AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 2001, qui, après sa condamnation définitive pour recel, a prononcé sur les intérêts civils :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, L.611-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, défaut de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils a condamné Michel X... à payer à la société Orthomed la somme de 1 778 256 francs à titre de dommages et intérêts, calculée sur la différence entre le prix de revient et le prix de revente des ligaments recelés par Michel X... ;
"aux motifs que les ligaments volés à la société Orthomed et recelés par Michel X... ont été vendus à des cliniques ; que, s'ils ne leur avaient pas été proposés, celles-ci, auxquelles ils étaient nécessaires pour des opérations de chirurgie orthopédique, les auraient forcément achetés à Ia société Orthomed, puisqu'à l'époque cette dernière avait l'exclusivité de leur fabrication ; que le préjudice dont l'appelante fait état, et qui est la conséquence directe de l'infraction commise par Michel X..., est donc certain ;
"alors, d'une part, que le préjudice qui résulte directement du recel d'un bien volé n'équivaut pas nécessairement à la perte de la marge bénéficiaire qu'aurait pu faire le propriétaire s'il avait vendu le bien, dès lors que cette vente n'a pas eu lieu ; qu'en octroyant à la société Orthomed l'intégralité de la marge bénéficiaire qu'elle espérait faire sur les ligaments recelés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que la société Orthomed, propriétaire d'un brevet sous lequel elle vendait des ligaments Ligastic, n'avait pas et n'a jamais eu l'exclusivité de la vente de l'ensemble des ligaments figurant sur le marché ; qu'à défaut d'avoir acheté les ligaments recelés par Michel X..., les cliniques qui les ont achetés auraient eu la possibilité d'acheter d'autres ligaments, notamment des ligaments Liganove ; qu'en déduisant du droit de propriété détenu par la société Orthomed sur son brevet une exclusivité inexistante sur l'ensemble du marché, et l'impossibilité pour les cliniques de se fournir ailleurs que
chez elle, la cour d'appel a indemnisé un préjudice inexistant et violé les textes précités ;
"alors, encore, que, faute de constater avec certitude que les ligaments utilisés par les cliniques auraient été les ligaments recelés, la cour d'appel a violé les principes relatifs à l'indemnisation du préjudice en accordant réparation d'un dommage incertain et aléatoire ;
"alors, enfin, que Michel X... faisait valoir que, rien ne venant démontrer que les ligaments recelés auraient été tous revendus, les clients potentiels s'étaient nécessairement retournés vers la société Orthomed, laquelle leur avait vendu d'autres ligaments identiques, avec la même confortable marge bénéficiaire (22 fois le prix de revient), dont elle ne pouvait obtenir deux fois le paiement ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Attendu qu'en évaluant comme elle l'a fait, la réparation du préjudice de la partie civile, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né du délit de recel ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;