AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze décembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me BALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Fatma,
- X... Hamed,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 5 mars 2001, qui, pour dénonciation calomnieuse, les a condamnés à six mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 francs d'amende ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510 et 591 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, vice de forme ;
"en ce qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué qu'un greffier a assisté à l'audience des débats du 8 janvier 2001 ;
"alors que le greffier faisant partie intégrante de la juridiction, sa présence doit être constatée à toutes les audiences, à peine de nullité" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, lorsque la décision a été lue par le président, celui-ci était assisté par M. Dari, greffier, dont la signature figure au bas de la dernière page ;
Attendu que, si l'arrêt ne précise pas que le greffier a également assisté à l'audience des débats, il n'en résulte aucune irrégularité ;
Qu'en effet, il doit être présumé que le greffier qui a assisté à l'audience à laquelle la décision a été prononcée a également assisté aux débats ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 et 226-31 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Fatma Y... et Hamed X... coupables de dénonciation calomnieuse et, en répression, les a condamnés chacun à six mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 francs d'amende ;
"aux motifs que les prévenus ont adressé, le 26 novembre 1997, au ministre de l'intérieur et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan, une lettre dans laquelle ils dénonçaient l'attitude des gendarmes de Cavalaire, lesquels auraient, dans la soirée du 20 août 1997, sans aucune raison, "attrapé avec violence" puis "molesté" leur fils de treize ans, Brahim X..., "le menaçant même de leur arme", avant de frapper sa soeur, Malika X..., âgée de seize ans, et d'amener celle-ci à la gendarmerie où ils l'auraient "obligée à regarder un film pornographique à la télévision", "tout en faisant des plaisanteries et réflexions grossières à caractère sexuel à son égard" ; qu'ils ajoutaient dans ce même courrier qu'ils étaient allés à la gendarmerie chercher leur fille et qu'à leur tour ils avaient "essuyé des insultes racistes", leur fille étant alors "littéralement jetée hors du local par les gendarmes" qui s'étaient ensuite attaqués à leur voiture qui avait subi des dégâts et qui les avaient poursuivis dans la rue en les terrorisant ; qu'à l'appui de leur plainte, les prévenus ont produit des certificats médicaux, un devis de réparation de leur automobile et deux attestations rédigées le 22 août 1997 par deux individus interpellés le 20 août 1997 par les gendarmes de Cavalaire ; que l'enquête diligentée a démontré que les accusations ainsi portées n'étaient pas fondées ; que la lettre de dénonciation du 26 novembre 1997, dirigée contre des personnes déterminées, en l'espèce les gendarmes en fonction à la brigade de Cavalaire le 20 août 1997, adressée à deux autorités ayant le pouvoir d'y donner suite, en l'espèce le ministre de l'intérieur et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Draguignan, visait plusieurs faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires et disciplinaires, à savoir des violences commises sur Brahim X..., mineur de quinze ans, par des personnes dépositaires de l'autorité publique, des violences commises sur Malika X... par des personnes dépositaires de l'autorité publique, une corruption de mineure en la personne de Malika X... alors âgée de seize ans, des injures à caractère raciste et des dégradations volontaires ; que si, en ce qui concerne les violences dont malika X... aurait fait l'objet, la mauvaise foi des prévenus n'est pas suffisamment établie, il en va différemment des autres faits dont ils ne pouvaient ignorer le caractère inexact ; qu'il y a donc lieu de déclarer les prévenus coupables de l'infraction visée à la prévention ;
"alors que la dénonciation calomnieuse n'est constituée que lorsque des accusations mensongères sont portées contre une personne déterminée, pouvant entraîner à l'encontre de celle-ci des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ; qu'en l'espèce, la plainte adressée par Hamed X... et Fatma Y... au ministre de l'intérieur et au procureur de la République ne visait aucune personne déterminée, puisqu'elle incriminait sans autre précision "des gendarmes de Cavalaire" ;
qu'ainsi, aucune sanction collective ne pouvant être prononcée pour des faits mettant en cause le comportement de gendarmes non dénommés par la plainte, le délit de dénonciation calomnieuse n'était pas constitué ; qu'en en jugeant autrement, au motif que la lettre de dénonciation était "dirigée contre des personnes déterminées, en l'espèce les gendarmes en fonction à la brigade de Cavalaire le 20 août 1997" (arrêt attaqué, p. 5 7), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de dénonciation calomnieuse, l'arrêt retient qu'ils ont adressé au procureur de la République une lettre dans laquelle ils accusaient faussement les gendarmes de Cavalaire de s'être comportés de façon répréhensible à l'égard de leurs enfants et d'eux-mêmes ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué au moyen, dès lors que l'article 226-10 du Code pénal n'exige pas que les personnes dénoncées soient désignées par leur nom, mais seulement qu'elles soient identifiables ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;