 1994, date même de la cessation de ses fonctions, au paiement des honoraires de la société LFP ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société LFP, la société Proffice a déclaré sa créance correspondant au montant des honoraires versés qu'elle estimait injustifiés ; qu'elle a ensuite assigné la société LFP, MM. Y... et X..., devant le tribunal de commerce pour voir fixer sa créance au passif de la première et pour voir condamner les seconds au paiement d'une somme correspondant au montant des honoraires versés à la société LFP et au paiement de dommages-intérêts ; que le tribunal a fixé la créance de la société Proffice au passif de la société LFP à une certaine somme et a rejeté les autres demandes ; que la société Proffice a fait appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Proffice, devenue la société Noblet informatique (la société), fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le jugement en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la société LFP et de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande de fixation de créance au passif de cette société, alors, selon le moyen, qu'est recevable une action en justice, engagée après l'ouverture d'une procédure collective, qui ne tend qu'à la constatation de la créance et à fixation de son montant et non pas à la condamnation du débiteur ; qu'en décidant le contraire, aux motifs erronés que " la fixation de la créance, au sens de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, ne peut être que la conséquence de la reprise d'une instance introduite antérieurement au jugement d'ouverture ", la cour d'appel a violé les articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-41 du Code de commerce, que seule une instance en cours devant un juge du fond au jour du jugement d'ouverture enlève au juge commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance ; qu'en conséquence, tout créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture doit se soumettre à la procédure de vérification des créances et ne peut, après l'ouverture de la procédure collective, engager une action en justice tendant à la constatation de sa créance et à la fixation de son montant devant une autre juridiction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, en ce qu'il a rejeté les autres demandes de Proffice fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et dirigées contre MM. Y... et X..., alors, selon le moyen :
1o que constitue une faute imputable à M. Y..., le fait, à la veille de la cessation de son mandat de représentant légal de la société Proffice, d'avoir délibérément précipité un important paiement, qui s'imposait d'autant moins qu'outre l'absence de facture, la prestation contractuellement convenue n'avait même pas encore été exécutée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2o que la faute précitée imputable à M. Y... a été à l'origine directe du préjudice de la société, qui s'est par suite appauvrie d'une importante somme, dont elle n'a pu discuter le montant en temps opportun et se trouvait dans l'impossibilité d'obtenir la répétition, même partielle, en raison de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société LFP ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu que le fait pour M. Y... d'avoir réglé le 31 octobre 1994, jour de la cessation de ses fonctions, des honoraires qui n'ont donné lieu à une facturation que le 3 novembre suivant, ne pouvait suffire à établir la réalité d'une collusion entre ce dirigeant et celui de la LFP ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant exclu la faute de M. Y... au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur le préjudice prétendument subi par la société ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.