AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mlle Françoise Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 mai 1999 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre A), au profit :
1 / de la société civile immobilière (SCI) Colleu Pages, dont le siège est ...,
2 / de M. Daniel C...,
3 / de Mme Monique C...,
demeurant ensemble ...,
4 / de M. André Z...,
5 / de Mme Marie-Odile Z...,
demeurant ensemble "Les Jardins de l'Ecole", 56140 Pleucadeuc,
6 / de Mme Brigitte F..., demeurant ...,
7 / de M. Patrick B..., demeurant ...,
8 / de M. François X..., liquidateur, domicilié ..., pris en sa qualité de liquidateur de la société Au Jardin de la liberté,
9 / du syndicat des copropriétaires du ..., dont le siège est ..., pris en la personne de son syndic, M. A...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 2001, où étaient présents : M. Weber, président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, Assié, Mme Gabet, conseillers, M. Betoulle, Mme Nési, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de Mlle Y..., de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société civile immobilière (SCI) Colleu Pages, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la déchéance du pourvoi relevée d'office, en ce qu'il est dirigé contre le notaire, M. B..., après avis donné aux avocats :
Vu les articles 978, alinéa 1er, et 981 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Mlle Y... s'est pourvue en cassation le 30 août 1999 contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 26 mai 1999, rendu dans une instance mettant en cause la responsabilité professionnelle de M. B..., notaire ;
Attendu que l'acte de signification à M. B... du mémoire contenant les moyens de la demanderesse a été délivré le 27 janvier 2000 à M. D..., notaire désigné comme destinataire de l'acte, avec mention de sa qualité de "successeur de M. B..., décédé, aux droits duquel il succède" ;
Attendu qu'une telle mention ne pouvant être regardée, en l'absence d'autres éléments, comme justifiant de ce que M. D... ait eu qualité pour recevoir l'acte, comme tenu des obligations de son prédécesseur, il s'ensuit que la signification est irrégulière et que la déchéance est encourue ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 mai 1999), que la société civile immobilière (SCI) Colleu Pages, nue-propriétaire d'immeubles, a assigné le syndicat des copropriétaires de la rue Vasselot, les consorts Z... et C..., Mme E... et Mlle Y..., pour faire juger qu'il existe un passage à usage piétonnier, commun à l'ensemble des propriétés riveraines et placé sous le régime de l'indivision forcée, joignant les immeubles du ... au ..., et dont l'assiette se situe en partie sur les parcelles cadastrées n° 188 et 500, appartenant à Mlle Y... ; que cette dernière a assigné M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Au Jardin de la liberté, Mme E..., dont elle avait acquis ses parcelles, selon acte reçu par M. B..., notaire, ainsi que celui-ci et la SCI Colleu Pages en déclaration de jugement commun, déniant l'existence de tout droit de passage ou de tout passage commun ; que les instances ont été jointes ;
Attendu que Mlle Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la SCI Colleu Pages, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel constate qu'il résulte de l'ensemble des titres que l'assiette du passage dont il est fait mention n'est pas rattachée spécifiquement aux parcelles traversées, "mais est décrite comme extérieure aux propriétés qu'elle borne ou qu'elle longe" ; qu'ainsi, elle ne pouvait, sans violer les articles 544 et 1134 du Code civil, prendre l'assiette du passage, qu'elle analysait comme une indivision perpétuelle entre propriétaires riverains, sur la propriété privative de Mme Y..., telle que celle-ci résultait de son acte d'acquisition du 19 mai 1994, auquel était annexé un plan dressé par un géomètre expert, avec indication des contenances vendues, et qui était corroboré en tout point par le titre du vendeur direct de Mme Y... du 15 septembre 1989 ;
2 / que la preuve de la propriété peut être rapportée par des actes auxquels l'une des parties au procès en revendication est tiers ;
d'où il suit qu'en énonçant que "l'argumentation de Mme Y... se prévalant des surfaces mentionnées au titre n'est pas déterminante de son droit à être propriétaire exclusive du passage à hauteur de sa parcelle, dès lors qu'aucun mesurage contradictoire n'ayant été fait dans les actes anciens il ne s'agit que de surfaces cadastrales n'ayant pas de valeur probatoire à l'égard des tiers", la cour d'appel viole les articles 711, 1165 et 1328 du Code civil ;
3 / que la cour d'appel ne pouvait sans entacher sa décision d'une irréductible contradiction, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile affirmer, d'une part, que les titres produits faisant état du passage litigieux ne rattachaient pas son assiette "plus spécifiquement aux parcelles traversées" et, d'autre part, qu'une rénovation cadastrale, effectuée ultérieurement "et qui explique l'incorporation dans le sol de parcelles riveraines de l'assiette du passage comme d'ailleurs au droit de la propriété Y...", ce dont il résultait que l'assiette du passage était déterminée antérieurement, c'est-à-dire par les titres produits et dont elle constatait que tel n'était pourtant pas le cas ;
4 / que, et en toute hypothèse, en affirmant péremptoirement qu'une rénovation cadastrale ultérieure expliquait "l'incorporation dans le sol de parcelles riveraines de l'assiette du passage comme d'ailleurs au droit de la propriété Y...", sans aucune analyse ni explication, ne serait-ce que par une confrontation précise des énonciations des cadastres successifs, la cour d'appel ne motive pas légalement sa décision et méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; d'où il suit qu'en se fondant sur les baux conclus par les auteurs de la SCI et ceux consentis par celle-ci pour se déterminer quant à l'existence d'un passage commun entre propriétaires riverains, la cour d'appel viole l'article 1315 du Code civil ;
6 / qu'en ne s'expliquant pas sur le caractère indispensable au fonds du revendiquant du passage, qu'elle déclarait communs à tous les riverains, en conséquence en indivision perpétuelle, cependant qu'elle était saisie d'un moyen faisant valoir l'absence de caractère indispensable du passage au fonds de la SCI Colleu, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, sans contradiction, que l'incorporation de l'assiette du passage litigieux dans le sol des parcelles riveraines, opérée par une rénovation cadastrale ultérieure, était contraire aux énonciations des titres anciens et des titres communs, desquels il résultait que ce passage n'était pas rattaché plus spécifiquement aux parcelles traversées, mais était extérieur aux propriétés qu'il bornait ou longeait, que Mlle Y... n'avait pas plus de droits que ses auteurs, que la qualification de cour commune figurant dans l'acte du 25 février 1901, de la vente des parcelles aujourd'hui cadastrées 186, 188, 380, 381, 500 et 501 et la référence, dans l'ensemble des actes produits, au passage commun conjuguée à la configuration des lieux telle qu'elle ressortait de différents extraits cadastraux et des lieux eux-mêmes, démontrait qu'indépendamment des restructurations urbaines, qui ne pouvaient être opposées en l'espèce, le passage servait d'assise à l'ensemble des lots, la cour d'appel qui, abstraction faite d'un motif surabondant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen et qu'elle a analysés, a ainsi fait ressortir, en retenant les présomptions qui lui sont apparues les meilleures que le chemin en cause était affecté, comme accessoire nécessaire à l'usage commun des divers immeubles le bordant ou y aboutissant, a pu en déduire l'existence d'une indivision forcée et perpétuelle et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'imprécision des termes de l'acte d'acquisition de Mlle Y... rendait nécessaire, que les différents actes qu'elle a analysés et notamment l'acte de 1918, qui expliquait l'incorporation dans le sol de parcelles riveraines à l'assiette du passage comme d'ailleurs au droit de la propriété Y..., faisaient du passage litigieux un passage commun dont l'assiette n'était pas rattachée plus spécifiquement aux parcelles traversées avec un droit de passage pour les voisins, mais était décrite comme extérieure aux propriétés qu'elle borne ou qu'elle longe, et constaté que le titre de Mlle Y... comme celui de sa venderesse Mme F... portaient la même mention "d'un droit de passage commun donnant accès à la rue Vasselot" ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. B..., notaire ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mlle Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mlle Y... à payer à la société civile immobilière Colleu Pages la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mlle Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille un.