AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Thérèse X..., demeurant section Saint-Félix, 97190 Le Gosier,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 juin 1999 par la cour d'appel de Basse-Terre (audience solennelle), au profit de M. Albert Y..., demeurant section Dunoyer, 97190 Le Gosier,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 octobre 2001, où étaient présents : M. Weber, président, Mme Stéphan, conseiller rapporteur, MM. Toitot, Bourrelly, Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Gabet, conseillers, M. Betoulle, Mme Nési, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Stéphan, conseiller, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme X..., de Me Le Prado, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse- Terre, 16 juin 1999), statuant sur renvoi après cassation (Civ.3, 2 juillet 1997, 1170 D), que M. Y... a donné à bail à Mme X... un terrain nu avec autorisation de construire ; que la locataire y a construit un local à usage de restaurant ; que le bailleur lui a donné congé, pour le 30 avril 1990, avec offre d'une indemnité d'éviction sur laquelle il est revenu postérieurement ; que Mme X... l'a assigné en annulation du congé et subsidiairement en paiement d'une indemnité ; que M. Y... a, reconventionnellement, sollicité des dommages et intérêts pour construction abusive sur le terrain donné à bail ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer valable le congé à effet du 30 avril 1990 et de la débouter de sa demande d'indemnité d'éviction, alors, selon le moyen :
1 / qu'en reprochant tour à tour à Mme X..., pour justifier la perte de son droit au renouvellement de son bail, d'avoir cédé son fonds et d'avoir sous-loué l'immeuble, la cour d'appel a laissé incertain le fondement juridique de sa décision, la privant ainsi de base légale au regard des articles 4, 8, 9-1 et 21 du décret du 30 septembre 1953 ;
2 / qu'en retenant que Mme X... avait cédé son fonds ou sous-loué l'immeuble à une société l'Alibi, sans rechercher si l'infraction n'avait pas cessé avec l'ordonnance de référé du 7 juin 1995 prononçant la résiliation du bail et l'expulsion de cette société , la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 4, 8, 9-1 et 21 du décret du 30 septembre 1953 ;
3 ) que selon l'article 9-1 du décret du 30 septembre 1953 , le bailleur ne peut refuser le renouvellement du bail sans indemnité d'éviction que s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ; qu'en décidant que Mme X... devait être privée d'indemnité d'éviction à raison de la sous-location irrégulière des locaux à la société Jade, sans constater la gravité de cet acte, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du texte susvisé ;
Mais attendu qu'ayant retenu, d'une part, que lors de la comparution personnelle des parties du 26 mars 1993, Mme X... avait reconnu avoir cédé à un tiers son fonds de commerce exploité dans les lieux loués, que la cession avait eu lieu sans que le bailleur ait été invité à y participer ni qu'elle lui ait été dénoncée, qu'elle était donc irrégulière, d'autre part , que Mme X... ne justifiait pas d'un préjudice résultant du refus de renouvellement du bail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit, sans laisser incertain le fondement juridique de sa décision, que la locataire ne pouvait prétendre à une indemnité d'éviction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à M. Y... à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en allouant des dommages-intérêts au bailleur en réparation du préjudice que lui aurait causé la poursuite de travaux sur l'immeuble par la locataire après le congé en dépit de l'interdiction qui lui avait été faite, sans distinguer ce chef de préjudice de celui déjà réparé par la démolition de la construction aux frais du locataire, jugé de mauvaise foi, ordonnée en application de l'article 555 du Code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ce texte et de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, qu'ayant retenu qu'en faisant dans l'immeuble construit par elle sur le terrain loué d'importantes transformations, postérieurement à la délivrance du congé et en dépit d'une interdiction du bailleur, Mme X... avait commis une faute qui avait entraîné un préjudice pour M. Y... en rendant plus difficile l'expulsion, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à M. Y... la somme de 12 000 francs ou 1829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille un.