AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 janvier 2000 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre civile, section B), au profit de Mme Y..., épouse X...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience du 28 novembre 2001, où étaient présents : M. Buffet, président, M. Grignon Dumoulin, conseiller référendaire rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, Mme Claude Gautier, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Grignon Dumoulin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 janvier 2000), que Mme Y... a assigné son époux en divorce pour faute sur le fondement de l'article 242 du code civil et que celui-ci a formé une demande reconventionnelle aux mêmes fins ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés alors, selon le moyen :
1 / que les juges du fond ne sauraient admettre la valeur probante du constat d'adultère sans avoir, au préalable, vérifié sa régularité et sa licéité au regard des exigences de l'article 259-2 du Code civil, qu'en l'absence de toute constatation permettant d'établir que le constat, retenu à l'appui de la faute de M. X..., avait bien été dressé sur autorisation judiciaire et ne constituait pas une atteinte illicite à la vie privée, la cour d'appel a violé les articles 9 et 259-2 du Code civil ;
2 / que si l'appréciation de la faute en matière de divorce relève du pouvoir souverain des juges du fond, ceux-ci n'en demeurent pas moins tenus de motiver leur décision, en rapportant avec précision les faits constitutifs d'adultère, relatés dans le constat, de nature à établir une faute dans les conditions de l'article 242 du Code civil, qu'en s'abstenant de toute indication sur les circonstances de l'adultère, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 242 du Code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions ni de la décision attaquée que la régularité du constat d'adultère ait été contestée devant les juges du fond ; que le moyen est donc nouveau ; qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Et attendu que, sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 242 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation le pouvoir souverain de la cour d'appel qui a constaté que l'adultère de M. X... constituait une violation grave des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, irrecevable en sa première branche, ne peut qu'être écarté pour le surplus ;
Sur le second moyen, pris en sa première et en sa deuxième branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital et d'une rente mensuelle alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant que, jusqu'à présent, M. X... avait connu une situation professionnelle stable, tout en constatant qu'il avait fait l'objet d'un licenciement économique en décembre 1996, puis d'un emploi auprès de la société Synchro qui avait déposé son bilan en mai 1998, puis qu'il était gérant d'une société Corbeilles dont la quasi totalité des parts appartenait à son amie, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, admettre une situation stable d'autant qu'elle refusait de reconnaître que Mme Y... était dans une situation durable avec M. A..., qu'ainsi la cour d'appel a adopté des motifs contradictoires pour déterminer les facultés contributives de l'époux débiteur de la prestation compensatoire ;
2 / que la cour d'appel qui retient qu'il bénéficie actuellement d'un revenu mensuel de 15 000 francs assorti de 10 000 francs de charges, ce qui laisse au débiteur un revenu disponible de 5000 francs mensuels ne peut justifier sa décision d'une manière cohérent puisqu'il ne lui restera que 1000 francs mensuels ;
Mais attendu que c'est sans contradiction que l'arrêt, après avoir relevé que M. X... avait jusqu'alors connu une situation professionnelle stable, a pris en compte ses occupations professionnelles successives depuis qu'il avait fait l'objet d'un licenciement économique en décembre 1996 ;
Et attendu que sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la cour de cassation, l'appréciation souveraine par la cour d'appel de l'existence de la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le moyen d'annulation relevé d'office après un avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Vu les articles 274 et 276 du Code civil, modifiés par la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 et l'article 23 de la même loi ;
Attendu que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; qu'à titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, en raison de l'âge où de l'état de santé du créancier ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
qu'il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 272 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt a condamné M. X... à verser à titre de prestation compensatoire un capital et une rente mensuelle viagère ;
Que cette décision non applicable aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée doit, en conséquence, être annulée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du second moyen :
ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la fixation de la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 26 janvier 2000 par la cour d'appel d'Angers ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour d'appel, statuant en formation ordinaire et autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille un.