Attendu que, du 1er septembre au 31 décembre 1994, la société Esso, menant une opération de promotion, offrait de vendre à prix coûtant, à tout automobiliste acquérant une quantité minimum de carburant dans l'une de ses stations-service situées en France, un album de bandes dessinées de Lucky Z... ; que Mme Anne X..., aux droits de feu son père René X..., auteur des scénarios de certains des recueils concernés, et la société Editions Dupuis, titulaire des droits d'édition sur tous, ont assigné en contrefaçon devant le juge civil, outre la société Esso, M. de Bévère, dit Morris, auteur des dessins des ouvrages, la société britannique Beechroyd Consultants limited, gestionnaire des droits de celui-ci, les deux sociétés suisses Lucky A..., devenue Lucky Y..., en charge de l'exploitation commerciale des séries Lucky Z..., et Luky productions, éditeur ; que les juges ont condamné in solidum lesdites sociétés à dommages-intérêts, et dit que la société Lucky productions devait garantir intégralement la société Esso ;
Sur le premier moyen, commun au pourvoi principal introduit par M. de Bévère, la société Beechroyd et les deux sociétés Lucky, et au pourvoi incident de la société Esso :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt (Paris, 1er décembre 1999) d'avoir, en faisant droit à l'action de Mme X..., méconnu, au regard de l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, ses propres constatations selon lesquelles l'intéressée avait, dans un premier temps au moins, ratifié, en pleine connaissance de cause et sans réserve l'opération de promotion Esso, par son envoi d'un relevé d'identité bancaire à la société Lucky productions et l'acceptation consécutive de redevances, étant ainsi caractérisé un accord ferme de principe sur l'utilisation des albums en cause, exclusif de la mauvaise foi nécessaire à la contrefaçon ;
Mais attendu que si un accord peut résulter de sa ratification par celui dont le consentement initial n'est pas rapporté, c'est à la condition que celle-ci soit suffisamment précise dans son contenu et certaine dans son intention ; que les juges du fond ont relevé l'absence d'explication ayant accompagné l'adresse à Mme X..., par la société Lucky Productions d'un chèque, retourné du reste à l'expéditeur après obtention d'éclaircissements fournis par l'éditeur Dupuis, tout ceci en suite d'entretiens tenus entre les diverses parties en octobre-novembre 1994 mais d'objets insuffisamment déterminés, mêmes s'ils donnèrent lieu à l'envoi d'un relevé d'identité bancaire ; que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain qu'ils ont pu estimer non établi le consentement rétroactif de Mme X... à l'utilisation publicitaire des albums Lucky Z..., et, partant, légalement décidé que la contrefaçon, caractérisée par la reproduction, la représentation ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés, était constituée ;
Sur le second moyen, également commun au pourvoi principal et au pourvoi incident :
Attendu qu'il est aussi reproché à l'arrêt d'avoir, en faisant droit à l'action de la société Editions Dupuis, encore méconnu, au même regard de l'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle, ses constatations selon lesquelles ladite société avait, dans une lettre du 16 août 1994, donné une autorisation de principe sur l'opération de promotion Esso et permis l'impression des albums destinés à celle-ci, son absence d'intention frauduleuse excluant alors de retenir la contrefaçon au fondement de la décision ;
Mais attendu qu'il est relevé, non seulement que par la lettre télécopiée dont s'agit, la société Editions Dupuis renvoyait à un contrat ultérieur dont les termes exacts demeuraient inconnus, mais, en outre, qu'elle était une réponse à une correspondance plus générale de la société Lucky A... disant vouloir " clarifier pour l'avenir les produits détenus par Dupuis, Beechroyd et elle-même ", sans que la convention à en attendre s'applique pour l'opération Esso ; que la cour d'appel a ainsi souverainement établi l'absence de tout consentement de la société Editions Dupuis à l'exploitation des droits de propriété intellectuelle dont elle était titulaire, et justifié légalement sa décision de dire constituée la contrefaçon ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.